Sep 15 2005

Suppression des attributions notariales aux consuls dans les pays de l’Union européenne

Question écrite n° 19309 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam (Français établis hors de France – UMP) publiée dans le JO Sénat du 15/09/2005 – page 2326

Mme Joëlle Garriaud-Maylam attire l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les conséquences de la suppression des attributions notariales dévolues aux consuls dans les pays membres de l’Union européenne et de l’Espace économique européen (arrêté du 6 décembre 2004). Cette disposition prise par mesure d’économie sans solution de remplacement entraîne de réelles difficultés dans l’établissement des actes authentiques pour nos compatriotes résidant dans un Etat de droit non-latin soumis au régime de la « common law » qui ne reconnaît pas l’authenticité, cas notamment du Royaume-Uni, de l’Irlande et des pays scandinaves y compris le Danemark. Consciente de la nécessité de maîtriser les dépenses de l’Etat mais soucieuse aussi du service public dû à nos compatriotes expatriés, elle lui demande si, au vu de l’expérience, il ne pourrait pas être envisagé de rétablir ces attributions notariales dans les postes où le plus grand nombre d’actes sont effectués, essentiellement au Royaume-Uni et en Suède, respectant ainsi l’objectif de maîtrise des coûts.

Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée dans le JO Sénat du 03/11/2005 – page 2841

L’activité notariale des agents diplomatiques et consulaires dans les Etats membres de l’Union européenne, en Suisse, en Norvège, en Islande, en Andorre, à Monaco et auprès du Saint-Siège présente plusieurs caractéristiques : 1. Les procurations représentent la quasi-totalité des actes notariés (92,15 % en 2003 ; 94,44 % en 2004). En pratique, ces actes dressés à la demande des particuliers pour leur propres besoins sont rarement préparés en intégralité par les agents consulaires : ils sont le plus souvent établis à partir d’un modèle rédigé en France par le notaire recevant l’acte principal. Cette tendance, observée également hors de la zone européenne, tend à se développer et réduit la valeur ajoutée apportée par l’agent, consulaire, dont le rôle se limite alors à recopier l’acte dont le modèle lui est transmis. En 2004, 55,60 % des procurations avaient pour objet l’acquisition ou la vente d’un bien immobilier en France, le mandant étant, de surcroît, le plus souvent de nationalité étrangère. De tels actes sont parfaitement réalisables sur place dès lors que l’usager s’adresse à un notaire local et seul, jusqu’à présent, un tarif avantageux lui faisait préférer la voie consulaire française (cf. tableau n° 1). 2. Les autres actes (contrats de mariage, testaments ou donations entre époux…) ne représentent qu’une très faible partie de l’activité notariale. 3. Depuis de nombreuses années, des négociations avec les Etats précités ont permis de mettre en place un dispositif conventionnel particulièrement dense (cf. tableau n° 2), qui permet à un acte authentique établi par un juriste local d’être recevable en France : soit directement sans formalité particulière comme tout autre acte public ; c’est le cas de l’Allemagne, de l’Italie et du Portugal ; soit après avoir été revêtu d’une apostille, facilité instaurée par la convention de La Haye du 5 octobre 1961 : c’est le cas de la plupart des Etats de la zone. S’il n’est pas directement rédigé en français, une traduction certifiée accompagne l’acte. Cette opération, communément utilisée par les ressortissants étrangers dans l’opération d’acquisition d’un bien immobilier en France, par exemple, ne peut être qualifiée de contrainte quand nos compatriotes, de manière semblable, y recourent déjà de façon courante. Ces raisons objectives et la volonté d’encourager les Français établis en Europe à s’adresser directement aux administrations locales et aux officiers ministériels locaux, ont conduit à inscrire le principe de la suppression des attributions notariales des agents diplomatiques et consulaires en Europe dans la stratégie ministérielle de réforme. L’objet n’en est pas tant de réaliser des économies budgétaires, qui sont en l’occurrence marginales, que de marquer un geste utile de simplification, qui en annonce d’autres. C’est dans cet esprit que la réforme a été présentée par le ministre des affaires étrangères devant l’assemblée des Français de l’étranger le 27 septembre 2004 : « Au sein de l’Union, nos compatriotes doivent pouvoir s’adresser de plus en plus aux administrations de leur pays de résidence plutôt qu’à leur consulat pour de nombreux services administratifs. Il me semble que le moment est venu d’avancer résolument dans ce sens : nous allons supprimer la compétence consulaire en matière notariale et centraliser progressivement à Nantes les transcriptions d’actes d’état civil français dans l’Europe des vingt-cinq » et lors du débat budgétaire à l’Assemblée nationale, le 15 novembre 2004. Cette idée a été confirmée le 5 septembre 2005 devant l’assemblée des Français de l’étranger par le ministre des affaires étrangères : « Tout ceci devra à l’avenir s’inscrire davantage dans une dynamique de construction d’une Europe des citoyens. La décision en 2004 de supprimer la compétence notariale dans les consulats de France de l’Union européenne va dans ce sens ; je souhaite que d’autres initiatives comparables la prolongent. » Cette mesure devrait, en outre, stimuler le rapprochement professionnel des notariats européens. En France comme chez nos partenaires, le notaire de profession est appelé à pratiquer de plus en plus fréquemment les différents droits nationaux auxquels il se réfère pour recevoir un acte authentique dont la finalité est extérieure à son propre pays. Par ailleurs, une véritable coopération entre notariats européens se met en place, à laquelle le ministère des affaires étrangères apporte naturellement son concours, afin d’accroître la facilité de reconnaissance des actes et leur circulation rapide d’un Etat à l’autre. Parallèlement, une enquête lancée en janvier 2005 parmi les communautés françaises expatriées en Europe n’a révélé, à cet égard, aucune critique ou réaction négative. Lors des différentes sessions de l’assemblée des Français de l’étranger en 2004 et 2005, l’évocation répétée de la réforme par l’administration n’a donné lieu à aucun débat.

PAYS POSTE CONSULAIRE PROCURATIONS AUTRES ACTES TOTAL
Pour acquérir
ou vendre un
bien immobilier
en France
Pour accepter
ou consentir
une donation
entre vifs
Ayant un autre
objet
Total des
procurations
Contrat de mariage
ou désignation
de la loi
applicable
Testament
ou donation
entre époux
ou acte
de notoriété
Total
des autres
actes
Union européenne
Allemagne Berlin 2 13 4 19 0 0 0 19
Düsseldorf 5 9 3 17 0 0 0 17
Francfort 0 0 0 0 0 0 0 0
Hambourg 5 7 0 12 1 0 1 13
Munich 6 21 9 36 0 0 0 36
Sarrebruck 0 2 0 2 0 0 0 2
Stuttgart 5 7 1 13 1 0 1 14
Autriche Vienne 5 11 3 19 1 0 1 20
Belgique Bruxelles 9 30 2 41 0 1 1 42
Anvers 2 2 1 5 0 0 0 5
Liège 2 3 0 5 0 0 0 5
Chypre Nicosie 2 0 0 2 0 0 0 2
Danemark Copenhague 33 8 12 53 0 0 0 53
Espagne Barcelone 5 30 3 38 1 0 1 39
Bilbao 3 3 1 7 0 0 0 7
Madrid 18 36 14 68 2 3 5 73
Séville 8 6 3 17 1 3 4 21
Estonie Tallinn 0 0 0 0 0 0 0 0
Finlande Helsinki 6 3 1 10 1 0 1 11
Grèce Athènes 9 16 5 30 0 0 0 30
Thessalonique 5 0 3 8 0 0 0 8
Hongrie Budapest 3 0 4 7 1 2 3 10
Irlande Dublin 127 12 15 154 3 0 3 157
Italie Rome* 15 19 17 51 1 0 1 52
Naples 1 2 1 4 0 0 0 4
Milan 23 13 7 43 0 1 1 44
Turin 15 5 2 22 0 1 1 23
Lettonie Riga 1 0 0 1 0 0 0 1
Lituanie Vilnius 0 1 0 1 1 0 1 2
Luxembourg Luxembourg 1 2 0 3 0 0 0 3
Malte La Valette 0 0 0 0 0 0 0 0
Pays-Bas Amsterdam 13 31 11 55 1 0 1 56
Pologne Cracovie 1 1 0 2 0 0 0 2
Varsovie 6 6 6 18 2 0 2 20
Portugal Lisbonne 3 9 6 18 0 0 0 18
Porto 1 8 2 11 0 0 0 11
Slovaquie Bratislava 0 1 0 1 2 0 2 3
Slovénie Ljubljana 0 4 1 5 0 0 0 5
Royaume-Uni Londres 462 151 6 619 51 4 55 674
Edimbourg 12 11 9 32 1 0 1 33
Rép. tchèque Prague 2 8 4 14 5 0 5 19
Suède Stockholm 18 14 6 38 0 0 0 38
Hors Union européenne
Andorre Andorre 0 3 0 3 0 0 0 3
Islande Reykjavik 1 0 0 1 0 0 0 1
Monaco Monaco 0 0 0 0 0 0 0 0
Norvège Oslo 38 3 5 46 0 4 4 50
Suisse Berne 0 9 0 9 0 0 0 9
Genève 16 15 3 34 0 0 0 34
Zurich(*) 9 9 3 21 0 0 0 21
Saint-Siège Saint-Siège 0 0 0 0 0 0 0 0
Total 898 544 173 1615 76 19 95 1710
% 55,60 33,68 10,71 100 80 20 100
% 94,44 5,55 100
(*) La circonscription consulaire de Rome comprend la république de Saint-Marin, celle de Zurich la pricipauté de Liechtenstein.

PAYS NATURE DE LA FORMALITÉ TEXTE CONVENTIONNEL DE RÉFÉRENCE DATE DE
a b c Ratification Entrée en vigueur
Union européenne
Allemagne D Convention de Bonn du 13 septembre 1971 (1) 13.09.1971 01.04.1975
Autriche A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 14.09.1987 13.01.1968
Belgique D Convention de Bruxelles du 25 mai 1987 (4) 01.04.1992 28.04.1997
Chypre A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 26.07.1972 30.04.1973
Danemark D Convention de Bruxelles du 25 mai 1987 (4) 01.04.1992 12.03.1992
Espagne A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 27.07.1978 25.09.1978
Estonie A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 11.12.2000 30.09.2001
Finlande A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 27.06.1985 26.08.1985
Grande-Bretagne A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 21.08.1964 24.01.1965
Grèce A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 19.03.1985 18.05.1985
Hongrie D Convention du 31 juillet 1980 (5) 17.10.1981 01.02.1982
Irlande A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 08.01.1999 09.03.1999
Italie D Convention de Bruxelles du 25 mai 1987 (4) 01.04.1992 12.03.1992
Lettonie A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 11.05.1995 30.01.1996
Lituanie A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 05.11.1996 19.07.1997
Luxembourg A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 04.04.1979 03.06.1979
Malte A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 12.06.1967 03.03.1968
Norvège A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 30.05.1983 29.07.1983
Pays-Bas A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 09.08.1965 08.10.1965
Pologne A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 19.11.2004 14.08.2005
Portugal D Convention du 20 juillet 1983 (8) 10.10.1984 01.10.1984
Slovaquie D Convention du 10 mai 1984 (7) 02.01.1985 07.08.1996
Slovénie A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 24.01.1965 08.06.1992
Suède A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 02.03.1999 01.05.1999
Rép. tchèque D Convention du 10 mai 1984 (7) 02.01.1985 19.06.1995
Hors Union européenne
Andorre A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 (2) 15.04.1996 31.12.1996
Islande Convention de La Haye du 5 octobre 1961 28.09.2004 27.11.2004
Liechtenstein A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 19.07.1972 17.09.1972
Monaco D Convention du 21 septembre 1949 (6) 21.09.1949 22.12.1952
Saint-Marin A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 26.05.1994 13.02.1995
Saint-Siège L
Suisse A Convention de La Haye du 5 octobre 1961 10.01.1973 11.03.1973

a. [D] Dispense de légalisation. Les actes notariés établis à l’étranger sont valables de plein droit dès lors qu’ils sont munis d’un sceau ou d’un timbre officiel et accompagnés d’une traduction (le cas échéant certifiée par un traducteur juré). C’est le régime le plus favorable qui confère à l’acte établi par une autorité étrangère une valeur probante à l’acte équivalent établi en France. b. [A] : apostille. L’apostille est définie par la convention supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers signée à La Haye, le 5 octobre 1961 (art. 3, 4 et 5). « Dûment remplie, elle atteste la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre sceau dont cet acte est revêtu. La signature, le sceau ou timbre qui figurent sur l’apostille sont dispensés de toute attestation » (art. 5, al. 2 et 3). Les autorités chargées de délivrer l’apostille sont désignées par chaque Etat contractant. Ces désignations sont détaillées dans le tableau suivant :

PAYS AUTORITÉS CHARGÉES DE DÉLIVRER L’APOSTILLE
Andorre ministères (affaires extérieures, présidence et tourisme, justice et intérieur)
Autriche tribunaux civils de première instance
Chypre ministère de la justice, Nicosie
Espagne doyen du collège notarial de la région
Estonie ministères (affaires étrangères, éducation, justice, intérieur, affaires sociales), Tallinn
Finlande liste de 35 magistrats locaux
Grande-Bretagne The Legalisation Office, Ministry of Foreign Affairs, Londres, et 13 autorités locales d’outre-mer
Grèce tribunaux de première instance
Irlande ministère des affaires étrangères, Dublin
Islande ministère des affaires étrangères, Reykjavik
Lettonie ministère des affaires étrangères, Riga
Liechtenstein chancellerie gouvernementale de la Principauté, Vaduz
Lituanie ministère des affaires étrangères, Vilnius
Luxembourg ministère des affaires étrangères, Luxembourg
Malte ministère du Commonwealth et des affaires étrangères, La Valette
Norvège ministère des affaires étrangères, Oslo, et les gouverneurs des 18 départements
Pays-Bas greffiers des tribunaux de première instance (15) et 2 autorités locales d’outre-mer
Saint-Marin secrétaire d’Etat aux affaires étrangères (17 délégataires de sa signature)
Slovénie ministère de la justice et de l’administration, Ljubljana
Suède tout notaire public
Suisse liste de 26 autorités cantonales désignées pour la délivrance de l’apostille

c. [L] : légalisation. Formalité par laquelle les agents diplomatiques et consulaires de l’Etat sur le territoire duquel l’acte doit être produit attestent la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou du timbre dont cet acte est revêtu. C’est le régime de droit commun applicable en l’absence de disposition conventionnelle plus favorable. (1) Convention entre la République française et la République fédérale d’Allemagne sur la suppression de la légalisation sur les actes publics, signée à Bonn le 13 septembre 1971 (décret n° 75-247 du 9 avril 1975, JO du 16 avril 1975). (2) Convention supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers signée à La Haye, le 5 octobre 1961 ; signée par la France le 9 octobre 1961 et entrée en vigueur le 24 janvier 1965 (décret n° 65-57 du 22 janvier 1965, JO du 28 janvier 1965). (3) Convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume de Belgique sur la suppression de la légalisation sur les actes publics, signée à Paris le 9 novembre 1981 (décret n° 82-110 du 27 janvier 1982, JO du 31 janvier 1982). (4) Convention relative à la suppression de la légalisation d’actes dans les Etats membres des communautés européennes, faite à Bruxelles le 25 mai 1987 et signée par la France le 11 juillet 1990 (décret n° 92-383 du 1er avril 1992, JO du 8 avril 1992). (5) Convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République populaire hongroise relative à l’entraide judiciaire en matière civile et commerciale, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions ainsi qu’à l’entraide judiciaire en matière pénale et à l’extradition, signée à Budapest le 31 juillet 1980 (décret n° 82-148 du 4 février 1982, JO du 12 février 1982). 6) Convention sur l’aide judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, signée à Paris le 21 septembre 1949 (décret n° 53-253 du 24 mars 1953, JO du 2 avril 1953). (7) Convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République socialiste tchécoslovaque relative à l’entraide judiciaire, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions en matière civile, familiale et commerciale (ensemble une annexe), signée à Paris le 10 mai 1984 (décret n° 85-752 du 17 juillet 1985, JO du 21 juillet 1985). (8) Convention de coopération judiciaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République portugaise relative à la protection des mineurs, faite à Lisbonne le 20 juillet 1983 (décret n° 84-911 du 10 octobre 1984, JO du 14 octobre 1984), notamment son article 25.