En tant que rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la convention que nous examinons aujourd’hui porte sur un sujet que d’aucuns pourraient qualifier d’énigmatique : le « patrimoine culturel immatériel ».
L’assemblée générale de l’UNESCO a adopté ce texte en 2003 afin de compléter la notion de « patrimoine culturel mondial », telle que définie par la convention de 1972. Cette convention a eu, vous le savez, un impact déterminant pour la protection de sites naturels ou bâtis, dont la liste est périodiquement complétée.
Cependant, certaines civilisations s’expriment par des types de création autres que les oeuvres bâties, je pense en particulier aux langues.
C’est pour prendre en compte leurs réalisations qu’a été élaborée la présente convention : elle vise à protéger le patrimoine culturel immatériel, défini comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que des communautés et des groupes reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ».
La négociation de ce texte a répondu à la demande d’États du Sud, notamment africains et océaniens, qui souhaitaient promouvoir une conception plus large du patrimoine culturel, incluant une dimension « immatérielle » qui traduit la vulnérabilité de ce patrimoine.
La convention vise donc à répondre à ce voeu et à distinguer des expressions culturelles différentes. La France est à la pointe de cette conception élargie de la sphère culturelle, comme l’a souligné le Président Jacques Chirac devant la dernière conférence générale de l’UNESCO, saluant un instrument juridique qui « rend hommage à des peuples trop souvent ignorés, des peuples qui disparaissent alors qu’ils sont dépositaires d’expériences irremplaçables pour notre avenir, ces peuples Premiers qu’il est urgent de protéger, de respecter et de rétablir dans leurs droits ».
C’est une coïncidence particulièrement heureuse, me semble-t-il, que l’examen de cette convention sur le patrimoine immatériel se déroule très exactement une semaine après l’inauguration par le Président de la République du musée consacré aux Arts premiers, quai Branly. L’ouverture de ce musée prouve à elle seule tout l’intérêt que notre pays attache à ces formes d’expression artistiques ou culturelles, diverses et multiples, spontanées ou raisonnées, à leur continuité et à leur préservation.
Ce texte, enfin, complète et parachève l’édifice conventionnel et normatif de l’UNESCO dans le domaine de la préservation du patrimoine culturel comme dans celui, parfaitement complémentaire, de la diversité culturelle.
La convention est d’ores et déjà entrée en vigueur en avril 2006, trois mois après qu’elle eut été ratifiée par trente États.
La France a pesé de tout son poids dans les négociations qui ont abouti au présent texte pour une définition la plus rigoureuse possible de la notion de patrimoine immatériel, soulignant la nécessité que les expressions ainsi distinguées aient bien un caractère de tradition continue et toujours vivante parmi les populations qui les pratiquent.
La notion de patrimoine immatériel vise donc, dans un souci de préservation de la diversité culturelle mondiale, à distinguer des oeuvres relevant autant de l’ethnologie que de la culture au sens occidental du terme.
Rappelons également que les travaux de l’école ethnologique française ont beaucoup contribué à l’évolution du regard occidental sur le contenu de la notion de « culture », jusqu’alors confinée dans les limites d’une approche artistique classique et conventionnelle.
Mes chers collègues, l’examen de ces éléments positifs a conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à vous recommander, à l’unanimité, l’adoption du présent projet de loi.