Juin 30 2008

Projet de loi de modernisation de l’économie

Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d’État, madame et messieurs les rapporteurs de la commission spéciale, mes chers collègues, en nous soumettant ce projet de loi en urgence, le Gouvernement nous a présenté d’excellentes mesures, facteurs de progrès, et nous a annoncé quelques bonnes nouvelles dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Le constat de la situation économique de la France demeure cependant très préoccupant. Sans vouloir afficher un alarmisme de mauvais aloi, force est de constater que les indicateurs sont à l’orange et que nous continuons à perdre des parts de marché.

Certes l’environnement conjoncturel international est difficile, marqué par une certaine volatilité des marchés, les secousses des subprimes, la flambée des prix du pétrole et des matières premières agricoles.

Nous ne pouvons plus continuer ainsi, et il nous faut absolument, en relançant la croissance, réduire la dette publique, mettre fin à ces vingt-cinq ans de déficit budgétaire.

D’autres pays ont réussi à réduire, voire à supprimer leurs déficits ; rien ne nous empêche d’y arriver aussi, car nous avons tous les talents indispensables à cette fin.

Nous avons un immense besoin de réformes et celles qui sont prônées à travers ce projet de loi de modernisation de l’économie, même si elles sont les bienvenues, ne vont sans doute pas encore assez loin. (M. Jean Desessard s’esclaffe.)

Nous avons, certes, déjà beaucoup progressé ces derniers mois et le Forum économique mondial, qui nous avait, en 2006, classés au vingt-huitième rang en termes de compétitivité, nous a fait gagner dix places en un an.

Les circonstances font que nous avons actuellement une « fenêtre d’opportunité » et il ne faut pas que nous manquions ce tournant.

Bravo, madame le ministre, pour cet excellent texte et pour les dispositions particulièrement novatrices et opportunes qu’il contient. Je citerai tout particulièrement les dispositions relatives à la fin des contrats, car elles me semblent essentielles.

Nous avons, en effet, la nécessité absolue d’apporter plus de flexibilité à notre droit du travail, quelque peu archaïque et suranné par certains de ses aspects.

Comment ne pas être interpellés par le fait que, toujours selon le Forum économique mondial, nous sommes dans ce domaine cent vingt-neuvième sur cent trente et un pays ?

Il nous faut donc impérativement réformer notre code du travail en facilitant l’embauche mais aussi le licenciement (Exclamations sur les travées du groupe socialiste)

car c’est la garantie d’une économie plus vivante et plus dynamique.

Nous avons déjà relativement peu de petites et moyennes entreprises alors, de grâce, laissons-leur un peu plus de liberté ! Les exemples britannique et nordique nous prouvent que la flexibilité en matière de recrutement et de licenciement est une condition essentielle à la création même d’emplois.

Nous sommes sans doute un peu trop laxistes ou permissifs mais il nous faut aussi avoir le courage de voir la réalité en face. On peut s’interroger sur le fait que notre pays soit, de tous les États européens, celui où l’on travaille le moins, avec une semaine à 35 heures ; c’est aussi chez nous, hélas ! que sont battus tous les records en matière d’absentéisme au travail !

Je voudrais également attirer votre attention, madame le ministre, sur la réduction à soixante jours des délais de paiement prévue à l’article 6. Une telle mesure était indispensable alors même que, dans la plupart des autres pays, les clients paient dès la réception ou à trente jours maximum.

Il conviendrait toutefois de réfléchir au maintien d’un délai de quarante-cinq jours pour les libraires indépendants, profession, qui vous le savez, est particulièrement menacée, qui a besoin d’être protégée et de pouvoir garder plus longtemps en référence un certain nombre d’ouvrages essentiels.

Cette mesure était vitale pour les PME.

Sans doute pourrions-nous également aller au-delà de cette mesure en impliquant davantage les banques. Une PME dont la facture n’est pas honorée se voit compter des agios si elle est à découvert. Il faudrait sans doute permettre une communication du bordereau à la banque afin que cette dernière puisse engager une procédure de recouvrement auprès de la banque du client. Ainsi, la PME serait garantie et pourrait, par conséquent, se projeter dans l’avenir, et donc investir, changer de statut, mieux exporter ou créer davantage d’emplois.

Mais au-delà des domaines précis abordés dans ce projet de loi, c’est toute une culture qu’il faut changer et un vrai esprit d’entreprise et d’engagement qu’il nous faut créer en France pour faire revenir la croissance. Nous devons remettre le travail au cœur de notre société, afin qu’il en redevienne une valeur intrinsèque.

La réalité de certains sondages comparatifs est, à cet égard, insupportable : interrogés sur le parcours idéal à leurs yeux, l’immense majorité des élèves des classes d’affaires en Grande-Bretagne ou aux États-Unis se voient réussir à la tête d’une entreprise qu’ils auraient eux-mêmes créée, alors que les élèves français rêvent plutôt, eux, d’intégrer un grand groupe, avec tout ce que cela peut représenter de sécurité.

Audaces fortuna juvat est un proverbe latin que je cite souvent et qu’il me semble important de répéter. Il nous faut, en effet, donner à nos jeunes compatriotes le sens du risque, le goût de la création d’entreprise et de la mobilité, la notion du devoir avant celle des droits, car c’est seulement à ce prix que nous accroîtrons notre rayonnement économique. Cela, me semble-t-il, passe aussi par un enseignement ciblé, dès la sixième peut-être, sur ce que sont les enjeux économiques et ceux du monde de l’entreprise.

Le volet « attractivité du territoire » de ce projet de loi me paraît fondamental, mais vous ne vous étonnerez pas qu’en tant que sénateur des Français de l’étranger je veuille également évoquer son indispensable corollaire, le dynamisme de notre pays au-delà des frontières extérieures et la conquête de nouveaux marchés.

Mais revenons-en au volet « attractivité du territoire ». Le baromètre de l’attractivité du site France que publie un grand cabinet international place notre pays en 2007 à la deuxième place européenne en nombre d’implantations internationales et à la cinquième place en nombre d’emplois. L’attractivité existe donc déjà.

Il suffit d’évoquer l’expression allemande du bonheur « wie Gott in Frankreich » pour savoir que la France est encore souvent considérée comme un pays de cocagne où la qualité de vie est l’une des meilleures du monde.

Certains de mes collègues devraient davantage aller voir dans d’autres pays ce qui s’y passe. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le président, nous, les membres de la majorité, nous avons l’habitude de ces interruptions permanentes de nos collègues de l’opposition, qui n’ont d’autre objet que de couvrir la voix des orateurs.

Pourquoi ne réussissons-nous pas mieux ? Si nous interrogeons nos amis étrangers, la réponse à cette question est simple : trop d’impôts, trop de bureaucratie, une réglementation excessive et abusive du travail, pas assez de souplesse ou de mesures d’incitation ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

En France, la création ou l’installation d’une entreprise est considérée comme un parcours du combattant. Il nous faut absolument simplifier et rationaliser nos procédures, faciliter les démarches des investisseurs, développer dans notre pays la notion d’accueil et de service.

Certes, les mesures incitatives relatives à l’obtention d’une carte de séjour ou de résident constituent des éléments extrêmement intéressants. Toutefois, c’est à l’étranger, dans nos consulats, que devrait toujours commencer la démarche d’intensification de l’attractivité de notre pays. Notre collègue Adrien Gouteyron, par ailleurs vice-président du Sénat, ne s’y est pas trompé dans l’excellent rapport qu’il a consacré aux ambassades et consulats français à l’étranger.

C’est pour cette raison que j’ai proposé un amendement visant à accorder une certaine priorité dans l’obtention des visas aux responsables et acteurs économiques, connus de nos autorités diplomatiques ou consulaires ou de nos responsables locaux – chambres de commerce, conseillers du commerce extérieur ou Assemblée des Français de l’étranger –, pouvant se porter, dans une certaine mesure, garants de leur légitimité. Une liste de ces acteurs serait actualisée à l’ambassade et pourrait donc servir également d’outil de travail.

En effet, combien de marchés ou d’affaires n’avons-nous pas ratés parce que ces acteurs économiques n’arrivaient pas à obtenir un visa dans des délais raisonnables ou se le voyait refuser sans la moindre explication ?

J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’intervenir sur cette question tout récemment, lors de notre débat relatif à la politique étrangère de la France, et de souligner la nécessité d’une meilleure appréhension de notre présence diplomatique et consulaire, notamment en ce qui concerne la formation, la compétence et la durée du séjour de nos agents à l’étranger. Je n’y insisterai donc pas.

En tout cas, notre présence culturelle et audiovisuelle doit absolument être soutenue – j’y reviendrai dans le cadre de la discussion des amendements.

Toutefois, à l’heure où notre déficit commercial bat tous les records, à près de 40 milliards d’euros en 2007, je voudrais simplement souligner combien nous devons veiller à l’image de la France, telle qu’elle se trouve véhiculée à l’étranger par les médias, mais aussi au respect des principes de souveraineté.

Combien d’États ne se sont-ils pas offusqués que des journalistes français prennent fait et cause pour un parti politique donné, sans rechercher l’impartialité ou même sans le moindre souci de la sécurité de nos compatriotes expatriés ?

Néanmoins, cette attractivité passe aussi par l’accueil dans nos aéroports. Si le nouveau terminal de Roissy constitue une magnifique réussite architecturale, qu’il convient de saluer, le processus d’entrée sur notre territoire mérite d’être largement réexaminé, et il serait utile, me semble-t-il, de procéder à un audit sur cette question.