Mai 06 2010

Elimination des armes à sous-munitions

En tant que rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui constitue la traduction concrète de l’engagement de la France en faveur de l’élimination d’armes qui ont causé, de par le monde, des dommages humanitaires considérables.

Je ne reviendrai pas sur un constat que nous avons déjà pu dresser à plusieurs reprises, que ce soit dans le rapport d’information que j’avais présenté dès 2006 avec mon collègue Jean-Pierre Plancade ou lors de la discussion devant notre assemblée de la convention d’Oslo, en septembre dernier. Rappelons simplement que, en raison de leurs caractéristiques, de leur mode de fonctionnement, de la manière dont elles ont été utilisées par certaines armées, les armes à sous-munitions ont provoqué de manière durable des conséquences désastreuses et inacceptables sur les populations civiles, notamment les enfants, dans de nombreuses zones de conflit.

La convention d’Oslo représente une très grande avancée du droit international humanitaire, puisqu’elle pose le principe d’interdiction de ces armes, à l’exception de celles qui répondent à des critères extrêmement précis et stricts garantissant un effet circonscrit aux objectifs militaires.

C’est avec une très grande satisfaction que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a accueilli ce projet de loi de transposition en droit interne de la convention d’Oslo. En effet, nous avons constaté que le Gouvernement avait très fidèlement veillé à reprendre les obligations découlant de la convention, ce qui traduit la volonté de la France d’en appliquer pleinement toutes les dispositions. Nous nous sommes également félicités de la rapidité avec laquelle la France entend mettre en œuvre cet instrument.

La France a retiré du service les armes interdites par la convention avant même que cette dernière soit signée. Elle a été le vingtième État à la ratifier, neuf mois à peine après sa signature, et nous prenons dans la foulée les mesures législatives nécessaires.

Nous souhaitons évidemment que l’Assemblée nationale puisse très prochainement examiner ce texte après le vote du Sénat aujourd’hui. Cela permettrait en effet une promulgation de la loi avant le 1er août prochain, date à laquelle la convention d’Oslo entrera en vigueur dans tous les États qui l’ont ratifiée.

Ce projet de loi est un texte bref qui vise à insérer un nouveau chapitre dans la partie du code de la défense relative aux armes interdites. Ce chapitre relatif aux armes à sous-munitions vient à la suite de celui qui est consacré aux mines antipersonnel, sur lequel il est largement calqué.

Le projet de loi retient un champ d’interdiction rigoureusement conforme à celui de la convention d’Oslo, renvoyant à celle-ci pour la définition des armes prohibées. Il reprend la clause de la convention relative à l’interopérabilité. Cette clause exclut que la participation à une opération militaire internationale aux côtés d’un pays possédant ou utilisant des armes à sous-munitions tombe sous le coup de l’interdiction, sous réserve qu’il n’y ait pas d’implication dans leur mise en œuvre.

Il s’aligne également sur la convention en ce qui concerne les délais de destruction et il précise le nombre très réduit d’armes prohibées que certains services de l’État pourront conserver, conformément à cette dernière, pour la mise au point des techniques de détection et des contre-mesures et pour la formation au déminage.

Le projet de loi met en place le régime de déclaration auprès du ministère de la défense des armes à sous-munitions détenues, qu’elles soient destinées à être détruites ou à être conservées aux fins de recherche et de formation. Il habilite certains agents du ministère de la défense, ainsi que les fonctionnaires des douanes, à constater les infractions.

Enfin, le régime pénal rigoureux prévu par le texte est analogue à celui qui existe pour les mines antipersonnel. Il lève le principe de double incrimination, ce qui permettra de réprimer les infractions à la loi française commises à l’étranger par un ressortissant français, même si l’État concerné ne possède pas de législation équivalente.

Le texte élaboré par la commission, sur lequel nous délibérons aujourd’hui, incorpore neuf amendements au texte initial du Gouvernement.

Outre quelques amendements d’ordre rédactionnel ou de précision, nous avons voulu compléter la définition des armes interdites, afin d’y inclure les petites bombes explosives, que la convention assimile aux armes à sous-munitions.

Il nous a paru également souhaitable de mentionner dans la loi, comme le fait la convention, que la destruction des armes interdites interviendra « dès que possible ». À cet égard, je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez confirmé devant la commission votre intention d’achever cette destruction en 2016, deux ans avant la date butoir prévue.

Je rappelle qu’il s’agit de démanteler environ 35 000 obus ou roquettes comprenant près de 15 millions de sous-munitions. Nous sommes sensibles à l’engagement du Gouvernement sur ce point, d’autant qu’il implique un coût de l’ordre de 20 millions à 30 millions d’euros pour le budget de la défense. Nous espérons bien évidemment qu’une filière française de démantèlement pourra être mise en place, à défaut de quoi ces marchés devraient être confiés à des industriels étrangers, ce qui serait bien évidemment regrettable.

La commission a également souhaité mentionner à l’article 5, relatif à l’entrée en vigueur de la loi, la date du 1er août 2010, qui est celle d’entrée en vigueur de la convention, afin de marquer notre souhait d’un achèvement rapide du processus législatif.

Enfin, nous avons adopté un article additionnel, qui permettra d’élargir les attributions de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, la CNEMA.

Regroupant des parlementaires – j’ai l’honneur d’y représenter le Sénat –, des responsables du ministère des affaires étrangères et du ministère de la défense ainsi que des représentants de la société civile – je pense notamment aux représentants des organisations internationales, qui ont beaucoup milité en faveur de ce texte –, la CNEMA constitue une instance de concertation et de suivi particulièrement utile pour la mise en œuvre de la convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel. La commission a considéré qu’elle avait naturellement vocation à assurer le même type de travail pour la mise en œuvre de la convention d’Oslo, puisque beaucoup de problématiques sont connexes, notamment le déminage et l’assistance humanitaire.

Pour conclure, je voudrais me féliciter du chemin parcouru en quelques années, depuis la lente prise de conscience suscitée par les organisations humanitaires, auxquelles je rends à nouveau hommage, jusqu’au lancement du processus d’Oslo, en 2007, à la conclusion de la convention et à l’examen, aujourd’hui, de ce projet de loi.

Je voudrais également souligner l’engagement de la France dans ce combat, engagement d’autant plus significatif que, à la différence de beaucoup d’États signataires, notre pays est un acteur militaire de premier rang, engagé et exposé sur de nombreux théâtres d’opérations.

L’adoption du projet de loi mettant en œuvre la convention d’Oslo ne saurait toutefois constituer qu’une étape. Beaucoup reste malheureusement à accomplir en matière de déminage et d’aide aux victimes dans les régions affectées par les sous-munitions. Je pense non seulement au Sud-Liban, gravement frappé lors du conflit de 2006, mais également aux pays du Sud-Est asiatique où les conséquences de l’emploi des armes à sous-munitions continuent à se faire sentir plus de trente-cinq ans après la fin de la guerre du Vietnam.

Il nous faut œuvrer sans relâche à l’universalisation de la convention. Actuellement, 90 % du stock mondial d’armes à sous-munitions est détenu par des États non-signataires. Il est donc indispensable de convaincre certains de nos partenaires internationaux actuellement attentistes ou réticents, tels que les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, le Pakistan, Israël, la Turquie, ou même certains États de l’Union européenne comme la Finlande, la Grèce, la Pologne ou la Roumanie.

C’est donc en ayant pleinement conscience du chemin restant à parcourir que, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)