Avr 16 2011

Etats-Unis (7-8 avril 2011)

Notre excellent consul général à Miami, Gaël de Maisonneuve m’avait parlé depuis longtemps de l’originalité de ce dispositif d’enseignement en français dans les établissements scolaires publics américains de Miami et ses environs. Il me restait à aller le voir en application. Une grosse tempête de neige à New-York en janvier ayant bloqué les aéroports new-yorkais, je n’avais pu le faire comme prévu à la fin de ma visite aux Nations-Unies pour le premier conseil d’administration d’ONU Femmes… M’apercevant qu’il n’y avait pas de vols directs Lima-Paris (ceux-ci ne seront rétablis, à raison de 5 par semaine, qu’à la mi-juin), je décidais, plutôt que de changer d’avion à Amsterdam, de faire un saut à Miami pour voir ces écoles, les acteurs essentiels de ce succès, mais aussi l’Alliance française de Miami, en proie à de grosses difficultés en raison notamment de la crise économique et financière qui a violemment frappé ce pays.

Les double cursus franco-américains , un modèle à suivre

Le dispositif « International Studies » (I.S) est basé sur le principe d’un double cursus, américain et français. Il concerne six établissements publics, dont deux de niveau primaire, trois de niveau collège et deux de niveau lycée et scolarise aujourd’hui  890 élèves, dont 307 de nationalité française.

Initié à la fin des années 80, pour répondre, dans un contexte d’explosion démographique,  à la fois à une demande croissante des parents français, mais aussi à celle de nombreux hispaniques (essentiellement des réfugiés cubains, les Balseros, mais aussi des portoricains, mexicains, ) soucieux de donner une culture internationale à leurs  enfants, ce programme est exemplaire, par sa qualité, mais aussi par ses aspects innovants en matière pédagogique et financière (pas de frais d’écolages) .

Ce système est en effet implanté dans des écoles américaines  publiques, donc gratuites,  et est financé par des subventions américaines, des enseignants étant envoyés par la France dans le  cadre du programme Jules Verne, dont j’avais déjà vu la qualité en Estonie.

En 2003, le « Miami-Dade County Public Schools » (MDCPS) département de l’éducation du Comté, a signé en 2003 avec le Ministère des Affaires étrangères un accord de coopération « Memorandum of Understanding » concernant de programme, dans lequel l’administration américaine s’engage à accueillir 60 élèves français pour un professeur financé par la France.  Le comté finance à ce jour 13 postes d’enseignants contre 11 pris en charge par l’Etat français, dont I CRSP, 3 volontaires internationaux et 8 Jules Verne. Le programme IS du MDCPS est homologué par le Ministère de l’Education nationale du CP à la classe de seconde, et une demande d’homologation française est en cours pour la 1ère et la Terminale. Les élèves présentent le bac  ES et le bac franco-américain.  Miami est d’ailleurs devenu un centre d’examen pour la baccalauréat, évitant ainsi aux élèves de se rendre au Lycée Rochambeau de Washington pour passer le bac.

Les enfants de l’école primaire Coconut Grove

A la «Coconut Grove Elementary School » , je suis accueillie par le Consul général adjoint, Monsieur  Bruno Dubois et par la directrice de l’école, Madame Sharon Lopez. Dès l’abord, je suis impressionnée par le dynamisme de Madame Lopez, titulaire d’un doctorat en techniques pédagogiques, formatrice d’enseignants à l’université de Floride, son enthousiasme, son souci de progresser encore dans le cadre d’une coopération renforcée avec la France, son implication dans le soutien aux démarches d’obtention de visas pour les enseignants.

L’école, où la section française a été ouverte en 2003 en complément de la Sunset School, devenue trop petite pour répondre à toutes les demandes de parents français, est vaste et agréable, et témoigne du souci constant d’épanouissement des enfants. Un petit potager y a par exemple été installé où chaque classe a sa parcelle de terre. J’y croise trois familles françaises, venues la visiter avec leurs enfants, en amont d’une expatriation préparée pour la rentrée de septembre. Elles sont enthousiasmées. Et comment ne pas l’être en échangeant avec ces enfants, tout fiers de pouvoir s’exprimer couramment en 2, voire 3 langues… Une maman américaine, Mya, très impliquée dans l’administration du programme et l’aide à la coordinatrice Muriel Molinier, nous confie que sa mère était française, mais qu’elle n’a pas su lui transmettre la pratique de sa langue. Mya s’était promis, à la naissance de sa fille, que celle-ci apprendrait dès son plus jeune âge la langue de ses ancêtres français.

Le programme français commence de la grande section de maternelle jusqu’au CM2. Il compte 125 élèves dont 24 français. Faute de moyens le programme a un peu tourné au ralenti, avec deux professeurs et un assistant dans le cadre du programme Fullbright.

Un nouvel essor a été donné cette année avec un renforcement de l’équipe  par 2 enseignants Jules Verne et un volontaire international.

Un dispositif menacé par les restrictions budgétaires

Mais l’inquiétude plane. Ce programme est malheureusement menacé par les réductions budgétaires américaines et françaises. Les Etats-Unis doivent faire face à une explosion du déficit public, qui atteint plus de 95% du PIB (14 240 milliards de dollars, un chiffre qui croit de 2,5 millions chaque minute !). L’Etat de Floride est un des Etats qui ont le plus souffert de la crise économique financière, souhaite introduire des mesures d’austérité. L’éducation internationale n’est plus une priorité et nous ne savons pas aujourd’hui (voir ma question écrite à ce sujet) si le programme Jules Verne sera renouvelé.

Une réunion a été organisée au Consulat, avec Françoise Perez et Hélène Salaün  Pousse, responsables des parents d’élèves, très mobilisés pour le développement et la réussite du programme, dans le cadre de leurs deux associations, le French Club pour Coconut, et FIPA (la French International  Studies Parent Association) fondée en même temps que le programme français international en 2006 et qui regroupe 200 parents environ. Beaucoup se disent prêts à financer eux-mêmes le programme par des frais d’écolage, mais le statut des écoles publiques américaines, entièrement gratuites ne le permet pas.

Les parents s’impliquent donc dans la levée de fonds, avec par exemple la prise en charge des billets d’avion entre la France et Miami des enseignants et des frais de visa ou d’hôtels à l’arrivée pour les enseignants Jules Verne, l’achat de livres, de matériel pédagogique. La FIFA a également mis en place un programme d’échange entre les élèves du programme français et les élèves de France.

Des pistes pour soutenir ce dispositif

Ce programme est, me semble-t-il, la voie de l’avenir. En complément de notre réseau AEFE, remarquable mais parfois un peu trop coûteux, la gratuité n’y intervenant que pour les élèves français inscrits dans le second cycle du secondaire, et les bourses étant insuffisantes, le développement d’un tel système permettrait d’offrir un enseignement de qualité, en français, à un coût plus faible pour le contribuable, et pour les parents.

Mais un tel développement ne peut se faire qu’à deux conditions :
–    Il faut bien sûr une aide de l’Etat français, et le programme Jules Verne semble être un excellent catalyseur pour ce type de soutien, dans la mesure où, contrairement aux programmes FLAM qui est essentiellement une aide au lancement d’une structure d’enseignement par le plus souvent une aide à son fonctionnement, il met à disposition de vrais enseignants formés à la française, avec une tradition reconnue d’excellence.
–    il faut d’autre part – et c’est sans doute là le plus important – que nos autorités diplomatiques et consulaires, nos élus, nos responsables d’association s’impliquent dans un travail de conviction auprès des autorités locales, afin de mettre en place de telles filières. Le faire dans de bonnes écoles publiques, gratuites, semble essentiel pour arriver à une démocratisation de l’enseignement français et à son ouverture à un nombre croissant de petits étrangers.

Le soutien et l’implication du Consulat général de Miami sont admirables et le succès de cette initiative n’aurait pas été aussi important sans leur implication. A titre d’exemple, de telles filières avaient été mises en place à Londres dans les années 90. Mais une seule a survécu, les autres s’étant heurtées à la fois à une certaine hostilité des parents britanniques (filière de type privé, avec des frais d’écolage très élevés) dans des écoles gratuites britanniques et à un certain manque de soutien des parents et des autorités françaises.

Une Alliance Française en difficulté

Il est très triste de constater les difficultés de fonctionnement –et essentiellement de financement- dans certains endroits.

Autant l’on ne peut qu’être admiratif devant la réussite de la plupart des Alliances notamment sur le continent américain, autant l’on peut s’alarmer des conséquences de certains mauvais choix de gestion ou d’investissement, notamment lorsque le contexte économique et financier

Ainsi à Miami, l’Alliance a acheté –cher- , il y a quelques années, un beau bâtiment moderne, une ancienne imprimerie, pas très loin du Consulat, dans un quartier qui semblait parfaitement adapté. Quelques centaines de milliers de travaux d’aménagement y ont encore  été réalisés. C’était juste avant la crise. Depuis la valeur du bâtiment est tombée bien au-dessous du montant de l’emprunt réalisé, et l’on s’est aperçu , un peu tard, des inconvénients dudit bâtiment. Pas de parking, une situation sur une rue non commerçante en dehors de concessionnaires de voitures..

L’équipe précédente est partie et la nouvelle présidente Laurence-Anne Ismael et la déléguée générale adjointe pour les questions pédagogiques, Muriel  Piquet-Viaux se trouvent dans une situation extrêmement difficile, à laquelle elles font face avec beaucoup de courage. Il faudrait trouver au plus vite 500 000 dollars pour pouvoir renégocier un emprunt avec  la banque. Avis aux mécènes…