Mai 04 2011

Bernard Stasi s’en est allé…

Le départ de cette figure centriste, européen convaincu, humaniste engagé, laissera un grand vide. Je retiendrai surtout son courage politique. Il a toujours combattu pour les causes qu’il estimait justes, qu’elles qu’en fussent les conséquences pour sa propre carrière.

Je n’oublierai pas non plus son ouverture sur le monde : pour lui, la France rayonnait lorsqu’elle était ouverte à l’international, insérée dans les échanges, accueillante.

C’est aussi beaucoup à lui que je dois mon engagement en politique et mon adhésion en 1979 au Centre des Démocrates Sociaux (CDS). A mon retour d’un an à Prague, j’avais été frappée par son écoute, sa compréhension des enjeux au Centre-Est, et son envie de s’impliquer lui aussi dans la défense des droits de l’homme et des libertés de l’autre côté du mur, alors que rares étaient ceux qui s’intéressaient alors à cette partie du monde! A peine élue au CSFE (Conseil supérieur des Français de l’étranger) en 88, je le revoyais régulièrement pour parler avec lui du monde et de nos compatriotes expatriés. 10 ans plus tard, devenu le premier Médiateur de la République, il avait accueilli avec beaucoup d’intérêt mon plaidoyer sur la nécessité d’un interlocuteur spécifique des Français de l’étranger au sein de cette autorité indépendante. Mais j’avais aussi pu mesurer son réalisme politique: s’il jugeait l’idée bonne, il ne pouvait y donner suite, certains sénateurs des Français de l’étranger, jaloux de leurs prérogatives et de leur pré carré ne pouvant, me disait-il, que s’opposer au principe d’un accès direct des Français de l’étranger au Médiateur.. Comme il l’avait prédit, la route fut longue avant qu’en 2009 un tel interlocuteur ne soit enfin institutionnalisé grâce à Jean-Paul Delevoye.

Longtemps, j’ai habité dans la même rue que lui, le soupçonnant d’avoir, comme moi, choisi en grande partie cette rue pour le nom qu’elle portait (Tocqueville !). Souvent nous nous y croisions, pour échanger avec toujours beaucoup de plaisir, maints propos sur le monde politique ou le monde tout court. Et puis un jour, très peu de temps avant que je ne déménage pour me rapprocher du Sénat, j’eus une impression pénible. Je lui parlais de ma joie d’être au Sénat, des vieux amis communs que j’y avais retrouvés, mais son regard était vide. Je mis cela sur le compte de la fatigue, de l’heure tardive à laquelle nous faisions nos courses chez notre épicier. Un an plus tard, rencontrant à Phnom-Penh son frère Mario, ce frère qu’il aimait tant et dont il était si fier, j’appris la maladie de Bernard..
Comment ne pas dire mon émotion ce jour-là, comme aujourd’hui, face au départ de cet homme courageux qui a tant marqué l’engagement politique de mes débuts. Sa droiture, sa fidélité à ses valeurs, son refus des compromissions et son engagement total au service de l’intérêt général resteront pour moi –et, je l’espère pour beaucoup d’autres – autant de marqueurs sur lesquels prendre appui dans les tumultes de la vie politique.