En France, 700 000 personnes, soit plus de 1 % de la population, sont placées sous un régime de protection juridique. La protection des majeurs est reconnue à l’article 415 du Code Civil comme « un devoir de la famille et de la collectivité publique ». Ainsi, 55% des mesures de protection civile sont exercées par les familles, 36% par les associations tutélaires et 9% par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Depuis le 1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, le juge peut confier l’exercice des mesures de protection à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur une liste établie par le préfet de département. Cette nouvelle profession a remplacé les gérants de tutelle privés.
Un des objectifs de la loi de 2007 consistait à créer un véritable statut homogène pour tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, au moins en ce qui concerne l’exercice de leur activité, la qualité de leurs prestations et les droits de leurs usagers. La loi a ainsi défini le rôle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (art. L 461-1), innovation importante dans la mesure où aucune définition générique de la profession n’existe à l’heure actuelle.
Lors des travaux préparatoires de la loi de 2007, certains magistrats ont exprimé leur désaccord sur le rôle exclusif des préfets de département dans la centralisation des demandes d’agrément ou d’autorisation des personnes ou services désireux de devenir mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Ils estimaient en effet qu’il aurait été préférable de prévoir un agrément au niveau national, afin d’assurer un meilleur contrôle et un traitement égal des demandes.
En tenant compte de ces recommandations bien fondées, j’ai travaillé avec mon équipe parlementaire sur une proposition de loi instaurant un ordre professionnel des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
La création d’un tel ordre permettrait de remplir deux missions :
En France, l’exercice de certaines professions est soumis à la possession d’un diplôme. Il revient aux ordres professionnels de les contrôler et d’établir la liste des titulaires habilités à exercer les professions relevant de leur ordre. Ce contrôle de la capacité d’exercice est la première mission d’un ordre professionnel et il serait indispensable que l’accès à une profession telle que celle de mandataire judiciaire à la protection des majeurs soit justement validé par des professionnels. Ce contrôle se justifie par l’importance des enjeux en question : santé publique, droit à se défendre devant une juridiction, aménagement du territoire.
La seconde mission des ordres professionnels consiste en un arbitrage des conflits internes à la profession, ce qui lui permet d’acquérir une compétence juridictionnelle. Dans un souci de transparence, et parce qu’ils agissent auprès d’une population vulnérable, il serait important que l’activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs puisse faire l’objet de contrôles réguliers.
L’absence de statut officiel de la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, alors même qu’ils effectuent une mission de service public, obère leur représentativité au plan national et auprès des pouvoirs publics.
Il est impératif de doter cette profession d’une représentation et d’une déontologie dignes de son rôle central. Pour ce faire il est nécessaire que l’Etat reconnaisse clairement la mission de service public exécutée par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
La création d’un ordre professionnel des mandataires judiciaires à la protection des majeurs permettrait d’accroitre leur visibilité auprès du public concerné, en structurant une profession jusque-là peu organisée et divisée. Se prenant en charge elle-même, la profession optimiserait son efficacité, sa déontologie et sa représentativité.
Cette proposition de loi a été déposée aujourd’hui au Sénat. Je tiens à remercier Sylvie de Bellabre-Lebiedinsky ainsi que Maitre Marc Van Beneden pour avoir attiré mon attention sur la possibilité de créer un ordre des mandataires judiciaires et pour leur contribution à l’élaboration de cette proposition de loi.