Nov 30 2011

Crise syrienne : l’analyse de notre Ambassadeur

Auditionné aujourd’hui par la commission des affaires étrangères, notre Ambassadeur de France en Syrie, Eric Chevallier, nous a livré des informations de première main sur l’évolution de la situation politique et humanitaire syrienne.

Dépeignant une situation dramatique, et soulignant que le bilan de 4000 mots et de dizaines de milliers de personnes emprisonnées, était sans doute sous-estimé, Eric Chevallier a insisté sur les besoins humanitaires. Il a également décrit les efforts de l’ambassade pour assurer une présence sur le terrain et dialoguer avec les militants des droits de l’homme. Rappelant l’implication de la France, au sein des Nations Unies et de l’Union européenne, pour accompagner une transition démocratique en Syrie, il a souligné l’inscription de ces efforts dans une dynamique de long terme.

J’ai demandé à notre ambassadeur son analyse sur le revirement du régime, qui avait pourtant donné de nombreux signes d’ouverture ces dernières années. Reçue dès 2008 par le Président Bachar Al-Assad à Damas, je l’avais trouvé alors disposé à de véritables gestes d’apaisement, très réceptif sur la question des droits de l’homme et très intéressé par un renforcement des relations avec notre pays, notamment par de la mise en place de projets de coopération impliquant le Louvre et des lycées français. De même, le dialogue entretenu depuis plusieurs années avec l’ambassadrice de Syrie en France, Lamia Chakour, me portait plutôt à l’optimisme quant à la possibilité d’une évolution démocratique du régime. Eric Chevallier estime que la volonté d’ouverture du régime a été réelle, surtout durant les deux dernières années, et que le durcissement de ces derniers mois semble découler d’une incapacité à avoir, dès le départ, pris la mesure de la crise et mis en œuvre des mesures avant que celle-ci ne prenne trop d’ampleur, acculant le régime à une fuite en avant dans la répression.

Préoccupée par les risques de glissement vers une guerre civile confessionnelle, j’ai aussi interrogé Eric Chevallier sur les camps de réfugiés et sur la situation des communautés minoritaires – notamment celle des réfugiés irakiens chrétiens. Il m’a indiqué que près d’un million de réfugiés irakiens ont été accueillis en Syrie pendant la guerre, s’y sont plutôt bien intégrés et y demeurent pour l’instant, malgré les tensions. Les divisions communautaires sont à la fois héritées de l’Histoire et instrumentalisées par le régime : tandis que la population arabe sunnite (représentant environ les 2/3 du pays) prennent leur distance avec Bachar Al-Assad, les minorités alaouites, chrétiennes, druzes et kurdes semblent continuer à le soutenir. Cette polarisation est considérée comme inquiétante par notre Ambassadeur.

J’ai enfin fait part à l’Ambassadeur Eric Chevallier de mes inquiétudes quant à la situation et à l’avenir  de notre communauté française de Syrie. Il estime que moins de 2% des Français (essentiellement des expatriés) sont partis, la majorité des 3 000 Français établis en Syrie étant des binationaux peu enclins à quitter leur pays, « sauf situation de chaos ». Il m’a assuré de la détermination de l’ambassade à mettre tout en œuvre pour assurer la sécurité de tous nos ressortissants sur place. Espérons donc que la situation ne se dégradera pas en étendant la crise aux pays avoisinants, le Liban en particulier.