Mai 30 2012

Le vote électronique et les Français de l’étranger

Pour la première fois dans l’histoire de notre République, des Français ont pu participer à un vote électronique pour une élection nationale. Ce sont les Français établis hors de France qui ont pu participer à cette expérimentation, qui est aussi quasiment une première, puisque seuls les Estoniens ont la possibilité d’utiliser ce mode de votation pour leurs élections nationales.

Certes les Français de l’étranger connaissent déjà ce vote par internet puisqu’ils l’utilisent déjà depuis 2003 pour le renouvellement par moitié, tous les trois ans, de leurs représentants à l’Assemblée des Français de l’étranger. Mais c’est la toute première fois qu’ils peuvent utiliser ce vote pour une élection nationale. Innovation encore plus importante pour eux, ils peuvent utiliser ce mode de votation afin d’élire leur député à l’Assemblée nationale, puisque la réforme constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy et votée par les deux Chambres du Parlement le  21 juillet 2008 leur a donné cette possibilité, espérée depuis plusieurs décennies.

Ils ont été 126 947 à exprimer leur vote par voie électronique à l’occasion du  premier tour de scrutin dans les 11 nouvelles circonscriptions législatives de l’étranger (Voir décomposition du vote par circonscription), la procédure étant close pour ce 1er tour depuis hier midi (heure de Paris). Ce chiffre peut paraitre faible, mais il doit être évalué à l’aune des difficultés techniques rencontrées par de très nombreux compatriotes pour exercer leur droit de vote.  Rappelons également que le vote par correspondance, utilisé précédemment pour les seules élections à l’AFE,  a été également ouvert aux Français de l’étranger pour ces élections législatives. Ils ont été 73 000 à s’inscrire à  ce dispositif, qu’ils auraient sans doute été encore bien plus nombreux à choisir s’il ne leur avait pas été exigé de demander formellement leur inscription avant le 1er mars, alors même que l’inscription au vote par correspondance était auparavant automatique pour l’Assemblée des Français de l’étranger dans un très grand nombre de pays.

Dans un article de 2002 pour la Revue Politique et Parlementaire, j’avais défendu l’idée d’une représentation à l’Assemblée nationale des  Français de l’étranger, arguant que leur non-représentation à l’Assemblée nationale enfreignait les principes d’égalité et d’indivisibilité de la Nation, que rien ne s’opposait à l’évolution du droit constitutionnel sur cette question, qu’il fallait s’y atteler et également réformer les modes de votation pour les Français de l’étranger, un grand nombre d’entre eux étant éloignés par plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres, d’un centre de vote.

Inutile de vous dire donc ma joie, dix ans plus tard, de voir ce mode de votation électronique offert aux Français de l’étranger à l’occasion de cette toute première élection législative. Je voudrais tout particulièrement remercier les équipes du Ministère des Affaires étrangères, en particulier de la Direction des Français de l’étranger, pour leur implication dans la mise en œuvre, très complexe dans un contexte de circonscriptions hors frontières, de ce dispositif novateur.

Nous verrons dimanche prochain, 3 juin, au soir du 1er tour pour les circonscriptions des Français de l’étranger, si cette évolution aura permis une plus large participation démocratique ou s’il ne s’agit que d’un transfert « pratique » de ceux, électeurs assidus, qui avaient déjà l’habitude du vote traditionnel à l’urne.

Il nous faudra en effet dans une prochaine étape, tenter de faciliter les procédures de vote Internet, selon le modèle estonien, sans toutefois sacrifier aux indispensables règles de sécurisation du vote.  Il nous faudra également travailler à étendre ce vote de votation aux autres élections nationales, Référendum et Présidentielles. Un devoir essentiel pour nous est en effet de travailler à l’amélioration de la participation de nos compatriotes expatriés, et il est essentiel pour cela de « rapprocher  l’urne », du citoyen. Comme je l’écrivais dans cet article de 2002 « La démocratie n’est pas seulement une belle idée abstraite, elle doit se concrétiser par un droit de vote et une éligibilité accessible à l’ensemble des citoyens (et) il est indispensable d’allouer les moyens nécessaires à une pleine jouissance de ces droits »