La 20e Conférence des Ambassadeurs s’est ouverte hier soir par le traditionnel discours du Président de la République aux diplomates représentant la France dans le monde.
Cette grand-messe annuelle de la diplomatie française permet en principe de donner aux Ambassadeurs leur feuille de route en présentant à la fois les grandes orientations du pouvoir en ce qui concerne la place de la France dans le monde et ses positions sur les dossiers préoccupants du moment. Et ces derniers ne manquent pas cette année : Syrie, crise de l’euro, traité budgétaire européen, Mali…
La diplomatie étant un domaine réservé du chef de l’État, on attendait beaucoup de ce discours de début de mandat. D’autant que François Hollande avait tellement critiqué son prédécesseur pendant la campagne présidentielle qu’on pouvait légitimement s’attendre à quelques nouveautés, à des décisions fortes… Il n’en est rien !
Le président de la République a présenté hier soir à nos ambassadeurs une vision plutôt classique (j’allais dire banale… ou « normale ») de la diplomatie, plutôt en retrait, semblant constater, voire subir les évènements plutôt que de tenter d’en prendre les commandes. Seule « nouveauté » le fait que la France reconnaitrait un gouvernement provisoire en Syrie si l’opposition en formait un. Mais il s’agit là d’une revendication ancienne, suivant ce qui avait été fait en Libye à l’initiative du Président Sarkozy. Seule autre annonce, sa présence au sommet de la francophonie à Kinshasa, comme si celle-ci n’allait pas de soi…
Sur l’international comme sur beaucoup d’autres dossiers, le nouvel occupant de Élysée, est certes en décalage avec son prédécesseur, mais il donne aux Français l’impression d’une grande lassitude, d’un grand fatalisme… Beaucoup d’observateurs le disaient déjà pas très féru de politique internationale, mais ce n’est guère rassurant pour affronter une rentrée qui s’annonce, sur tous les fronts, plutôt agitée !
J’ai donc profité de ma présence sur le plateau du débat de 19 heures de France 24, pour rappeler que la France présidait depuis le 1er août et pour un mois le Conseil de Sécurité des Nations Unies et regretter l’effacement de la France lors de cette présidence, alors qu’elle nous aurait permis de proposer des avancées notoires sur la crise syrienne. Certes cette présidence avait lieu en août, période de trêve estivale, certes le Fort de Brégançon doit être un lieu très agréable de villégiature, mais l’on aurait pu s’attendre à un peu plus de la part d’un Président français. A titre comparatif, j’ai rappelé qu’au mois d’août 2008, Sarkozy avait sacrifié ses vacances pour prendre le leadership dans la crise géorgienne et obtenir, dans un contexte particulièrement difficile, un accord de paix avec la Russie…
Les socialistes auront beau se complaire dans une posture accusatrice et véhémente, en continuant à reprocher à Nicolas Sarkozy tout et son contraire, force est de constater que la politique étrangère de Hollande ne se distingue elle ni par sa vision ni par son dynamisme. Au-delà de paroles dilatoires (« croissance, croissance » comme si celle-ci pouvait se décréter !) visant surtout à faire oublier qu’il nous faut absolument réduire nos déficits, il nous faudrait aujourd’hui des actes courageux!
Ce matin, la Conférence des Ambassadeurs se poursuit et s’intéressera plus précisément à la diplomatie économique et au rôle que peut jouer le réseau diplomatique de notre pays pour les aider à conquérir de nouveaux marchés. Dans ce dispositif, j’entends que la présence de plus de 2,5 millions de Français présents à l’étranger ne soit pas oubliée. Cette communauté s’agrandit chaque année et donne à notre pays et à nos entreprises la possibilité de s’appuyer sur une multitude de vigies et de relais qui peuvent se révéler déterminantes dans la compétition économique internationale qui s’impose à nous. Mais, comme j’avais eu l’occasion de le dire à Laurent Fabius lors d’un petit-déjeuner de travail le mois dernier, il nous faut aussi, pour développer notre commerce extérieur, nous pencher sur la situation en France en réduisant les taxes et les freins administratifs à la production et à l’exportation.
L’Ambassadeur d’Iran en France, avec lequel je déjeunais aujourd’hui pour évoquer la situation politique dans cette région stratégique du Golfe persique, me racontait comment, alors que les États-Unis ont augmenté de 60% leurs exportations dans son pays, la France elle ne cesse d’y perdre des parts de marché pour des raisons bureaucratiques absurdes. A titre d’exemple l’entreprise Peugeot, très implantée en Iran, ne peut plus s’y développer, les 220 millions d’Euros envoyés par l’Iran pour acheter ses pièces détachées étant bloqués à Paris depuis 4 mois… De même, la France, pour suivre la politique américaine de sanctions, interdit aux vols d’Iran Air de s’approvisionner en fuel sur notre sol national, ce qui les oblige à ajouter des escales dans d’autres pays européens, au détriment de règles élémentaires de gestion, de sécurité et d’environnement..
L’ouverture au monde est une nécessité, mais c’est aussi une chance extraordinaire, à condition de savoir la saisir. La France a la possibilité de s’appuyer sur une communauté française à l’étranger dynamique et bien implantée et elle dispose d’un excellent réseau diplomatique et consulaire, le deuxième au monde. Autant d’atouts pour promouvoir efficacement dans le monde entier notre excellence et nos savoir-faire. A condition de savoir faire preuve d’audace, de conviction, et de courage.