Oct 25 2012

Une autre proposition de loi anticonstitutionnelle ? Celle dite du « 19 mars 1962 » …

Avec mes collègues du groupe UMP du Sénat, j’ai déposé une motion d’irrecevabilité contre la proposition de loi tendant à instituer une journée de mémoire et d’hommage aux victimes de la guerre d’Algérie et des conflits au Maroc et en Tunisie.

Au-delà du débat de fond quant à la pertinence de décaler au 19 mars la journée d’hommage actuellement célébrée le 5 décembre, cette proposition de loi viole la Constitution.

Votée il y a dix ans par l’Assemblée nationale, elle est aujourd’hui présentée devant le Sénat et sera immédiatement applicable si elle y est adoptée. Cela serait en contradiction avec l’esprit de la procédure de « navette législative » telle que décrite à l’article 45 de notre Constitution.

Si le règlement du Sénat autorise l’examen de textes votés par l’Assemblée nationale sous une précédente législature (alors même que la réciproque est impossible), cette disposition n’est éthiquement et institutionnellement justifiable que dans la perspective d’assurer la continuité de l’action législative.

Or la proposition de loi sur la journée mémorielle de la guerre d’Algérie ne s’inscrit pas dans une telle continuité. Au contraire, elle nie les évolutions législatives récentes. Sa rédaction actuelle demande l’institution d’une journée mémorielle dont la date serait fixée au 19 mars. Or une telle journée existe déjà, depuis le décret du 26 septembre 2003. Mais sa date a été fixée au 5 décembre – date réaffirmée par la loi du 23 février 2005. Si l’objectif de l’auteur de cette proposition de loi est de décaler la commémoration du 5 décembre au 19 mars, il lui aurait fallu rédiger une proposition de loi modifiant la loi du 23 février 2005.

Plutôt que prendre ce risque démocratique (et sachant combien cette position polémique est très minoritaire parmi les associations du monde combattant), l’auteur, alors député et aujourd’hui sénateur, a préféré exhumer un texte vieux de 10 ans et manifestement inadapté au cadre législatif en vigueur puisque ne mentionnant nullement la loi qu’il conviendrait de modifier pour fixer au 19 mars la journée d’hommage.

C’est sous un Premier Ministre socialiste, Lionel Jospin, qu’avait été prise la sage décision de ne pas présenter devant le Sénat cette proposition de loi.

Faisant visiblement peu de cas du souci d’apaisement qui a prévalu parmi tous les précédents gouvernements, et manifestant un surprenant mépris pour la loi du 23 février 2005 pourtant votée par les deux assemblées, la majorité sénatoriale favorable à cette proposition de loi doit, avant le vote de tout à l’heure, s’interroger sur l’opportunité d’encourir une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, qui ajouterait encore à l’impression d’amateurisme que renvoie actuellement le gouvernement.