Prise de parole sur l’article 29 :
Cet article renvoie à un futur décret la détermination des règles relatives au statut des élus à l’AFE, tant en termes de remboursement forfaitaire des frais de mandat que d’assurance. S’il n’est pas anormal que ces décisions relèvent du pouvoir réglementaire, des informations précises quant aux orientations du Gouvernement auraient apporté un éclairage utile aux débats parlementaires en la matière.
En effet, tout laisse à penser que l’AFE sera dépourvue de moyens matériels. Le Gouvernement ne cesse d’insister sur le rôle des conseillers consulaires en tant qu’élus locaux. Cependant, il fait preuve d’un impressionnant mutisme quant à sa vision de la future AFE. Les articles relatifs aux missions de cette dernière demeurent plus que généraux, et la question des moyens mis à sa disposition est renvoyée à un décret ultérieur.
Les seules informations chiffrées dont nous disposons figurent dans l’étude d’impact, et elles ne sont ni précises ni rassurantes. De fait, pour l’heure, ne sont budgétés que le coût d’une réunion annuelle à Paris d’une durée d’une semaine et le remboursement des frais de transport y afférents.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons voté, hier, le principe d’une seconde session annuelle de l’AFE. Concernant ce sujet comme tous les autres points, l’étude d’impact souligne qu’il faudra faire des choix.
Contrairement à ce qui a été annoncé depuis plusieurs mois, le Gouvernement ne semble pas écarter l’idée de réduire l’enveloppe allouée à la représentation des Français de l’étranger, au titre du redressement des comptes publics.
Au reste, même à budget global constant, un arbitrage devra être opéré entre, d’une part, la nécessité de donner des réels moyens aux conseillers consulaires sur le terrain et, de l’autre, l’obligation de financer le fonctionnement de l’AFE en tant qu’organisme représentatif et consultatif.
En d’autres termes, la seconde session annuelle de l’AFE, la préparation d’études spécifiques ou les déplacements des élus de cette assemblée au sein de leur circonscription ne pourront être financés qu’au détriment du budget « informatique » ou « transports » des conseillers consulaires.
Le probable non-financement des déplacements des élus à l’AFE au sein de leur circonscription – à l’exception de la circonscription consulaire elle-même – est extrêmement regrettable. En effet, l’élu à l’AFE ne pourra porter la voix des conseillers consulaires de son ressort que s’il a lui-même la capacité d’aller à leur rencontre.
Les conseillers à l’AFE seront élus dans des circonscriptions presque aussi étendues que celles des députés, mais ils seront privés de tout moyen de s’y déplacer. Il s’agit d’une incitation claire au cumul des mandats, car seuls les parlementaires ayant été élus comme conseillers consulaires auront la possibilité d’accomplir un véritable travail dans l’ensemble de la circonscription. Cela pervertit alors l’objectif initial du texte, puisque le Gouvernement prétend, par cette réforme, clarifier la différence entre les députés et les conseillers à l’AFE.
Pour en revenir au décret mentionné à l’article 29, il lui reviendra donc de décider dans quelle mesure il déshabille Paul pour habiller Jean. En ajoutant un étage à la représentation des Français de l’étranger, le Gouvernement choisit de démultiplier les centres de coût et donc de diluer l’utilisation qui pourra être faite du budget.
Au vu de la considération que le Gouvernement a jusqu’ici montré pour l’AFE et pour ses avis, je suis convaincue que l’arbitrage s’effectuera en faveur des conseillers consulaires. Il est alors aisé de prédire que d’ici à deux ou trois ans, une fois que l’AFE, privée de tout moyen, aura fait la preuve de son inutilité, elle sera purement et simplement supprimée.
Ce biais à l’encontre de l’AFE est regrettable, car le Gouvernement néglige son rôle dans l’amélioration de la qualité du travail de terrain des conseillers consulaires. Dans le modèle actuel, les élus de terrain participent tous aux sessions parisiennes. Cela leur permet de placer dans un contexte plus général les problèmes propres à leur circonscription et de se nourrir de l’expérience de leurs homologues. Cela leur offre aussi l’occasion de rencontrer directement les responsables des administrations concernées par les problèmes des Français de l’étranger.
Privés de cette opportunité, les conseillers consulaires se retrouveront isolés. Ils rencontreront des difficultés pour répondre aux sollicitations sur des dossiers individuels, par manque de formation au système institutionnel français et par manque de contacts dans les administrations en France.
Rabaissés au rang de courroie de transmission vers les parlementaires, alors même que ceux-ci peuvent être saisis directement via internet par tout individu, ils n’auront aucune légitimité.
Il ne nous reste donc plus qu’à espérer que le décret parviendra à établir le délicat, et sans doute improbable, équilibre permettant de financer à la fois les conseils consulaires et l’AFE.