Mar 18 2013

Représentation des Français hors de France – rôle des conseils consulaires

Intervention sur l’article 2 du projet de loi, et amendements :

Cet article, le premier du chapitre dédié aux conseils consulaires, devrait clairement établir leur mission et leurs objectifs. Or la seule indication qui est fournie est qu’ils sont chargés de « formuler des avis sur les questions consulaires ou d’intérêt général » concernant « les Français établis dans la circonscription ». À quelle occasion ? Et à qui sera fourni l’avis ? Comment sera-t-il rendu public ? Quelle en sera la portée ?

L’article 19 nous apprendra ensuite que c’est un décret ultérieur qui fixera les attributions, l’organisation et le fonctionnement de ces conseils consulaires ! Ce manque de précisions quant au rôle des conseils consulaires, dès le tout premier article du chapitre, semblerait dénoter le peu d’intérêt que le Gouvernement porte à leur action réelle, comme s’il s’agissait davantage de justifier la multiplication des grands électeurs que de leur donner réellement les moyens d’accomplir un travail de terrain.

En assignant comme principal, voire unique rôle aux élus de terrain la participation aux conseils consulaires, le projet de loi témoigne d’une véritable méconnaissance du rôle des élus actuels qui, loin de se contenter de prendre part aux différentes commissions sur les bourses ou l’aide sociale, réalisent surtout un véritable travail d’animation des communautés françaises et de soutien individuel aux compatriotes en difficulté.

Par ailleurs, le dispositif des conseils consulaires est bancal. Renvoyer les modalités de fonctionnement à un futur décret permet d’éluder des problèmes « basiques » d’organisation.

Ainsi, dans les conseils consulaires ne comptant qu’un seul élu, en cas de vote, il n’y aura que deux voix : celle de l’élu et celle du chef de poste ! Même dans les conseils consulaires comptant davantage d’élus, le fait que le chef de poste consulaire ait le droit de vote maintient le conseil sous une forme de tutelle. Si les avis qui sont votés portent sur la conduite des services consulaires, le président du conseil sera alors juge et partie !

Il est primordial d’assurer la collégialité de ces instances. Il s’agit, en particulier, de permettre la présence des représentants des grandes associations historiques d’expatriés, qui continuent à jouer bénévolement un rôle essentiel.

J’émets également quelques doutes quant à l’opportunité de fusionner les comités actuels en un unique conseil consulaire. Au mieux, c’est un gadget, si des réunions séparées continuent d’avoir lieu sur des thèmes particuliers – bourses, aide sociale, sécurité – avec des intervenants spécifiques. Au pire, c’est une source de confusion si toutes les réunions abordent l’ensemble des thèmes et mobilisent la venue d’intervenants divers, dont le statut juridique au sein du conseil demeure flou.

Je note que nous avons aujourd’hui 205 comités consulaires pour la protection et l’action sociale, les CCPAS, mais que seuls 130 conseils consulaires sont prévus, ce qui signifie, en fait, un éloignement du terrain, en contradiction avec l’esprit de la réforme.

Je souligne aussi que seuls les consulats de plein exercice seront dotés d’un conseil consulaire : les consulats à gestion simplifiée ou les communautés n’ayant qu’un consul honoraire n’auront aucun conseiller consulaire.

Alors que, dans un contexte de restrictions budgétaires, la tendance est plutôt à la fermeture de consulats qu’à leur ouverture, le lien automatique entre conseiller consulaire et présence d’un consulat ne peut qu’accentuer le sentiment d’isolement de nombreuses communautés éloignées des consulats.

AMENDEMENT :

L’amendement n° 75, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Cointat, Duvernois, Ferrand et Frassa et Mme Kammermann, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

notamment culturel, économique et social, concernant les Français établis dans la circonscription

par les mots :

et coopère avec les services consulaires pour améliorer le service public rendu aux Français établis dans la circonscription

Cet amendement tend à améliorer la rédaction du texte en supprimant une énumération de domaines qui pourrait être interprétée comme limitant les compétences des conseils aux trois champs mentionnés.

Surtout, il vise à énoncer la fonction première des conseils consulaires, qui n’est pas uniquement de « donner des avis » dont la portée juridique et pratique n’est nullement définie par le texte actuel. Il tend à introduire un principe de « cogestion » des Français de la circonscription, qui, sans aller aussi loin que le pouvoir dévolu aux conseillers municipaux, généraux ou régionaux en France, puisque le Gouvernement n’a malheureusement pas souhaité s’engager dans cette voie, permettrait au moins de doter les élus de terrain de certaines compétences réelles, qu’il faudrait ensuite préciser par décret.

Tant que les élus de proximité représentant les Français de l’étranger n’auront qu’un rôle consultatif et largement indéfini, ils ne seront pas plus écoutés ni considérés qu’ils ne le sont aujourd’hui par le réseau diplomatique et consulaire !

Je tiens à préciser, madame la ministre, que j’ai énormément d’admiration pour ce réseau. Je l’ai souligné à de très nombreuses reprises : si je me suis exprimée comme je l’ai fait lors de la présentation de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, ce n’est certainement pas contre nos postes consulaires et diplomatiques. Il s’agissait uniquement d’une question de principe. Il est inadmissible d’insinuer que je serais opposée à ces personnels ou que je critiquerais leur honnêteté et leur intégrité intellectuelle !

Faute d’obtenir des compétences réelles, les élus dont nous parlons risquent de demeurer méconnus de leurs électeurs, ce qui ne fera qu’aggraver le cercle vicieux de l’abstention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Comme vous l’avez indiqué, chère collègue, cet amendement prévoit un principe de cogestion entre les élus, d’une part, et l’administration, d’autre part. La commission est défavorable à cette idée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les présidents des conseils consulaires sont les chefs de poste diplomatique et consulaire. Il n’y a pas de cogestion, il y a une enceinte de dialogue, ce qui n’est pas la même chose. Un certain nombre de nos collègues de l’Assemblée des Français de l’étranger ont souligné qu’ils ne souhaitaient pas, compte tenu des contraintes d’effectifs dans les consulats, que les élus puissent devenir des collaborateurs des services consulaires. Or, d’une certaine manière, c’est ce que vous proposez au travers de cet amendement. Dans la mesure où la commission refuse la cogestion et souhaite bien faire la séparation entre les élus et l’administration, elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Madame la sénatrice, les conseils consulaires ne sont pas créés pour se substituer aux services de l’État. On peut s’interroger sur le type de coopération que vous envisagez. En tout état de cause, les compétences seront déterminées par décret en Conseil d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je précise que le terme de « cogestion » n’est pas employé dans le corps de l’amendement. Ce principe est uniquement évoqué dans son objet, où il figure entre guillemets. La rédaction de l’amendement fait uniquement référence à une coopération dans l’intérêt de nos communautés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 75

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 76, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cointat, Duvernois, Ferrand et Frassa et Mme Kammermann, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L’ambassadeur ou le chef de poste consulaire présente annuellement au conseil consulaire un rapport sur les activités du poste consulaire pendant l’année écoulée et sur les projets pour l’année suivante. Le conseil consulaire en débat et formule des avis sur les questions qui y sont traitées.

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement prévoit que l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire présente annuellement au conseil consulaire un rapport sur les activités du poste consulaire pendant l’année écoulée et sur les projets pour l’année suivante. La présentation de ce rapport serait suivie d’un débat et éventuellement du vote d’avis.

De même que le ministre des affaires étrangères présente un rapport devant l’AFE, il est important que, dans chaque conseil consulaire, le chef de poste puisse présenter un rapport d’activité.

C’est l’un des seuls moyens de garantir qu’un minimum d’information sera effectivement apporté aux conseillers consulaires, car le projet de loi demeure particulièrement muet sur les modalités concrètes de mise en œuvre de cet objectif.

En effet, pour qu’il soit légitime aux yeux des Français de la circonscription, il est essentiel que le conseil consulaire soit doté de compétences clairement identifiées, permettant de l’appréhender comme un canal de communication privilégié entre la communauté française de la circonscription et le poste consulaire.

Cet amendement tente de tirer parti des difficultés jusqu’ici rencontrées par certains élus de l’AFE pour être, sinon associés, au moins informés par leur ambassade ou leur consulat des mesures concernant les Français de leur circonscription.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Même si cette proposition n’est pas critiquable sur le fond – elle est d’ailleurs prévue dans le projet de loi pour l’AFE, qui se réunit rarement et comprend une centaine de personnes –, elle créerait une certaine rigidité pour les conseils consulaires, alors qu’il faudrait au contraire davantage de fluidité dans les échanges d’informations entre le poste consulaire et les membres élus du conseil consulaire. Cela relève du pouvoir réglementaire mais aussi des bonnes pratiques entre les élus et l’administration.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Les compétences seront clairement définies et identifiées dans le décret. Les conseillers consulaires seront informés, selon les sujets traités, sur toutes les activités du poste au fur et à mesure que les réunions auront lieu. Il ne faudra pas attendre la fin de l’année ni le début de l’année suivante pour être informé sur l’ensemble des activités du poste.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement n’est pas adopté.)