Avr 11 2013

Pourquoi je vote contre le « mariage pour tous »

Sénatrice UMP des Français de l’étranger, non seulement je suis très loin d’être homophobe, mais je reconnais que le projet de loi sur le mariage des couples de même sexe répond à de véritables besoins.

Il est important que les couples homosexuels aient la même possibilité que les couples hétérosexuels d’accéder à un cadre juridique plus protecteur que le PACS, notamment en termes de pension de réversion, de garantie pour le conjoint survivant de pouvoir demeurer dans le logement commun… mais aussi de liberté de circulation car, contrairement au mariage, le PACS ne facilite ni la délivrance d’un visa pour la France ni l’obtention d’un titre de séjour ni l’accès à une naturalisation.

Par ailleurs,  le mariage incite plus que le PACS à un engagement dans la durée, et permet une meilleure protection du conjoint le plus faible en cas de dissolution de l’union. Cette stabilité des cellules conjugales permet le maintien de repères sociaux et culturels fondamentaux et a donc des effets positifs pour la société, que l’État me semble devoir encourager, y compris pour des couples de même sexe. Enfin, je considère qu’il est important d’améliorer la sécurité juridique des enfants élevés par des personnes de même sexe, qui n’ont pas à être « punies » à cause de l’orientation sexuelle des personnes qui les élèvent.

Alors, pourquoi voter « contre » ?

Parce que j’estime que la création d’un dispositif « d’union civile » aurait permis de répondre à ces besoins sans ouvrir la porte à de graves dérives de notre droit de la famille. Un cadre juridique donné doit avoir les mêmes effets pour tous. Or le mariage n’articule automatiquement conjugalité et filiation que dans le cas d’un couple hétérosexuel.

Je trouve dangereux d’organiser la fiction d’une filiation au sein de couples homosexuels. Sans leur dénier le droit d’élever un enfant ensemble, j’estime que sur le plan de l’état civil il est important de ne pas tromper l’enfant. Un enfant peut être élevé par deux hommes ou par deux femmes, mais il est nécessaire pour sa construction psychique et identitaire qu’il sache dans quelles conditions il est né et comment il est arrivé auprès de ce couple. L’adoption plénière telle qu’elle est actuellement organisée en France implique la suppression de l’acte de naissance de l’adopté, le privant irrémédiablement de certaines des informations qu’il contenait.

Ce problème n’est pas nouveau et concerne aussi bien les enfants élevés par des couples hétérosexuels. Mais à l’heure où le système d’adoption français connaît une véritable crise (du fait de la forte diminution – heureuse en soi – du nombre d’enfants adoptables en France comme à l’étranger), il me semble essentiel de remettre ce dispositif juridique à plat avant de lui donner une nouvelle vocation. Comme le souligne le Professeur Jean Hauser, pour créer une deuxième page du droit de la filiation, en dehors de la filiation biologique, on a cru pouvoir utiliser l’adoption, mais elle n’est pas faite pour ça.

Enfin, quelles que soient les dénégations du gouvernement, je considère qu’autoriser les couples de même sexe à conclure un mariage nous projette inéluctablement vers une légalisation de la PMA « de convenance » et de la GPA. La PMA est actuellement autorisée aux couples mariés infertiles : empêchera-t-on les homosexuels de faire valoir leur propre infertilité pour en bénéficier aussi ? Ce serait sans doute considéré comme une discrimination par la CEDH. Et si l’on autorise les couples homosexuels à concevoir par PMA, pourra-t-on encore interdire la PMA de convenance aux hétérosexuels ? Là  encore cela deviendrait discriminatoire. Le raisonnement vaut aussi pour la GPA…

Sans dénier aux couples homosexuels le droit à une reconnaissance sociale de leur lien conjugale, à une sécurisation juridique de leur union et à un lien juridiquement reconnu avec les enfants qu’ils élèvent, je considère que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, ouvre la porte à des dérives en matière de droit de la famille et de bioéthique.

Il m’aurait semblé plus adapté de traiter des questions de conjugalité par le biais du contrat d’union civile, et d’attendre le vote de la loi sur la famille, instituant un statut du beau-parent, pour organiser un lien juridique de filiation « sociale », plus adapté que l’adoption à la situation des enfants élevés par des couples homosexuels (en particulier lorsqu’un parent « biologique » extérieur au couple de parents « sociaux » demeure susceptible d’entretenir des liens avec l’enfant).

→     Lire mon intervention sur les amendements tendant à instituer une union civile

→     Lire mon intervention sur l’autorisation du mariage pour les couples de même sexe

→     Lire mon intervention sur l’adoption