Avr 09 2013

Réforme de l’AFE : à l’Assemblée nationale, le gouvernement se dévoile un peu plus

L’examen par la commission des lois de l’Assemblée nationale du projet de loi réformant la représentation des Français de l’étranger a été l’occasion pour le gouvernement de revenir sur plusieurs des maigres avancées obtenues au Sénat et de faire un pas supplémentaire en direction de l’enterrement de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE).

La commission des lois a en effet voté le changement de dénomination de cette institution, qui serait désormais appelée Haut conseil des Français de l’étranger (HCFE). Une proposition qui pourrait paraître anecdotique, mais dévoile la philosophie du projet gouvernemental : la volonté de priver l’AFE de toute velléité de ressemblance avec une « assemblée » représentative démocratiquement élue pour la transformer en « conseil » (terme utilisé depuis la création par décret du CSFE jusqu’à la réforme de 2004) aux compétences purement consultatives.

Cette volonté se traduit logiquement par la réintroduction par la commission des lois de l’Assemblée nationale de la désignation au scrutin indirect des membres du HCFE, qui avait souhaitée par le gouvernement mais écartée par le Sénat.

Ces modifications peuvent être analysées d’un point de vue technique, comme l’illustre la querelle entre les commissions des lois de nos deux assemblées, celle du Palais Bourbon qualifiant la formule votée au Sénat « d’inintelligible et illisible »… et celle du Palais du Luxembourg répliquant par une note de 7 pages pointant les lacunes juridiques du nouveau mode d’élection proposé. Mais au-delà des évidentes difficultés juridiques soulevées par les deux projets, le véritable problème – pourtant bien peu discuté – est politique et fonctionnel : le mode de désignation des conseillers qui siègeront dans l’instance représentant les Français de l’étranger à Paris ou le nom de cette instance importent peu si l’instance elle-même est dépourvue de toute mission et de tout moyen !

Preuve supplémentaire de la volonté de réduire à la portion congrue le rôle de l’ex-AFE, la commission des lois a retiré du périmètre couvert par le rapport annuel du gouvernement au HCFE les questions relatives au rayonnement culturel de la France, au droit de la famille et à la fiscalité des Français de l’étranger…

Je continue d’être très choquée par la détermination du gouvernement à refuser toute compétence régionale aux conseillers au HCFE : s’ils sont élus dans des circonscriptions, c’est bien pour porter dans les débats les enjeux spécifiques à leur zone géographique d’élection… pourquoi alors leur refuser toute légitimité à se déplacer dans leur circonscription et à y participer aux conseils consulaires ? La proposition de la commission des lois de réduire de 20 à 5 le nombre de circonscriptions pour l’élection au HCFE est cohérente avec ce déni de la grande hétérogénéité des problématiques des différentes zones géographiques.

Concernant les conseils consulaires, censés devenir l’échelon de base de la « démocratie locale » parmi les Français de l’étranger, la seule amélioration votée par la commission des lois porte sur l’obligation faite à l’ambassadeur de présenter chaque année au conseil consulaire un rapport d’activité. J’avais présenté un amendement en ce sens au Sénat, qui avait été rejeté, avec avis défavorable du rapporteur et du gouvernement. Je me réjouis donc que les députés aient repris cette proposition.

La commission a, en revanche, adopté plusieurs amendements réduisant encore les maigres prérogatives des conseils consulaires :

  • La formulation « sont consultés sur toute question concernant les Français établis dans la circonscription » a été modifiée en « peuvent être consultés »… ce qui rend très improbable l’institution d’une consultation effective ;
  • La possibilité pour le vice-président d’assurer la présidence du conseil consulaire en l’absence de son président  est supprimée ;
  • Le rapporteur a explicitement confirmé l’absence de tout pouvoir réel dévolu aux conseils consulaires : « les conseils consulaires ne constituent pas des assemblées délibérantes des collectivités territoriales au sens de l’article 34 de la Constitution, mais bien des instances consultatives, ne disposant comme telles d’aucun pouvoir de décision » ;

Aucune amélioration n’a non plus été apportée à la représentativité des conseils consulaires. Une vingtaine d’entre eux continueront à ne comporter qu’un seul élu, réduit à un face à face avec l’ambassadeur… drôle de collégialité ! Parallèlement, les grandes métropoles concentrant les plus fortes populations d’expatriés continueront à être surreprésentées, avec parfois jusqu’à 9 élus. Cette surreprésentation, notamment en Europe, implique une sous-représentation des communautés moins importantes, plus isolées, implantées dans des pays difficiles voire dangereux, qui auraient pourtant, plus que les autres, besoin du soutien de représentants élus…

En matière de financement, la réintégration par René Dosière d’un amendement rejeté au Sénat prive les associations de Français de l’étranger de participer aux campagnes électorales. Cette mesure, qui méconnaît les spécificités associatives de la représentation des expatriés, ne règle pourtant nullement le problème de la transparence du financement des campagnes puisqu’elle ne s’accompagne d’aucune obligation pour les candidats de dépôt d’un compte de campagne.

Plusieurs difficultés d’ordre éthique voire constitutionnel persistent :

L’ampleur des remises en cause par la commission des lois de l’Assemblée nationale du texte voté par le Sénat laisse sceptique quant à l’existence d’une vision claire des grandes orientations de la réforme. Ma conviction qu’il aurait fallu laisser le temps d’une véritable concertation plutôt que de se raccrocher à une procédure d’urgence n’en sort que renforcée.

Pour plus d’informations :

Lire ma lettre aux députés représentant les Français établis hors de France

Consulter le dossier législatif de l’Assemblée nationale

Lire le compte-rendu de l’audition d’Hélène Conway à l’Assemblée nationale

Revoir mon analyse des débats intervenus au Sénat les 18 et 19 mars