Mai 13 2013

Au Ministère des Affaires étrangères pour faire le point sur les divorces de couples internationaux

Après une rencontre avec le Défenseur des Droits et la Défenseur des Enfants le mois dernier, c’est avec la Chef de la Mission de la protection des personnes et la Chef du Bureau de Recouvrement des Pensions alimentaires du Ministère des Affaires étrangères que j’ai pu faire le point sur l’appui apporté par la France à ses ressortissants concernés par des conflits parentaux transnationaux.

Le Ministère des Affaires étrangères est « autorité centrale » pour la mise en œuvre des accords internationaux en matière de recouvrement des créances alimentaires – le Ministère de la Justice (BECCI), étant, lui, « autorité  centrale » désignée pour l’application des accords internationaux en matière de décisions sur l’autorité parentale, les déplacements illicites d’enfants. Les deux ministères travaillent en étroite collaboration pour couvrir les différents volets de ces dossiers souvent extrêmement complexes et nécessitant souvent un suivi sur plusieurs années. Ils procèdent également à des échanges d’agents et à des actions de formation communes, et s’emploient à faciliter l’exercice de la médiation familiale internationale.

Comme je l’avais réclamé de longue date, les magistrats de liaison, dont la mission principale se concentre sur le suivi des affaires pénales, commencent également à être davantage sensibilisés aux questions de justice familiale, comme en témoigne la récente organisation d’une rencontre  sur ce thème co-organisée par le Ministère des Affaires étrangères et celui de la Justice.

Une autre de mes suggestions est sur le point d’aboutir : la diffusion d’une brochure d’information visant à sensibiliser les couples mixtes aux principaux aspects du droit international de la famille en vigueur dans leurs pays respectifs. Une information précise sur la réglementation internationale est en effet essentielle pour prévenir les déplacements illicites et aider les parents à exercer leurs droits de recours. L’initiative étant bilatérale, la partie française a adressé un projet de texte à la partie allemande et le document devrait prochainement pouvoir être finalisé.

Reste que, du fait d’un principe de souveraineté nationale particulièrement sensible en matière de justice familiale, les administrations françaises sont assez démunies face à des comportements de non-coopération de la partie étrangère, par exemple en cas de mandat d’arrêt européen pour un non-recouvrement de pension alimentaire ou de non-reconnaissance par un pays tiers – même européen – de décisions de justice françaises. Notons également que les « avances sur pensions alimentaires » versées par certains Etats (Allemagne, Autriche,…) en amont d’un jugement ne sont pas considérées en droit international comme des pensions alimentaires, ce qui prive l’autorité centrale française de compétence en cas de litige. De facto, les disparités entre les différentes législations familiales nationales continuent donc de se traduire par des « trous » dans le filet de la coopération judiciaire internationale.

Au cas par cas et selon les moyens disponibles, nos représentants des consulats de France dans le monde peuvent assister aux audiences des procès impliquant des Français à l’étranger. Ils  sont présents exclusivement en qualité d’observateurs et avec l’accord du juge, afin de veiller au strict respect des droits de nos compatriotes. Il s’agit d’un des volets de la protection consulaire délivrée par la France à ses ressortissants mis en cause par la justice d’un Etat étranger. Cette conception de la protection consulaire me paraît restrictive et d’autant plus regrettable que d’autres Etats (notamment l’Italie, le Brésil ou la Suisse) semblent bien plus proactifs dans l’appui à leurs ressortissants.

Le problème provient aussi de la très longue durée de vie des dossiers relatifs au partage de l’autorité parentale (la Convention de La Haye s’applique jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge de 16 ans, d’autres textes prévoient une application jusqu’à 18 ans) qui rend difficile la garantie du respect de la lettre et de l’esprit des décisions judiciaires dans le temps. Dans de trop nombreux cas, ce n’est pas à l’occasion d’une audience unique, mais plutôt par le biais de glissements successifs au fil d’audiences multiples que des parents se voient peu à peu privés de leur droit de visite ou d’hébergement, ce qui rend encore plus problématique l’exercice de la protection consulaire.

Parmi les autres propositions évoquées et que je souhaite continuer à défendre :

  • La possibilité de visites médiatisée dans les locaux des consulats français (évidemment sous condition d’acceptation des deux parents) permettrait de fournir un cadre sécurisé mais neutre pour l’exercice du droit de visite de parents français, sans que ceux-ci n’aient l’impression d’être traités en « criminels » sous les yeux de leurs enfants et afin que la rencontre puisse se dérouler en français ;
  • La possibilité de faire accepter à des juridictions étrangères que la participation à une audience puisse se faire par visioconférence lorsque l’un des parents vit à l’étranger, de manière à éviter aux parents concernés des dépenses exorbitantes de voyage (transport, logement sur place) pour de brèves audiences.
  • La création d’un fonds pour faciliter l’accès à la justice des parents confrontés à des audiences portant sur le partage de l’autorité parentale. Un tel fonds, qui existe aux Etats-Unis, se justifie par le caractère extrêmement long et complexe de ces procédures, qui nécessitent des frais plus important qu’un procès classique (traductions, déplacements internationaux, rémunération d’avocats étrangers,…) : des personnes dont les revenus sont situés au-dessus du plafond de l’aide juridictionnelle classique devraient pouvoir être éligibles à une telle aide… J’ai bien conscience toutefois que les contraintes budgétaires rendent cette piste délicate à mettre en œuvre à court terme.
  • L’intégration des problématiques de justice familiale aux discussions bilatérales avec certains pays, tant sur le plan diplomatique qu’en termes d’échanges et de coopération au niveau plus « technique ».