Mai 15 2013

L’Assemblée nationale vote la disparition de l’AFE

C’est sans surprise que l’Assemblée nationale a voté au milieu de la nuit (malgré une motion de renvoi en commission défendue avec brio par Claudine Schmid) dans un hémicycle désert, la disparition de l’AFE, rétrogradée au rang de « Haut-Conseil », élu au suffrage indirect dans le cadre de cinq circonscriptions continentales dépourvues de toute cohérence. Parallèlement, le texte annonce la création de conseils consulaires, dont la quasi-totalité des orateurs – toutes tendances politiques confondues – se sont inquiétés du manque de missions précises, de l’absence de tout pouvoir de décision et du manque de moyens (le nombre d’élus étant quasiment triplé… à budget constant).

Les changements apportés par l’Assemblée nationale au texte voté par sa commission des lois sont insignifiants au regard des enjeux de la représentation institutionnelle des Français de l’étranger : reconnaissance purement déclarative du rôle des associations représentant les expatriés, consultation du HCFE ouverte non seulement au gouvernement mais aussi au Parlement, communication au HCFE non seulement du projet de loi de finances mais aussi du projet de loi de financement de la sécurité sociale, rédaction d’un procès-verbal à l’issue des délibérations des conseillers consulaires, qui pourront également se prononcer sur les questions éducatives.

Je note qu’aucun des travers des versions précédentes du texte n’a été corrigé, qu’il s’agisse de la suppression du vote par correspondance sous pli fermé, du cumul des mandats, de la compétence régionale des élus au HCFE, du périmètre flou de l’action des conseillers consulaires ou du fonctionnement démocratique de ces conseils, en particulier lorsque ceux-ci ne compteront qu’un seul membre élu.

La ministre déléguée Hélène Conway a explicitement concédé que la principale justification au recours à la procédure accélérée pour l’examen de ce projet de loi était le remodelage du collège électoral des sénateurs avant 2014…

Quelle audace que de prétendre que du temps a été laissé à la concertation, alors que l’avis voté à l’unanimité par l’AFE a été allègrement piétiné et que les informations précises sur le projet de loi n’ont filtré que quelques jours à peine avant le début du débat parlementaire !

Quelle ironie que d’exiger une procédure accélérée pour ensuite retarder d’un mois l’examen du texte par l’Assemblée nationale pour cause de « mariage pour tous » ! Thierry Mariani a très justement relevé le cocasse de cette situation : « Nous avons eu l’impression que pour la majorité, l’urgence n’était que dans les mots. Heureusement que le mariage homosexuel n’a pas été suivi d’un autre texte qui aurait repoussé ces projets de loi aux calendes grecques ! Nous devions en effet nous réunir il y a un mois sur ce sujet, et nous ne le faisons finalement qu’aujourd’hui. » Même le député de gauche Sergio Coronado a regretté le choix de cette procédure, et ajouté : « La majeure partie des amendements qui seront débattus aujourd’hui en séance ont été déposés après l’audition de la ministre. Nous les avons étudiés aujourd’hui : entre quatorze heures quarante-deux et quatorze heures cinquante-deux… ».

Quelle mauvaise foi que d’annoncer que le projet de loi fait consensus, alors que les textes votés par l’Assemblée nationale et le Sénat sont diamétralement opposés et que même des élus de gauche s’interrogent sur la pertinence de cette réforme, à l’image de Patrice Carvalho, qui a jugé : « il n’est pas certain que le présent projet de loi permette plus de consultation, plus de démocratie ». Mal à l’aise, les députés de la majorité se sont abrités derrière des vœux pieux, l’éloge du « temps de l’expérimentation » et des souhaits de bonne chance au nouveau dispositif. Pas très rassurant !

J’ai tout particulièrement apprécié l’intervention de Gilles Bourdouleix (UDI), qui a su en quelques minutes synthétiser l’essentiel des faiblesses et des effets pervers du projet. J’ai également admiré le courage de Pierre-Yves Le Borgn’ qui, bien que soutenant loyalement la réforme portée par son parti, a mis en garde contre le risque de manque de valeur ajoutée du projet si les conseillers consulaires devaient être dépourvus de compétences réelles et si le HCFE était privé de l’onction du suffrage universel direct et de réelle assise géographique puisque le gouvernement veut que ses membres soient privés de compétence régionale.

Le texte voté par l’Assemblée nationale différant très sensiblement de celui adopté par le Sénat, l’ambiance de la commission mixte paritaire (composée de membres de la commission des lois), le 22 mai, s’annonce mouvementée… Son probable échec conduirait à une seconde lecture et ce n’est qu’à l’issue de la procédure législative que le Conseil constitutionnel pourra être saisi par le groupe UMP, en s’appuyant sur la motion d’irrecevabilité que j’avais déposée et défendue le 18 mars.

Par ailleurs, le groupe UMP a d’ores et déjà envoyé ce matin un recours constitutionnel concernant le projet de loi sur la prorogation des mandats, qui a lui été adopté de manière définitive, puisque voté dans les mêmes termes par les deux chambres. Là encore, ce recours est largement fondé sur ma motion d’irrecevabilité du 18 mars.

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