Oct 04 2013

La diplomatie française à l’épreuve de la Syrie

Silence. Depuis le vote de la résolution 2118, fruit de négociations russo-américaines, la France ne s’exprime plus sur la crise syrienne. Le contraste avec l’agitation guerrière tous azimuts de début septembre est flagrant. Entre la tentation de déclencher, seule ou presque, une intervention militaire, et le mutisme actuel, la marge de manœuvre est pourtant large !

Le pire a été évité – des frappes « punitives », légitimées par des considérations émotionnelles, sans objectif stratégique clair et sans mandat de l’ONU, qui auraient porté un coup fatal au droit international et au système des Nations Unies, sans pour autant résoudre le conflit syrien.

Mais il est essentiel de ne pas se contenter des seules mesures de désarmement chimique prévues par la résolution 2118. Les morts continuent à s’accumuler.

Par armes conventionnelles, bien sûr, mais aussi par mines anti-personnel et armes à sous-munitions. Tous les pays limitrophes sont déstabilisés par l’afflux des réfugiés – j’ai pu le constater de mes propres yeux en Jordanie la semaine dernière lors de ma visite du camp de réfugiés syriens de Zaatari. Le risque de persécution des Chrétiens d’Orient est plus fort que jamais. N’oublions pas non plus les quelques 27 000 Français vivant dans cette région.

La France a le devoir de s’impliquer dans le jeu multilatéral pour obtenir aussi rapidement que possible un cessez-le-feu, puis un processus de sortie de crise.  Avoir refusé de voir dans les Russes un acteur essentiel des négociations, a été un terrible aveuglement et a marginalisé la France. De même, il faut cesser de ne voir dans l’Iran qu’un Etat-voyou infréquentable, et tenir compte de son influence régionale considérable. Ne négligeons pas non plus l’expérience des pays voisins, comme la Jordanie qui a développé toute une expertise en matière de repérage et de « déradicalisation » des djihadistes, de réinsertion progressive, de protection et d’immunisation » des communautés. La crise syrienne témoigne d’une évolution de la diplomatie mondiale vers davantage de multipolarité. Nous ne pouvons nous permettre de rester à l’écart.

La diplomatie n’est pas un jeu de poker, où la menace de frappes permettrait, d’un coup de baguette magique, d’amener les belligérants à la table des négociations. Plutôt que d’adopter des postures, identifions les bons interlocuteurs et les nouveaux rapports de force, et activons ces leviers.

La diplomatie ne se construit pas sur des clichés simplistes et des schémas binaires : ignoble dictateur recourant aux armes non-conventionnelles d’un côté, gentils rebelles démocrates de l’autre. On constate aujourd’hui la faible légitimité du Conseil national syrien et la montée en puissance de factions islamistes elles-mêmes divisées. Le risque de talibanisation de la Syrie est réel. Dans ce contexte explosif, la livraison d’armes à l’armée syrienne libre, un temps annoncée par François Hollande, serait la pire des solutions. D’une part parce qu’on ne sait dans quelles mains elles pourraient tomber. D’autre part – et surtout – parce que donner des armes à des combattants est un moyen de se laver les mains de leurs problèmes. L’effondrement de l’État ne peut tenir lieu d’objectif car il conduirait au chaos et à des violences interconfessionnelles qui embraseraient toute la région. La paix ne peut venir que d’une solution politique.

Il ne reste plus que peu de temps à la France pour parvenir à retrouver un rôle d’ici la conférence de Genève II. Souhaitons que notre arrogance de début septembre ne condamne pas les efforts à venir.