C’est à l’invitation de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN que je me suis rendue à Kiev les 9 et 10 février, pour y participer à un séminaire au Parlement sur la crise qui secoue depuis le 21 novembre dernier le pays. Avec la présidente de la délégation italienne Federica Mogherini, nous avons souligné l’urgence de parvenir à une solution politique et notre inquiétude face à un possible pourrissement de la situation. L’attentisme de l’Union européenne, qui semble se désintéresser du pays, a été largement commenté.
Sur la place Maïdan, d’impressionnantes barricades de bois et de sacs de neige compressée derrière les véhicules de police incendiés. Partout des campements de fortune, des tentes mises en place par les régions, les églises, des groupements divers. Une population de jeunes et de moins jeunes qui se relaient toute la nuit, par des températures pouvant descendre, comme la semaine dernière, jusqu’à moins 23 degrés. Tous sont soudés par l’espérance du changement, de la fin de la corruption, de l’arrivée de l’Europe et le rejet de Poutine. Un orchestre joue toute la nuit, depuis des mois, des musiques ukrainiennes sur lesquelles des centaines, des milliers de gens dansent toutes les nuits, pour se réchauffer mais aussi pour partager une certaine liesse ambiante et l’espoir du lendemain. Le service d’ordre est vigilant, l’organisation parfaite. Une atmosphère joviale, bon enfant, avec des drapeaux ukrainiens et européens qui claquent au vent, et des caricatures qui fleurissent partout. Mais les traces des affrontements récents, si violents, sont toujours là et des gerbes ont été confectionnées à la mémoire des victimes… Nous sommes sur une poudrière, et une étincelle pourrait tout faire basculer tragiquement.
Mes rencontres avec différents responsables de l’opposition (dont l’ancienne Premier Ministre Ioulia Tymochenko et Piotr Poroshenko, richissime homme d’affaires rentré la veille de Sotchi, où, nous a-t-il dit, il avait eu de très bons contacts avec les autorités russes en vue de sa candidature à la présidentielle ukrainienne) m’ont confortée dans l’idée que le gel des avoirs détenus en Europe par les hauts dirigeants corrompus – éventuellement accompagné de la publication de ces actifs – ainsi que des interdictions de visas contre eux et leurs familles sont indispensables. Non seulement parce que la lutte contre la corruption généralisée est le principal moteur de la contestation, mais aussi parce que cela permettrait d’instituer un minimum de pression sur ceux qui tirent les ficelles de la répression. Déplorable illustration de cette corruption qui gangrène jusqu’au sommet de l’État, le directeur de la filiale ukrainienne de BNP Paribas a récemment dû adresser une lettre ouverte au président Ianoukovitch pour lui demander d’intervenir auprès de deux de ces proches qui refusaient de rembourser des prêts d’un montant de 73 millions d’euros ! Outre cette épineuse question de la corruption, mes interlocuteurs ukrainiens estiment également que le retour à la paix civile ne peut se faire que par l’organisation de nouvelles élections et le retour aux garanties constitutionnelles de 2004.
Bien que ce volet de politique étrangère soit au centre de mon déplacement en Ukraine, j’ai évidemment saisi cette occasion pour rencontrer la communauté française (928 inscrits au registre consulaire), notamment à l’occasion d’une réception organisée par l’Ambassadeur. J’ai également visité le Lycée français Anne de Kiev, seul établissement scolaire français en Ukraine homologué par le ministère français de l’éducation nationale. Egalement reconnu par les autorités ukrainiennes, l’établissement est victime de son succès et se trouve désormais trop à l’étroit : un déménagement dans des locaux plus spacieux est actuellement à l’étude.