A l’initiative du Dialogue Franco-Russe et de SE Alexandre Orlov, Ambassadeur de Russie en France, plusieurs parlementaires, hommes d’affaires et intellectuels français ont été invités à rencontrer Sergueï Narychkine, Président de la Douma (Assemblée nationale russe). Une réunion particulièrement utile à un moment de grandes tensions entre la Russie et l’Ukraine, avec de lourdes sanctions américaines et européennes et le risque d’une guerre ouverte de grande ampleur aux portes de l’Europe.
Narychkine est un ami de la France, qui parle notre langue, tout comme les deux députés l’accompagnant, le président de la commission des affaires étrangères de la Douma, Alexei Pouchkov et Leonid Sloutsky, président du comité pour les affaires de la CEI, pour l’intégration eurasienne et pour les Russes de l’étranger. Bien sûr il a, tout comme plusieurs autres intervenants, longuement rappelé les liens historiques d’amitié et d’entraide entre la France et la Russie. Le général de Gaulle ne s’était-il pas écrié lors de sa visite à Moscou en Décembre 1944 pour la signature d’un accord entre nos deux pays que nos deux pays réunis étaient très forts mais que s’ils se séparaient, ils seraient en grand danger?
Mais son rôle était bien sûr de nous convaincre du bien-fondé des positions russes, insistant sur les souffrances des centaines de milliers de Russes d’Ukraine, beaucoup ayant été obligés de fuir vers la Russie, refusant une « Ukrainisation forcée » et victimes d’une « société russophobe » ayant rabaissé le statut de la langue russe. En écho à Hollande qui avait affirmé à la Conférence des Ambassadeurs qu’il serait « bien sûr intolérable et inadmissible » que des soldats russes soient présents en Ukraine, Narychkine a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas de soldats russes sur le territoire ukrainien et que les observateurs internationaux basés aux frontières l’avaient confirmé (contrairement à nos propres informations de presse..).
Il a également affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine, mais d’une véritable guerre civile au sein de l’Ukraine, et regretté que les thèses de la fédéralisation de l’Ukraine ne soient plus d’actualité faute d’organisation d’une constituante à Kiev. L’idée d’une Ukraine fédérale pourrait en effet être poursuivie, avec comme possibilités un fédéralisme asymétrique (un peu comme le Québec au sein du Canada) ou le statut d’une région autonome au sein d’un Etat (comme le Kurdistan en Irak).
Les hommes d’affaires comme Christophe de Margerie, le PDG de Total, ont eux indiqué l’impact terriblement négatif des sanctions en appelant à plus de raison et à leur levée, ces sanctions pénalisant en retour nos entreprises françaises, les américains étant eux très peu présents en Russie. Comment ne pas penser en effet à ces 50 000 personnes employées par Auchan sur le territoire russe, à toutes ces entreprises françaises ayant fait le pari de la Russie et désemparées devant la dégradation de leur environnement de travail?
Pour beaucoup de participants, les tensions actuelles entre nos deux pays sont un « contresens historique », alors que l’Ukraine devrait être un pont entre Europe et Russie. Jean-Pierre Chevènement a estimé que les sanctions étant encore aggravées par leur caractère supra national et que leur application était trop bureaucratique, parfois même surinterprétée.
Seule femme présente à cette table-ronde, j’ai tenu pour ma part à ne pas surtout pas éluder la question ukrainienne, indiquant que lors de mon séjour à Kiev et de mes échanges avec les responsables politiques, notamment Poroshenko, je n’avais constaté aucune russophobie, bien au contraire, mais juste le souhait de rétablir la démocratie en se débarrassant de quelques oligarques véreux… J’ai également souligné le soutien apporté par les Français de Russie, et en particulier leur communauté d’affaires, aux positions russes, leur inquiétude, et l’importance de renouer un dialogue au plus haut niveau entre nos deux pays (je travaille d’ailleurs actuellement, en liaison avec le président de la commission des affaires étrangères du Sénat russe, Mlhkail Marguelov, à l’élaboration d’un programme de débats de politique étrangère et de défense…). J’ai conclu en exhortant Narychkine à trouver une solution politique au plus vite avec l’appui du parlement pour négocier une paix durable avec l’Ukraine.
L’urgence est en tout cas d’arrêter cette guerre au plus vite, avant que la situation ne dégénère, la violence appelant souvent la violence dans une spirale infernale…