Oct 31 2014

Londres (19-20 novembre)

Le hasard du calendrier a voulu que deux réunions consacrées à la coopération franco-britannique en matière de défense soient organisées quasi simultanément à Londres, juste avant mon départ le vendredi 21 novembre pour la session annuelle de l’Assemblée parlementaire OTAN à La Haye.

Ce fut d’abord, le mercredi 19, une journée de travail organisée par le Conseil franco-britannique (dont je suis membre) destinée à présenter, suite à l’accord FCAS (Future Combat Air System) entre la France et le Royaume-Uni, les mécanismes de l’approche française en matière de défense et ses aspects politique stratégique militaire, parlementaire et industriel aux responsables et ingénieurs de la société BAE Systems. Y participaient notamment notre attaché de défense , l’amiral Henri Schricke, le général §Hughes Delort-Laval de l’2tat-major et le directeur des études de sécurité à l’IFRI Etienne de Durand.

Le lendemain, je participai au Parlement britannique (Chambre des Lords) à la réunion biannuelle du groupe de travail parlementaire sur la mise en place du Traité de Lancaster House. Une réunion animée par le président de la sous-commission des Affaires extérieures de la Chambre des Lords, Lord Tugendhat et le président de la commission de défense des Communes Rory Stewart. Y participaient notamment le ministre Philip Dunne, en charge des questions d’équipement et de technologies de défense, Will Jessett, directeur de la planification stratégique et l’amiral Tim Fraser du Ministère de la Défense ainsi que d’autres parlementaires membres des commissions de défense (8 pour la GB et 6 pour la France dont un autre sénateur français, Jeanny Lorgeoux).

Signés par Nicolas Sarkozy et David Cameron le 2 novembre 2010, les accords de Lancaster House ont donné un nouvel élan à la coopération franco-britannique en matière de défense.

Le renforcement de la coopération de défense franco-britannique avait alors provoqué certaines inquiétudes : ce rapprochement entre les deux principaux acteurs militaires européens n’allait-il pas, par contrecoup, affaiblir la politique de sécurité et de défense commune et les coopérations avec les autres pays européens ? Je suis convaincue au contraire que cette coopération est utile à l’Europe dans son ensemble. En cherchant à optimiser leurs moyens et à préserver leurs capacités, le Royaume-Uni et la France, malgré le contexte de crise économique, arrivent à maintenir une contribution européenne significative dans l’OTAN et une base solide pour les opérations de la politique de sécurité et de défense commune. Comme le dit fort justement un des participants, du fait de nos difficiles contraintes budgétaires, nous n’avons plus guère le choix « Without entente, it would be oblivion ».

De plus, ces liens renforcés témoignent qu’il est effectivement possible de mutualiser des capacités militaires, argument essentiel pour vaincre les résistances encore fortes à l’idée d’une défense européenne. En témoignent les nombreux accords signés depuis quatre ans: FCAS (Future Combat Air System ), ANL (programme de missiles antinavire léger FASG/ANL), MMCM (Maritime Mine Counter-Measures: système de drones navals de lutte contre les mines) et rénovation SCALP (programme de missile Système de Croisière conventionnel Autonome à Longue Portée). Les drones de combat sont le projet le plus ambitieux de cette coopération avec à horizon 2017 le développement et la réalisation d’un démonstrateur de drone de combat. Des contrats d’études ont d’ailleurs été signés le mois dernier entre Dassault Aviation et BAE Systems, Thales et Selex ES et Snecma et Rolls-Royce. S’agissant des armes complexes (missiles, roquettes), là encore la coopération franco-britannique permet une synergie des compétences en créant des « centres d’excellence » grâce à la coordination des ministères de la défense français et britannique.

L’un des débats aujourd’hui porte sur le devenir de cet accord : doit-il rester bilatéral, ou bien s’ouvrir à d’autres pays européens ? En matière de défense plus encore que dans d’autres domaines, le renforcement des coopérations au sein de l’Union européenne dépend davantage de contraintes politiques que techniques. Sans relations de confiance et sans l’affirmation d’une volonté politique nationale qui transcende les divergences partisanes, il est très difficile d’avancer. L’opération conjointe en Libye a, sur ce plan, constitué une expérience fondatrice pour la relation franco-britannique, même si nous devons hélas reconnaitre que nous n’avons pas su suffisamment préparer la sortie de crise et que ce pays est aujourd’hui en était de déliquescence. Il nous faut intégrer également à cette équation la position de l’Allemagne, dont les positions sont en matière de défense souvent assez éloignées de celles de l’axe franco-britannique, ainsi que les autres Etats partie à Weimar + (Pologne, Italie, Espagne). Mais nous ne pouvons nous voiler la face. Il est indispensable que nos autres partenaires européens comprennent enfin la nécessité de faire un effort budgétaire accru pour arriver à l’objectif de 2% du PIB consacré à la défense. Il en va de notre sécurité collective.

En cette année de centenaire de la Première Guerre Mondiale, et alors que les crises sécuritaires se multiplient aux portes de l’Europe, je ne peux me résoudre à notre renoncement collectif à l’idée d’une défense européenne unie, qui apparaît au contraire plus urgente que jamais.

->  Mon compte-rendu d’ une précédente réunion du Conseil franco-britannique consacrée aux questions de défense