C’est aux États-Unis que j’ai appris avec sidération l’ignoble attentat contre Charlie Hebdo puis, le lendemain, l’assassinat d’une jeune policière et, le surlendemain, la tragique prise d’otage de l’hyper casher porte de Vincennes. D’où des réveils extrêmement matinaux (aidés par le jet-lag!) pour, avant de partir à mes réunions, suivre CNN, FOX et toutes les autres chaînes américaines qui traitaient en direct et non-stop des événements à Paris avant de partir pour mes réunions.
Jamais je crois on n’avait autant parlé de la France aux Etats-Unis et je dois dire avoir été extrêmement touchée par le discours de John Kerry évoquant ces valeurs immuables de la France et terminant même son allocution en français! Pourtant la mort de 17 morts personnes était presque dérisoire face aux 3 000 du 11 septembre, ou encore aux 2 000 de Boko Haram, passés largement inaperçus. Mais, comme pour le 11 septembre aux Etats-Unis, c’était un symbole qui avait été visé, celui de nos valeurs humanistes, de ces droits bâtis peu à peu dans l’intérêt de tous, du respect intangible de la vie.
J’ai aussi été très émue de cet élan vital de notre communauté française expatriée, déterminée à montrer son attachement à son pays natal et à ses valeurs. Même les enfants des lycées de Los Angeles avaient longtemps débattu de la situation et réalisé nombre de dessins pour marquer leur soutien. Des rassemblements des Frenchies se sont vite improvisés à Los Angelès, sous l’œil de toutes les télévisions locales et mon dîner du soir avec les membres de l’UFE a bien sûr commencé par une minute de silence… Nous avions nous envie de nous rassembler, de communier dans cette identité nationale, dans ce sentiment d’incompréhension et de rejet absolu de cette horreur abjecte.
C’est sans doute ce même besoin de communion et de partage qui explique en grande partie l’immense succès de la marche historique de Paris du 11 janvier, jour de mon retour et où je me suis précipitée dès l’avion posé, sans toutefois pouvoir rejoindre les autres parlementaires, la cohue étant inimaginable…
Après l’émotion vient le temps de la réflexion et de l’action. J’avoue qui si je me suis moi aussi reconnue immédiatement dans le slogan planétaire « je suis Charlie » actualisation de l’ « Ich bin ein Berliner » de Kennedy en son temps, j’ai eu quelques réticences ensuite sur les caricatures présentées dans le numéro suivant de Charlie Hebdo. Jamais je n’avais été une fan de ce journal et dès 2011, lorsque les bureaux de Charlie avaient été incendiés, j’avais exprimé mes craintes quant au danger qu’elles pouvaient représenter pour nos compatriotes ou pour les communautés chrétiennes dans un certain nombre de pays. Certes la liberté d’expression est un droit inaliénable et nous ne saurions jamais revenir sur ce droit. C’est pour moi un souci constant, que j’avais déjà exprimé dans mon intervention sur le projet de loi sur le terrorisme du 15 octobre dernier. J’avais également cité en exergue de mon rapport sur le terrorisme pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN une phrase que j’aime beaucoup de Benjamin Franklin « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, ne mérite ni l’une, ni l’autre ».
Mais il nous faut maintenant agir concrètement. J’ai donc posé une question d’actualité au gouvernement concernant l’amélioration de notre dispositif contre-terroriste, notamment en matière de coopération européenne et internationale, indispensable comme je ne cesse de le répéter depuis des mois, en ayant parfois l’impression de n’être guère écoutée.
J’ai également suggéré que les réserves opérationnelles et citoyennes soient davantage associées à la lutte contre le terrorisme. Dans un contexte de contrainte budgétaire forte et alors que la lutte contre le terrorisme exige d’importants moyens humains, les réserves constituent en effet un vivier de compétences extrêmement précieux. J’avais réalisé en 2010, avec mon collègue PS Michel Boutant un rapport sur leur utilisation pour faire face aux crises majeures, qui avait abouti en 2011 au vote de notre loi sur la création d’une réserve de sécurité nationale… mais dont les décrets d’application se faisaient toujours attendre. Suite à mes interrogations, Bernard Cazeneuve nous a annoncé qu’ils seraient enfin publiés courant février. A suivre donc…
Je n’aime guère fréquenter les plateaux télévisés mais j’ai également participé à des débats sur France 24 anglais ou Public Sénat (à partir de 11’48), au sujet de cette coopération européenne contre le terrorisme. Cela m’a permis de réaffirmer ma conception de la liberté d’expression.
Rien n’excusera jamais le fait d’assassiner des journalistes ou des dessinateurs. Mais ce soutien inconditionnel à la liberté de la presse et à la liberté d’expression ne doit pas être un blanc-seing. Quand des provocations gratuites peuvent mettre en péril la vie de nos Français expatriés de par le monde ou fragiliser encore les petites communautés chrétiennes déjà largement opprimées dans de nombreux pays, une certaine retenue me semble souhaitable. Oui à la liberté d’expression, mais non à des provocations ou humiliations délibérées. Il faut savoir respecter les croyances profondes de chacun, fussent-elles en opposition aux nôtres.
Une citation de Plantu circulait d’ailleurs ces jours-ci sur le web : « Observer des tabous, ce n’est pas forcément une régression, ce n’est pas un pas en arrière pour la liberté d’expression : c’est un pas en avant pour l’intelligence. »