Avec le projet de loi Macron, la polémique sur le travail du dimanche revient sur le devant de la scène.
Au-delà de l’autorisation ou non du travail dominical, la question de la place du travail dans notre société a connu ces dernières décennies une véritable révolution : chômage de masse, augmentation du travail à temps partiel, tertiarisation, robotisation, adaptation à la concurrence internationale… A travers la question du travail, ce sont nos valeurs fondamentales et nos principes du vivre-ensemble qui sont en jeu.
Je m’inquiète d’une excessive marchandisation de la vie humaine et de nos activités. J’estime essentiel que chacun puisse conserver du temps pour des activités familiales, religieuses, citoyennes. Néanmoins, tant que l’autorisation de travailler le dimanche reste strictement encadrée, ne fonctionnant que sur la base du volontariat et avec une contrepartie salariale, je ne crois pas que le travail dominical soit réellement de nature à empêcher ce type d’activités. La foi religieuse, par exemple, peut se vivre en dehors du dimanche. A mon sens, le véritable problème tient davantage à l’éducation et à la culture de la consommation, qui tendent à glorifier le consumérisme au détriment d’activités relationnelles et spirituelles.
Par ailleurs, ayant longtemps vécu à Londres où les commerces sont ouverts tous les jours, j’ai pris l’habitude de savourer ces moments où l’on peut, au calme, aller choisir des livres dans les librairies de quartier ou faire les achats que l’on ne peut faire la semaine. Je crois qu’aucun Londonien n’accepterait de revenir en arrière sur ce confort… Et j’avoue aussi être exaspérée quand des touristes, en plein quartier latin, me demandent où acheter des produits qui leurs sont nécessaires, et que je me vois contrainte de les envoyer sur les Champs-Élysées. Plutôt que d’alimenter la pratique selon laquelle les touristes chinois ou américains vont à Londres faire leurs courses le week-end, j’estime qu’il vaudrait mieux les retenir à Paris avec des commerces ouverts… Notre balance commerciale s’en ressentirait positivement.
Si le droit individuel aux deux jours de repos hebdomadaire de chaque travailleur est bien respecté, j’ai peine à comprendre que l’on puisse contraindre un patron à fermer son entreprise un jour par semaine. C’est pourtant bien ce qui arrive à Stéphane Cazenave, boulanger dans les Landes, assigné devant le tribunal, qui nous rappelle fort à propos que « travailler n’est pas un délit en France ».
J’estime en tous cas que l’enjeu de l’autorisation limitée du travail du dimanche est moins civilisationnel qu’économique (création d’emplois, accessibilité des services) et qu’une telle mesure ne peut donc qu’être positive. A l’heure où la crise économique et le chômage de masse sapent les fondements de notre modèle social, il me semble essentiel de tenter de promouvoir toutes les pistes susceptibles de redonner à notre jeunesse des opportunités d’emploi.
→ Lire mon intervention à ce sujet à la tribune du Sénat en 2011