Question écrite n° 16030 adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (JO du 23/04/2015) :
Mme Joëlle Garriaud-Maylam attire l’attention de Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la régression que constituerait la quasi-disparition de l’enseignement du latin et du grec au collège, ainsi que la suppression des filières bi-langues et européennes.
À compter de la rentrée 2016, les enseignements optionnels de grec et de latin seraient supprimés au profit d’enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) ne permettant qu’une initiation de façade. Ces EPI relatifs aux langues et civilisations latine et grecque ne seraient probablement mis en place que dans un nombre extrêmement restreint d’établissements, les humanités étant mises en concurrence avec les autres projets d’école, dans la limite d’une enveloppe budgétaire restreinte. Parallèlement, la plupart des classes bi-langues et européennes seraient supprimées. Ce recul serait compensé par un apprentissage légèrement plus précoce de la première langue étrangère (au CP, alors qu’elle est actuellement démarrée au CE1) et de la seconde langue étrangère (en 5e – elle ne l’est actuellement qu’en 4e) mais avec un volume horaire hebdomadaire réduit.
Le remplacement de filières d’excellence par des cours plus largement ouverts mais beaucoup moins approfondis semble être une erreur stratégique. Pour les élèves en réelle difficulté, un recentrage sur les fondamentaux serait plus utile qu’un saupoudrage de notions de langues vivantes ou anciennes. Pour les autres élèves, la suppression de ces filières constitue un véritable gâchis : ils n’auront alors d’autre solution que de quitter l’enseignement public pour s’orienter vers les établissements privés encore en capacité de proposer de véritables enseignements renforcés en langues étrangères ou anciennes, ce qui ira à l’encontre de l’égalitarisme prétendument visé.
Si une telle réforme devait s’appliquer aux collèges français à l’étranger, cela pénaliserait grandement leur attractivité dans un contexte de vive concurrence.
À l’heure où la France ne cesse de s’enfoncer dans les classements internationaux de nos écoles et en termes de maîtrise des langues étrangères, cette réforme semble un véritable contre-sens qui pourrait à terme pénaliser notre influence internationale.
Nos écoles ont longtemps eu une réputation d’excellence à l’étranger. Priver les élèves d’un accès au grec, au latin ou encore à l’allemand – facteur de développement de capacités d’abstraction et de raisonnement – entraînerait inéluctablement un nivellement par le bas, alors que nous devons apprendre aux élèves le goût de l’effort, de la rigueur et l’envie du dépassement de soi.
L’extinction de l’enseignement des langues anciennes saperait aussi les fondements de la francophonie, non seulement en coupant les francophones de leurs racines linguistiques, mais aussi en les privant d’un accès aux fondements culturels à la base de notre système de droit romain.
Et comment encourager le plurilinguisme dans le monde, facteur de développement de la francophonie, si nous-même ne favorisons pas un véritable apprentissage de plusieurs langues dans notre propre pays ?
Pour que la France conforte et renforce sa place dans le monde, il est essentiel que ses jeunes générations puissent bénéficier d’un véritable apprentissage plurilingue.
Réponse de Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
(JO du 18/02/2016, page 700) :
La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République confie au collège unique, dont elle réaffirme le principe, la mission de conduire les élèves à la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Le collège unique est à la fois un élément clé de l’acquisition, par tous, du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, et un creuset du vivre ensemble. L’objectif du collège est double : renforcer l’acquisition des savoirs fondamentaux dans tous les enseignements et développer les compétences indispensables au futur parcours de formation des collégiens. Assurer un même niveau d’exigence pour que tous les élèves acquièrent le socle commun de connaissances, de compétences et de culture par une priorité centrale donnée à la maîtrise des savoirs fondamentaux est un impératif.
La ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche porte une attention toute particulière à l’enseignement du latin et du grec en collège, dans le cadre de l’enseignement des langues et cultures de l’Antiquité, ainsi qu’à l’enseignement des langues vivantes étrangères. L’amélioration des compétences en langues vivantes étrangères des élèves français est l’une des priorités essentielles de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les langues vivantes étrangères tiennent non seulement une place fondamentale dans la construction de la citoyenneté, dans l’enrichissement de la personnalité et dans l’ouverture au monde, mais sont également un atout dans l’insertion professionnelle des jeunes, en France comme à l’étranger.
S’agissant de la langue vivante 1, l’introduction de son apprentissage dès le cours préparatoire à partir de la rentrée 2016 et le maintien des horaires au collège augmenteront l’exposition des élèves sur l’ensemble de la scolarité obligatoire. S’agissant de la seconde langue vivante, la réforme du collège, dont la mise en œuvre sera effective à la rentrée scolaire 2016, avance d’un an son apprentissage, qui démarre désormais pour tous les élèves dès la classe de cinquième. Les élèves suivront désormais deux heures et demi hebdomadaires de langue vivante 2 de la cinquième à la troisième, contre trois heures hebdomadaires en classe de quatrième et de troisième actuellement, soit 54 heures de plus de langue vivante 2 au cours de leur scolarité au collège. Tous bénéficieront par conséquent avec la réforme du collège de plus d’heures de cours en langues vivantes étrangères, quand moins de 11% des élèves de troisième étaient aujourd’hui en section européenne.
La réforme du collège offre de plus la possibilité d’un véritable renforcement linguistique avec la présence des langues vivantes étrangères dans les enseignements pratiques interdisciplinaires sur le modèle de la discipline non linguistique dans les sections européennes de lycée.
Elle consolide enfin, s’agissant des classes bi-langues, ces modalités d’apprentissage des langues qui, aujourd’hui, n’ont aucun statut juridique. Cette réforme renforce en effet les classes bi-langues de continuité, qui permettent aux enfants qui ont appris en primaire une autre langue vivante que l’anglais de commencer une deuxième langue vivante dès la sixième, alors que ceux qui apprennent l’anglais en primaire commencent la LV2 en cinquième. Cela contribuera à la redynamisation de la diversité linguistique dans le premier degré.
Par ailleurs, parce qu’elles jouent un rôle important dans l’acquisition de la culture commune et la construction de la citoyenneté, pour leur dimension linguistique comme pour l’apprentissage de l’histoire des civilisations, la ministre a souhaité offrir la découverte des langues et cultures de l’Antiquité beaucoup plus largement qu’aujourd’hui, à l’ensemble des élèves. Associant l’étude de la langue à celle de la culture et de la civilisation antique, l’enseignement pratique interdisciplinaire « Langues et cultures de l’Antiquité », créé dans le cadre de la réforme du collège, favorisera la connaissance des cultures classiques en mobilisant aussi d’autres disciplines, notamment l’histoire. Un enseignement de complément en langues anciennes (latin et grec), dispensé par un professeur de lettres classiques, permettra aux élèves qui souhaitent approfondir ces disciplines de le faire dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. La connaissance des langues anciennes apportant un éclairage sur notre pratique du français et contribuant à améliorer le niveau de l’ensemble des élèves dans cette matière, la ministre a, enfin, souhaité que les nouveaux programmes de français sensibilisent les élèves à l’histoire de la langue française et à ses origines latines et grecques.
L’exigence sera ainsi mise au service de la réussite de tous et de la réduction des inégalités de maîtrise de la langue française.