La fin de vie et surtout la garantie d’un accès sécurisé à une mort digne, entouré(e) de ceux que l’on aime, est une question qui me préoccupe depuis longtemps. Certes mon éducation, ma culture font que pour moi toute forme de vie est sacrée. Il m’a fallu beaucoup de temps, il m’a fallu voir beaucoup de personnes décéder dans de grandes souffrances physiques, morales et psychiques pour accepter l’idée que l’on puisse hâter une mort.
Mon engagement en soutien de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, comme je l’ai indiqué lors de la conférence de presse organisée par Jean-Luc Romero (avec un sénateur pour chacun des quatre grands groupes politiques du Sénat) m’a demandé beaucoup de temps et de réflexion mais il est en application des trois principes de notre République.
- Liberté d’abord car j’estime que ce devrait être un droit fondamental que de pouvoir refuser l’acharnement thérapeutique lorsque l’on est gravement malade et que l’issue est inéluctable.
- Égalité car il me semble inadmissible dans notre République que seuls les plus fortunés aient accès à une mort choisie et paisible, une mort assistée en Suisse par l’association Dignitas coûtant un minimum de 10 000 Euros
- Fraternité enfin – ou plus exactement humanité – envers des personnes en très grande souffrance et qui veulent en finir.
Partie la nuit dernière en déplacement en Asie centrale pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, je n’ai hélas pas pu prendre part au débat sur la fin de vie au Sénat. J’avais néanmoins déposé plusieurs amendements visant à :
- Légaliser l’assistance médicale à mourir pour les personnes souffrant de maladies incurables entraînant de graves souffrances. Loin de « pousser au suicide », il s’agissait simplement, par souci d’humanité et d’égalité républicaine, de légaliser sur le territoire français des pratiques auxquelles seules les personnes fortunées peuvent avoir recours en allant à l’étranger. Dans des cas qu’il revient à la loi de strictement encadrer, j’estime que cette aide à mourir peut être conforme aux légitimes préoccupations de bioéthique auxquelles je suis très attachée. Des amendements similaires ont été déposés par des parlementaires d’autres groupes politiques, cette préoccupation pour la dignité de la fin de vie et l’allègement des souffrances étant, fort heureusement, transpartisane.
- Clarifier la faculté des majeurs protégés à rédiger leurs directives anticipées. Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi imposait à l’ensemble des « majeurs protégés » de recueillir l’autorisation du juge pour rédiger leurs directives anticipées. Mon amendement visait à ne maintenir cette contrainte que pour les personnes sous tutelle, celles sous curatelle ou sous mandat spécial pouvant les rédiger seules, sur certificat médical attestant de leur capacité à prendre une telle décision. A l’heure actuelle, les personnes sous mesure de sauvegarde ou de curatelle peuvent ainsi rédiger seules un testament, alors que cela nécessite l’accord du juge en cas de tutelle. Il s’agissait de s’inspirer de ce dispositif, dans l’esprit de la loi du 5 mars 2007 qui garantit l’autonomie du majeur protégé. Je me réjouis que le Sénat ait voté une disposition allant dans ce sens, la seule différence entre le dispositif adopté et celui que je préconisais étant la non exigence d’un certificat médical, qui me semblait pourtant utile pour sécuriser le dispositif.
- Permettre une meilleure prise en charge de la douleur, dans le cadre des soins palliatifs et en dehors. La prise en charge de la douleur chronique est une discipline à laquelle trop peu de moyens sont alloués, alors qu’elle est essentielle, notamment pour permettre une fin de vie dans la dignité. Cela suppose une formation spécifique du personnel soignant encore trop faible à ce jour.
D’après une étude réalisée en 2008, les soignants considèrent que seulement 35% des décès à l’hôpital se déroulent dans des conditions acceptables. Il est donc essentiel d’améliorer l’accompagnement des mourants à l’hôpital, tant sur le plan de l’allègement des souffrances que sur celui de la fin de vie. Il est aussi essentiel de faire mieux connaître le dispositif permettant à chacun de donner des directives anticipées claires en cas d’incapacité soudaine et brutale, suite par exemple à un accident de la route.