Après l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté le protocole additionnel à la convention franco-marocaine en matière d’entraide judiciaire. L’adoption de ce texte marque une étape importante pour clore plusieurs mois de brouille diplomatique avec un partenaire essentiel de la France en Afrique du Nord. Les communautés marocaine en France et française au Maroc sont nombreuses, et le Maroc n’est pas seulement un partenaire économique de premier ordre mais aussi un État qui compte dans la lutte contre le terrorisme. Il était donc urgent d’apaiser les tensions.
Néanmoins, l’accord qui vient d’être ratifié soulève de multiples questions, notamment en ce qui concerne les transferts d’informations d’un pays à l’autre et la protection des droits de nos ressortissants au Maroc. Dans un contexte où les ONG continuent de rendre compte de pratiques délictueuses, voire de tortures, il est important de rester vigilants. Tel était le sens de la question écrite que j’avais déposée il y a plusieurs semaines, afin de pouvoir obtenir des garanties me permettant de voter cet accord en mon âme et conscience.
En l’absence de réponse argumentée à mes interrogations, j’avais choisi de m’abstenir lors du débat sur ce texte en commission des affaires étrangères. Ayant reçu ensuite du cabinet de Laurent Fabius, dans l’attente de la réponse officielle à ma question écrite, des assurances quant au périmètre et aux modalités d’application de l’accord, j’ai voté en faveur de ce texte lors de son examen en séance publique, tout en étant bien consciente de la nécessité de rester vigilante.
Le Ministre réfute notamment que ce protocole puisse porter atteinte au droit à un recours effectif des victimes françaises et étrangères de crimes et délits commis au Maroc. D’après lui, le mécanisme introduit par l’article 23bis du protocole additionnel est avant tout un mécanisme de recueil d’observations et pas un mécanisme de transfert de la compétence des juridictions. Il ne prévoit pas le dessaisissement du juge français au profit du juge marocain ou du juge marocain au profit du juge français, mais permet au juge initialement saisi de recueillir des observations et informations auprès du juge de l’autre Partie et, au vu des éléments éventuellement transmis, de déterminer les suites à donner à la procédure.
D’après le ministère, une procédure de dénonciation officielle des faits ne dessaisirait pas l’autorité judiciaire saisie mais opèrerait simplement une délégation de poursuites. Il resterait ainsi possible à la juridiction française initialement saisie, jusqu’à la date d’acquisition de la prescription, de reprendre les poursuites, que l’État destinataire ait donné suite ou non à la transmission de poursuites (dans la limite du respect de la règle « ne bis in idem »).
Il conviendra en tout cas de rester extrêmement vigilants quant à l’application de cet accord. Les conseillers consulaires français au Maroc et les parlementaires des Français de l’étranger seront en première ligne pour cela.