Jan 05 2016

Contre l’abstention et les extrêmes, le vote blanc ?

vote-par-internetElection après élection, nous constatons une progression continue et concomitante de l’abstention et du FN. Face à cette situation, les grands partis doivent, bien sûr, s’interroger et prendre acte de ce rejet de l’offre politique existante en adaptant leurs programmes et leurs pratiques pour être plus proches des attentes et besoins des Français. C’est une évidence, qui gagne cependant à être dite et redite. Mais répétition n’est pas action. Force est de constater que, depuis des décennies que le vote contestataire prend de l’ampleur, nous avons du mal à faire les réformes indispensables et à faire advenir une nouvelle conception de la politique pourtant si nécessaire. Secrétaire nationale des Républicains, je veux, bien sûr, m’impliquer dans mon parti pour contribuer à l’élaboration de cette nouvelle matrice qui permettrait d’engranger à nouveau des votes d’adhésion et non de résignation.

Mais il ne faut pas se voiler la face. Le manque d’éthique de quelques-uns, les dérives et l’absence – ou l’insuffisance- de réformes indispensables (obligation de réelle transparence, limite d’âge, réduction du nombre d’élus, limitation du nombre des mandats dans le temps) ont fait que beaucoup de Français ont perdu confiance dans les partis politiques et dans leurs élus. Il faudra beaucoup de temps et d’efforts pour regagner cette confiance. Dans l’intervalle, il importe que les opinions contestataires puissent s’exprimer de manière transparente et reconnue. Sinon, elles s’incarnent dans l’abstention et le vote aux extrêmes, qui représentent deux périls mortels pour notre démocratie. Une véritable reconnaissance du vote blanc est donc indispensable.

La loi du 21 février 2014 devait faire advenir une telle reconnaissance. Mais elle s’est contentée d’instaurer un décompte des bulletins blancs indépendant des bulletins nuls, sans que ceux-ci puissent être pris en compte dans la détermination des suffrages exprimés. De ce fait, un vote contestataire continue d’être plus « lisible » s’il prend la forme d’un vote FN ou d’une abstention que d’un bulletin blanc. Il semblerait pourtant sain de différencier les électeurs prenant le temps d’accomplir leur devoir civique en se rendant aux urnes pour y glisser un bulletin blanc de ceux qui manifestent un désintérêt de la chose publique en s’abstenant. Et il devient également vital d’éviter que les votes de citoyens contestataires mais sans idéologie extrémiste ne continuent à gonfler les scores du FN. Enfin, une prise en compte effective du vote blanc, en modifiant les rapports de force au sein de l’ensemble des votes exprimés, permettrait aux citoyens de cesser de se sentir pris en otage par l’impératif moral du « vote utile ».

Lors des récentes élections régionales, le « sursaut » de mobilisation observé pour faire rempart au FN s’est d’ailleurs largement traduit par une hausse des votes blancs, malgré son manque de reconnaissance. Alors que le nombre de votants a crû de 13,8% entre les deux tours, le nombre de votes blancs ou nuls a, lui, augmenté de 39,2%.

La reconnaissance du vote blanc en tant que suffrage exprimé aurait des conséquences institutionnelles majeures.

Un seul exemple : en 2012, François Hollande a été élu avec 53,1% des suffrages exprimés. Si les votes blancs ou nuls avaient été comptabilisés comme exprimés, cela aurait porté le score de François Hollande à 48,6% des suffrages exprimés, soit moins que la majorité absolue ! Or l’article 7 de notre Constitution stipule que « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. » Dans ce cas précis, le vote blanc aurait donc conduit à une crise politique inédite, aux effets sans doute plus sains et efficaces que le vote FN ou l’abstention.

Les conséquences institutionnelles d’un nombre important de bulletins blancs à des élections législatives ou locales mériteraient aussi d’être réfléchies. Une des propositions est l’invalidation de l’élection si les bulletins blancs atteignent la majorité absolue. Elle ne me convainc pas entièrement car organiser une nouvelle élection induirait des coûts considérables sans répondre à l’insatisfaction exprimée via le vote blanc puisque la nouvelle élection se tiendrait avant que l’offre électorale n’ait réellement pu être renouvelée. J’ai ainsi évoqué dans une autre tribune il y a quelques mois la possibilité d’un tirage au sort parmi les votants lors de certaines élections, avec des modalités à définir, si le nombre de votes blancs venait à dépasser les suffrages recueillis par le candidat arrivé en tête… Le débat doit être ouvert, et notre démocratie, qui tire sa force du peuple, doit pour survivre et se vivifier encourager sa participation, même si cela doit passer par des solutions innovantes, voire même iconoclastes.

→ Lire ma tribune de février 2015 dans le Huffington Post « Des réformes urgentes plutôt qu’une chimérique VIe République«