Coïncidant avec l’annonce de l’ouverture prochaine d’une liaison directe d’Air France entre le France et le Costa Rica, la visite de notre groupe interparlementaire d’amitié s’est avérée passionnante et s’est déroulée dans une atmosphère aussi positive que conviviale. Merci à l’Ambassadeur Chauvin -que j’avais eu le plaisir de rencontrer dix ans plus tôt, lorsqu’il était Premier Conseiller en Ethiopie et qui nous a organisé un excellent programme.
Nous avons ainsi pu être reçus par le Président de la République Luis Guillermo Solís, ancien diplomate et universitaire francophile, accompagné de la vice-présidente Ana Elena Chacon et du ministre des Relations extérieures Gonzalez Sanz. Le Président a salué la qualité de notre relation bilatérale et la convergence de nos vues sur divers sujets multilatéraux. Parmi les dossiers importants évoqués lors de cette rencontre, figurent la lutte contre le changement climatique – avec des enjeux particulièrement aigus pour les pays d’Amérique centrale en matière de mix énergétique, de transports et de gestion des déchets. La sécurité est également un enjeu fort – notamment s’agissant de la route reliant le Costa-Rica aux États-Unis – en lien avec le trafic de drogues toujours endémique dans la zone. L’accroissement des surfaces de coca cultivées en Colombie et la présence toujours marquée des cartels mexicains n’incitent guère à l’optimisme malgré les efforts conjoints des États-Unis et du Costa Rica pour lutter contre les narcotrafiquants. Autre défi majeur pour le Costa Rica, la gestion des migrants cubains refoulés par les États-Unis : le jour de notre entretien avec le Président, des milliers d’entre eux venaient de passer la frontière en force après avoir été refoulés vers le Panama. Cette situation humanitaire tragique, qui n’est pas sans rappeler la crise des migrants à laquelle fait face l’Europe, a également des implications sécuritaires, car elle alimente les réseaux mafieux, alors même que le Costa Rica a renoncé à toute défense militaire.
La question de la francophonie a également été abordée, le Costa Rica étant depuis le Sommet de Dakar de 2014 membre observateur de l’OIF et envisageant une prochaine adhésion complète. Ce pays est le seul, en Amérique latine, où le français est obligatoire dans l’enseignement secondaire (322 000 apprenants et un millier de professeurs de français) ce sui évidemment me ravit. Notre coopération culturelle s’appuie aussi sur une Alliance française particulièrement dynamique et le prestigieux lycée franco-costaricien.
Le Président de l’Assemblée législative, Rafael Ortiz, nous a reçus. Outre des discussions sur l’évolution de la démocratie costa-ricaine, nous avons surtout débattu de la politique économique, Rafael Ortiz nous indiquant être en faveur des réformes préconisées par l’OCDE, notamment sur la mise en place d’un registre des actionnaires, pour mettre fin à l’opacité financière et fiscale actuelles. Une loi autorisant les partenariats publics privés serait également utile pour répondre aux graves insuffisances en matière de transports publics – l’expérience française pouvant sur ce plan être utilement mise à profit. Les échanges se sont poursuivis par un déjeuner de travail avec une dizaine de parlementaires de tous horizons politiques, où nous avons pu évoquer nombre de dossiers importants, notamment les enjeux climatiques et les relations économiques (avec par exemple le souhait d’un développement des exportations de café organique et équitable, en s’appuyant sur la collaboration déjà en place avec l’INRA), culturelles et universitaires (le caractère novateur et exemplaire de la convention franco-costaricienne de reconnaissance des diplômes, conclue en 2015 a notamment été souligné).
Notre délégation a également pu visiter le port de Caldera, à 65 km de San José, sur la Côte Pacifique, exemple réussi de mise en concession : remarquablement géré par INCOP, l’autorité portuaire des ports du Pacifique et sa présidente LIanete Médina Zamora, ce port est devenu le second d’Amérique centrale et connaît une rapide expansion, avec notamment l’ouverture prochaine d’une liaison de fret maritime directe avec le Salvador. Nous y avons rencontré Georges Dherlin, Conseiller du Commerce extérieur de la France et propriétaire d’un chantier naval en développement à proximité, installé au Costa Rica depuis plus de 20 ans, et qui a aussi largement contribué à l’essor de ces installations portuaires.
Nous avons évoqué la problématique du développement du tourisme dans le pays avec un autre de nos Conseillers du Commerce Extérieur, Denis Roy, propriétaire d’un hôtel de luxe sur la côte pacifique Et son directeur français. L’ouverture de la liaison aérienne directe Paris-San José devrait sans nul doute accélérer les échanges touristiques entre nos deux pays. L’année dernière 50 000 touristes français ont séjourné au Costa Rica, véritable pays de Cocagne doté d’une nature sauvage et luxuriante, de paysages magnifiques et d’une biodiversité exceptionnelle, avec plus de 850 espèces d’oiseaux différentes, 12 000 espèces de plantes et 116 volcans dont 7 en activité. Le tourisme constitue d’ailleurs le principal secteur d’activité des Français établis au Costa Rica, qui tiennent une cinquantaine d’hôtels ou restaurants, notamment sur la côté pacifique, et une vingtaine d’agences de tourisme.
Nous avons également visité une de ces entreprises qui font rayonner la France au Costa Rica, Newrest, l’un des leaders mondiaux du catering multisecteurs, qui s’est implanté au Costa Rica en 2015 et y détient déjà, sous la houlette de son directeur général Pierre Martens, assisté du Cubain Juan Pina Alfonso, le quasi-monopole de la restauration aérienne tout en assurant également la restauration collective du lycée franco-costaricain. Mais nombreuses sont les entreprises françaises implantées au Costa Rica et mes collègues eurent ainsi la chance, pendant que je me rendais au Nicaragua, de visiter égalemen Opticas Vision, qui a fusionné avec le groupe français Essilor en 2015, après plus de 40 ans de collaboration fructueuse (95% des verres vendus dans les boutiques Ópticas Visión proviennent des usines Essilor). Entreprise responsable, Essilor, en lien avec les ministères de la santé et de l’éducation, mène au Costa Rica des actions en faveur de la santé visuelle des enfants.
La plupart de ces entrepreneurs français au Costa Rica se retrouvent au sein de la très dynamique Chambre de commerce France-Costa Rica, créée en 1997, présidée par Eric Jeanjean et dont la directrice exécutive est Nathalie Beaume et qui multiplie ses actions au Costa Rica mais aussi en soutien d’aitres chambres et entrepreneurs d’Amérique centrale.
Notre délégation s’est aussi rendue au Lycée franco-costaricain (920 élèves, dont 70 franco-costaricains et 40 franco-français), établissement public binational, conventionné AEFE et employant également des personnels du ministère de l’éducation costaricain. Nous nous sommes entretenus avec des membres de la direction, du comité des parents d’élèves et avec des élèves de terminale, sur leurs aspirations, la situation française et internationale, es migrations, les réfugiés, le terrorisme etc. Tous et toutes aiment la France, certains l’idéalisent et rêvent d’aller y étudier, mais beaucoup sont inquiets face à l’image renvoyée par les médias d’un pays morose et peu entreprenant…
A l’Alliance française, magnifique maison coloniale au Centre de San José, nous avons été reçus par sa remarquable présidente Désirée Segovia, diplomate et francophile, son directeur Pierre Matéo, les membres du comité et d’amis de l’institution. Nous avons constaté l’excellente implantation de l’institution dans le paysage culturel et linguistique costaricien, avec plus de 2 500 étudiants, qui en fait un véritable atout pour notre coopération et notre rayonnement. Seule ombre au tableau, l’état de certains murs abimés par l’humidité et qui nécessitent des travaux. Je me suis donc engagée à essayer d’aider cette Alliance par le biais de ma dotation de réserve parlementaire..
Pour moi, au-delà des rencontres organisées dans le cadre du déplacement du groupe d’amitié interparlementaire, ce déplacement au Costa Rica avait également pour but de rencontrer la communauté française, qui compte plus de 3 000 personnes (2 579 enregistrées au registre), dont près de la moitié de binationaux. Un quart des inscrits sont mineurs et 17% ont plus de 60 ans. Je suis donc particulièrement reconnaissante à l’ambassadeur Jean-Baptiste Chauvin d’avoir organisé, outre la réception en l’honneur de notre délégation, à laquelle ont assisté de nombreux français, partenaires costariciens et plusieurs personnalités locales dont le ministre de l’Économie Welmer Ramos et la ministre de la Planification Olga Sanchez, une réunion spécifique pour moi avec les représentants de notre communauté. J’ai ainsi eu le plaisir d’échanger longuement, en présence du Consul Gonzague Caudard, avec ces représentants, tous extrêmement sympathiques, et notamment le Conseiller consulaire Denis Glock, le Président de l’UFE Jean-Claude Goron, la Présidente de l’ADFE et la nouvelle présidente de la Société Française de Bienfaisance Roxana Pinto (malheureusement le deuxième Conseiller consulaire établi au Costa Rica Maurice Manaut n’avait pu se déplacer mais nous nous étions longuement parlé par téléphone un peu avant).
Tous m’ont fait part de leur bonheur de vivre dans un pays aussi accueillant, mais avec des problèmes latents. Ainsi leur principale inquiétude est la dégradation des conditions de sécurité, principalement du fait de l’augmentation de la petite et moyenne délinquance liée au trafic de drogue. Les vols et agressions de touristes se multiplient. Par ailleurs, le Costa Rica est exposé à de multiples risques naturels (volcans, séismes, inondations, glissements de terrain). Pour y faire face, l’ambassade est en train de réactualiser son plan de sécurité. Depuis 2011, tous les chefs d’îlots disposent d’un téléphone satellite, ce qui permettrait en cas de crise, de joindre plus facilement les zones affectées. La résidence, l’alliance française, l’institut français et le lycée français sont également dotés de téléphones iridiums et/ou de radio. L’ambassade a, en 2014, mis en place un système de locations de rations alimentaires. Le principal point de regroupement/évacuation est le lycée franco-costaricien qui dispose de 75% de ces rations. En 2015, l’ambassade a aussi fait l’acquisition d’un conteneur pour que le lycée puisse stocker ces rations, de même que d’un générateur de secours, en 2014, également localisé au lycée. L’ambassade a aussi acheté des kits de premiers secours. La mise en place d’un système d’envoi groupé de sms à la communauté en cas de crise est en cours de réalisation.
L’autre défi majeur est la forte et récente augmentation du coût de la vie, avec notamment des difficultés croissantes pour payer la scolarité au lycée français (4 000 € par an…) alors que le nouveau mode de calcul des bourses a eu pour conséquence de réduire substantiellement les quotités accordées à certaines familles et pour accéder aux soins (une consultation chez un généraliste privé coûtant fréquemment l’équivalent de 80 €, alors que le système de santé public part à la dérive avec des délais d’attente de plusieurs mois pour certains examens ou opérations). En 2015, l’ambassade avait appuyé la demande d’adhérents à la Caisse des Français de l’étranger visant à l’établissement d’une convention entre l’hôpital privé la Biblica de San José et la CFE afin de faciliter la prise en charge/les remboursements, mais la CFE n’a pas donné suite, estimant les nombres de cotisants et d’hospitalisations trop réduits.
Je repars du Costa Rica avec l’impression contrastée d’un magnifique petit pays, plein de ressources de dynamisme et de promesses mais relativement fragilisé par des périls auxquels il importe que la communauté internationale -la France en particulier – prête davantage attention.