Entretien avec Jean-Marie Bockel, publié dans La Gazette des communes du mercredi 20 avril 2016 :
Le sénateur UDI et ex-secrétaire d’Etat à la Défense, Jean-Marie Bockel, a été chargé en mars par le Sénat de réfléchir à la création d’une « garde nationale » s’appuyant sur les effectifs de réservistes. Un projet que le chef de l’Etat, François Hollande, avait appelé de ses voeux au lendemain des attentats du 13 novembre.
Le Sénat vous a confié le 8 mars la co-présidence (avec Gisèle Jourda) d’Un groupe de travail sur la garde nationale. De quoi s’agit-il ?
La création de ce groupe de travail répond à la volonté exprimée le 16 novembre dernier par le président de la République, François Hollande, de créer une » garde nationale « . Ce groupe de travail renvoie également à l’ambition du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, de revaloriser la réserve militaire en France.
Dans le contexte de menace terroriste que nous connaissons, et alors que 10 000 militaires sont actuellement mobilisés dans nos villes au titre de l’opération » Sentinelle « , il semble nécessaire de réfléchir à l’instauration d’une réserve opérationnelle digne de ce nom. A cet égard, le concept de garde nationale est intéressant.
J’ajoute que c’est un sujet qui me tient à coeur depuis des années. J’ai été secrétaire d’Etat à la Défense en 2008 et 2009 et j’ai été moi-même réserviste de l’armée de terre pendant près de 40 ans.
A quoi pourrait ressembler cette garde nationale ?
C’est toute la question. Depuis la fin du service militaire, la réserve militaire a toujours été le parent pauvre de la défense française. C’est une situation paradoxale car la notion de réserve s’est étendue à d’autres administrations. Parallèlement à la réserve opérationnelle militaire et à la réserve citoyenne, on compte aujourd’hui une réserve civile de la police nationale ou encore une réserve pénitentiaire. Du côté des collectivités territoriales, les villes peuvent également créer des réserves communales de sécurité civile. Mais globalement, ces différentes réserves demeurent embryonnaires.
Notre réflexion va donc consister à imaginer la forme que peut prendre cet élan de volontariat et d’engagement et comment articuler ces réserves existantes. Je pense notamment à la réserve militaire et à la réserve de la gendarmerie nationale.
Cette garde nationale sera-t-elle de nature militaire ?
Absolument. Elle sera structurée autour de personnels militaires et organisée dans un cadre hiérarchique militaire. Mais il revient au groupe de travail de répondre à la question suivante : la garde nationale est-elle l’autre nom d’une réserve renouvelée et renforcée ? Ou bien correspond-elle à un concept nouveau qu’il faut habiller entièrement ?
Une chose est certaine : l’objectif réitéré de l’Etat est de passer d’une réserve militaire de 28000 à 40000 personnes. Cette ambition suppose un engagement financier important qu’il faut évaluer. Mais il y a une volonté politique forte.
Quelles seraient les missions de cette garde nationale ?
Tout le monde s’accorde sur le besoin d’une présence sur l’ensemble du territoire, y compris là où il n’y a plus de militaires. Les missions restent à définir mais pourraient consister à participer à l’effort de sécurisation face aux menaces terroriste, aux catastrophes naturelles ou aux risques de trouble grave. Il s’agira d’une force composée de soldats citoyens, en quelque sorte.
Au-delà des missions, il nous faut nous pencher sur les modalités d’engagement et sur les relations avec l’employeur. Bon nombre d’entre eux sont aujourd’hui des » clandestins » et participent à leurs réserves sans en avertir leurs employeurs et sur le temps de vacances.
Quel est le calendrier du groupe de travail ?
Nous avons commencé un cycle d’auditions. D’ores et déjà, nous avons entendu Jean-Claude Mallet du cabinet du ministre de la Défense, ainsi que le chef d’Etat-major des armées, le Général Pierre de Villiers. D’autres experts sont attendus.
Nous nous appuierons également sur le rapport d’information réalisé en 2010 par les sénateurs Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam et consacré à la réserve de sécurité nationale.
Nous remettrons notre rapport, assorti de propositions, avant la fin du mois de juillet.