En visite en Amérique centrale dans le cadre d’une mission du groupe d’amitié Amérique centrale du Sénat -auquel j’appartiens depuis mon entrée au Sénat, je tenais absolument à me rendre au Nicaragua , mais les contraintes de ce déplacement ne m’ont permis de m’échapper qu’une seule journée, le 14 avril, avec un départ à 4 heures du matin de mon hôtel au Costa-Rica pour m’envoler de Managua en fin d’après-midi pour rejoindre mes collègues au Salvador.
Ce fut donc une journée courte et dense. Accueillie à l’aéroport de Managua par notre Ambassadeur Frédéric Basaguren, nous avons pu faire un premier tour d’horizon des enjeux de notre présence dans le pays, au regard d’une situation politique particulièrement complexe. Puis ce fut à l’Ambassade des rencontres avec l’ensemble de notre personnel diplomatique et consulaire pour évoquer notamment les conséquences du projet de suppression du Consulat et de déménagement de l’ambassade, surdimensionnée au regard de ce projet de fermeture.
J’ai également pu visiter Les deux institutions phares pour notre coopération culturelle que sont la très belle Alliance française de Managua, remarquablement dirigée avec ses deux annexes à Léon et Granada, par Juan Francisco Bonil et où étudient près de 2 000 élèves, avec un rôle de centre culturel européen et le Lycée franco-nicaraguayen Victor Hugo, qui, sous la direction de Philippe Severac, scolarise près de 300 élèves.
Un déjeuner de travail m’a ensuite permis d’échanger longuement avec les représentants de la communauté française (notamment la Conseillère consulaire Malika Rabia, plusieurs Conseillers du commerce extérieur dont José Solórzano et Pascal Picot, venu de Granada pour l’occasion et des membres de l’UFE et de l’ADFE.
Notre pays a longtemps bénéficié au Nicaragua d’une excellente image, personne n’ayant par exemple oublié la venue du Président Chirac à Managua en 1998 pour montrer son soutien après le cyclone Mitch. Malheureusement les relations se sont tendues récemment et le Président Daniel Ortega, qui avait déjà critiqué notre intervention au Mali, a indiqué dans un discours à Caracas le 5 mars que son pays ne ratifierait pas l’accord de Paris sur le climat.
Sur le plan économique, nos échanges bilatéraux sont modestes, bien qu’en augmentation. Nous sommes devancés par l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie. Aucune entreprise française n’est actuellement implantée au Nicaragua, même si quelques unes disposent de bureaux de représentation à Managua (Alcatel, Air France, l’Oréal, Peugeot, Renault, Sanofi). Il faut dire que le Nicaragua est la plus petite économie d’Amérique centrale après le Belize, avec un marché intérieur de seulement 6 millions d’habitants et un taux de pauvreté élevé (42% de la population). La faiblesse des infrastructures, le manque de formation de la main d’œuvre et une corruption endémique limitent aussi l’attrait du pays pour les investisseurs étrangers. Néanmoins, le Nicaragua bénéficie d’une croissance économique à la hausse depuis 2010, d’une fiscalité attrayante pour les entreprises et d’un bon soutien des bailleurs internationaux et du FMI. Les changements de politique publique en faveur de l’attraction de flux d’investissement privés dans les domaines des énergies renouvelables (éolien, géothermie, production d’électricité à partir de la biomasse) peuvent constituer une opportunité pour nos entreprises. Ce pays est, avec le Costa-Rica, le plus sûr d’Amérique centrale et nous avons une excellente dans le domaine humanitaire et dans celui de la sécurité intérieure (lutte contre la criminalité organisée et le trafic de drogue).
Une Chambre de commerce franco-nicaraguayenne s’est ainsi créée l’an dernier, sous la présidence de José Solorzano et avec le soutien de celle du Costa-Rica. Elle compte aujourd’hui 27 membres, essentiellement dans les secteurs du tourisme et de l’agroalimentaire (cacao, café, fruits).
Il y a en effet dans ce pays un grand potentiel de développement de nos relations culturelles et économiques, notamment dans le domaine touristique. J’ai ainsi eu le plaisir d’informer mes interlocuteurs de l’annonce officielle à San José le même jour de l’ouverture prochaine d’une ligne directe d’Air France Paris-San José qui pourrait avoir des retombées intéressantes dés lors que les tensions entre le Nicaragua et le Costa Rica se seront apaisées.
L’enjeu principal pour les 750 Français enregistrés au registre consulaire et pour les Nicaraguayens susceptibles de se rendre en France est le projet de réduction du format de notre ambassade, prévu pour 2017, avec le transfert de sa section consulaire au Costa Rica… pays avec lequel le Nicaragua entretient des relations diplomatiques tendues, notamment du fait d’un différend frontalier autour du Rio San Juan, porté devant l’OEA puis la Cour internationale de justice, qui a émis des mesures conservatoires en mars 2011, dans l’attente d’un jugement sur le fond. Cela obligerait ainsi les Nicaraguayiens désirant se rendre en France et ayant besoin pour cela d’un visa, d’aller le demander au Costa-Rica, pays où ils ne peuvent se rendre sans visa… Outre l’absurdité de cette situation, ce transfert de la section consulaire pénaliserait lourdement nos compatriotes, et limiterait tout essor de nos relations bilatérales, alors même qu’un réel potentiel existe. Si ce transfert est confirmé, il conviendra alors au minimum d’ouvrir des agences consulaires et de nommer des consuls honoraires à Granada et Lèon, tout en allégeant les procédures administratives…