C’est avec surprise que j’ai découvert que j’aurais voté en faveur d’un amendement supprimant l’interdiction du recours aux néonicotinoïdes, une substance encore très largement utilisée dans l’agriculture conventionnelle, hautement toxique pour les abeilles – qui tendent hélas à disparaître de nos territoires – mais aussi pour les invertébrés aquatiques et les oiseaux.
Je suis de longue date convaincue de la dangerosité de ce produit pour la biodiversité et la santé humaine et de la nécessité de l’interdire au plus vite, comme en atteste ma cosignature il y a plusieurs mois de l’amendement de mon collègue Républicain François Grosdidier.
Retenue par une réunion importante, je ne pouvais être en séance au moment du vote, le 12 mai, mais avais pris soin de donner mes instructions de vote au secrétariat de mon groupe politique au Sénat. J’avais d’ailleurs aussi annoncé ma position sur les réseaux sociaux. Suite à une erreur, cette consigne n’a pas été prise en compte sur le moment. J’ai néanmoins pu faire rectifier l’enregistrement de mon vote selon les règles en vigueur, à la fois lors de l’ouverture de la première séance suivant le vote du texte, mardi à 14h30 et par inscription au Journal Officiel.
Contrairement à l’information mensongère qui circule aujourd’hui sur les réseaux sociaux, je ne suis donc pas « en faveur des néonicotinoïdes », bien au contraire…
Pour rentrer plus précisément dans le détail du débat parlementaire : l’adoption d’un amendement a conduit à supprimer l’obligation, votée à l’Assemblée nationale, qu’un arrêté précise dans les 3 mois suivant la promulgation de la loi le périmètre d’une interdiction partielle des néonicotinoïdes suivant l’avis de l’ANSES et en tenant compte des substituts disponibles. L’adoption d’un sous-amendement a, quant à elle, supprimé de la loi la mention selon laquelle « au plus tard le 1er juillet 2020, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes est interdite. » Ce qui reste dans la loi, après ce rabotage, est :
– la réalisation par l’ANSES, d’ici le 31 décembre 2016 d’un bilan bénéfice-risque des usages des néonicotinoïdes par rapport aux produits de substitution ou aux méthodes disponibles.
– l’interdiction par l’ANSES, d’ici le 1er juillet 2018, des néonicotinoïdes pour lesquels le bilan bénéfice-risque par rapport aux substituts existants serait négatifs
– la réalisation à compté du 1er juillet 2018 d’un bilan bénéfice-rique sur les néonicotinoïdes restant autorisés lors de la sortie de nouveaux produits ou méthodes de substitution, assortie d’une potentielle interdiction sous 4 mois en cas de bilan défavorable pour les néonicotinoïdes.
Ce débat illustre deux écueils récurrents du travail parlementaire :
- Se réfugier derrière « Bruxelles » pour ne pas assumer ses positions. Trop souvent est avancé l’argument de la nécessité de subordonner l’évolution de la législation nationale à des changements du droit communautaire. Dans un grand nombre de cas, c’est un prétexte. Fervente militante de la construction européenne, ce type de processus m’est insupportable. Car à force d’invoquer l’Europe pour justifier nos lâchetés, on attise l’euroscepticisme. En l’occurrence, s’agissant des néonicotinoïdes, la France pouvait, à mon sens, les interdire sur son sol sans enfreindre le droit communautaire.
- Se défausser de ses responsabilités et rendre opaque le processus de décision en laissant le soin à des « agences » (dans le cas des néonicotinoïdes, l’ANSES) une marge décisionnaire extrêmement vaste et mal définie. Dans le cas des néonicotinoïdes, conditionner l’interdiction à l’existence de substituts des reconnus par l’ANSES comme plus favorable à l’environnement revient à repousser aux calendes grecques toute réelle interdiction. Si la dangerosité des néonicotinoïdes est avérée (et personne, dans le débat, ne l’a contesté) c’est au législateur, me semble-t-il de donner l’impulsion pour que l’industrie accélère le développement de substituts.