Le projet de loi République numérique a été adopté au Sénat ce 2 mai, avant de passer devant le vote solennel ce 3 mai à 16h. Plusieurs éléments de cette législation, passablement rejetée par le secteur de l’édition, ont été évoqués dans nos colonnes. Sans oublier que le projet de loi doit revenir à l’Assemblée nationale, qui l’avait adopté le 26 janvier dernier. Un point a été porté par les sénateurs, au profit des lecteurs situés hors de la Métropole.
Une quinzaine de sénateurs a pris fait et cause pour les consommateurs, alors que la question de la territorialité et de la géolocalisation revient régulièrement. Joëlle Garriaud-Maylam avait déjà pointé le problème dans une simple question : « Les Français de l’étranger seraient-ils en dehors de la “République numérique” ? C’est en tout cas l’impression qui ressort de la lecture du projet de loi. »
La sénatrice avait proposé l’introduction d’un article additionnel au 40 AA, comme une solution pour « faciliter l’accès depuis l’étranger, par Internet, aux rediffusions des programmes de la télévision publique française, ou pour résoudre les difficultés d’achat de livres numériques hors de France ».
Ses propositions sont tombées durant la discussion, au profit d’un amendement, qu’elle soutenait par ailleurs, et qui a été adopté. Ce dernier vise à la modification de la loi sur le prix unique du livre numérique, et repose sur le même constat.
« La plupart des éditeurs diffusant des livres numériques refusent les achats passés depuis une adresse IP géolocalisée à l’étranger ou ne permettent le paiement qu’avec une carte bancaire française, empêchant de facto les francophones et Français établis à l’étranger d’acquérir des œuvres littéraires françaises sur support numérique.
Alors que la numérisation des œuvres constitue une formidable opportunité de diffusion de notre patrimoine culturel hors de nos frontières, ces freins commerciaux pénalisent non seulement les consommateurs français à l’étranger, mais aussi notre commerce extérieur et la francophonie. »
L’idée de l’amendement était d’ajouter les mots « ou hors de France » à l’article 3 de la loi du 26 mai 2011, relative au prix du livre numérique. Et d’ajouter un alinéa sans appel : « Les professionnels commercialisant des livres numériques ne peuvent ni exiger de leurs acheteurs qu’ils règlent avec une carte bancaire française, ni limiter la possibilité d’achat aux clients dont l’adresse IP est située en France. »
Selon les sénateurs.trices qui signaient l’amendement et dont Joëlle Garriaud-Maylam était l’auteure, ce dernier allait « [p]ermettre aux acheteurs situés à l’étranger d’acheter des livres numériques sur les plateformes françaises ».
Pour mémoire, le projet République numérique répond à un triple objectif :
– favoriser l’ouverture et la circulation des données et du savoir, en particulier des données publiques ;
– assurer l’accès de tous, y compris des personnes handicapées et des personnes les plus démunies, au numérique et à ses nouveaux usages.En séance, le sénateur Leconte a été jusqu’à expliquer sa position favorable à l’amendement, par une preuve presque incroyable : « Puis-je vous faire part de ma propre expérience ? Comme je ne pouvais rien acheter à l’étranger avec ma carte bancaire française, j’ai appris à pirater… Eh oui ! Est-ce ainsi que l’on défendra la francophonie ? »
Et d’ajouter : « La géolocalisation est facile à contourner, tout de même. » Un grand bravo à l’inventeur du proxy, donc.