Le Sénat a débattu en séance publique du rapport sur la traite des êtres humains dont j’ai été l’un des co-rapporteurs. Loin de n’être qu’une sombre page de notre histoire, la traite des êtres humains concerne aujourd’hui 22 millions de victimes à travers le monde, dont 70% de femmes et jeunes filles, et « pèse » chaque année 32 milliards de dollars dans le monde, dont 3 milliards d’euros en Europe.
J’ai souligné dans mon intervention la grande porosité entre les phénomènes de trafics de migrants et de traite. D’un point de vue formel, les juristes distinguent clairement les deux notions, soulignant que dans un cas le migrant paye son passeur et entre donc, dans une certaine mesure, de plein gré, dans un réseau illicite, alors que dans le cas de la traite les victimes sont déplacées et exploitées contre leur gré ou à leur insu. Mais sur le terrain, tout montre les liens étroits entre ces phénomènes.
Les guerres et déstabilisation d’États en Érythrée, Irak, Libye, Soudan et Syrie ont nettement aggravé les phénomènes de trafics d’êtres humains et de traite. Il y a donc un énorme enjeu en termes de politique étrangère… la question de la traite ne pourra être résolue en s’en tenant à un traitement sur le mode des bonnes intentions et de la victimisation.
Le cadre juridique européen et international peut encore être amélioré, mais les véritables enjeux résident d’une dans la coopération internationale policière et de renseignement et d’autre part dans l’assistance technique apportée aux pays de départ et de transit, en particulier à travers l’aide publique au développement. Sans s’appuyer sur ces deux piliers, la lutte contre la traite demeurera un tonneau des danaïdes…
La pauvreté, l’instabilité politique et l’inégalité entre les sexes sont des facteurs favorisant la traite. Réciproquement, la traite est une ressource pour les mafias et un facteur de déstructuration des sociétés, aux conséquences humanitaires mais aussi économiques, politiques et sécuritaires. Comme le terrorisme, la traite est la négation des valeurs humaines fondamentales. Notre monde a besoin de toute urgence de rétablir ces valeurs.
→ Lire le compte-rendu de mon intervention
→ Consulter le rapport dont je suis co-auteur
→ Voir ma récente tribune dans le Huffington Post et celle que j’avais publiée dans La Croix en 2010