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24 mars 2011 : Régime matrimonial ( texte déposé au sénat - première lecture )

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N° 372

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 mars 2011

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l'accord entre la République française et la République fédérale d'Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts,

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre

Par M. Alain JUPPÉ,

ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes

(Envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les mariages entre nationaux de pays différents ne sont plus chose rare aujourd'hui. En France, 14,59 % des mariages célébrés en 2006 concernaient des couples mixtes et les mariages franco-allemands ont représenté, en 2003, 2 % des mariages binationaux célébrés. En Allemagne, près de 13 % des mariages célébrés (en 2006) et des divorces prononcés (en 2005) concernaient des époux de nationalités différentes.

Actuellement un couple franco-allemand peut choisir un régime matrimonial prévu par le droit de l'un ou l'autre pays.

Le droit français connaît trois types de régimes matrimoniaux : la communauté (réduite aux acquêts, de meubles et acquêts, universelle), la participation aux acquêts et la séparation de biens. En France, le régime légal est celui de la communauté réduite aux acquêts. Les autres régimes ne s'appliquent que lorsque les époux en sont convenus par un contrat de mariage.

Le droit allemand connaît également trois régimes matrimoniaux : la participation aux acquêts, la séparation de biens et la communauté. Le régime de la participation aux acquêts est le régime légal.

Les différences importantes entre ces régimes, notamment entre les deux régimes légaux, génèrent de nombreuses difficultés pour les couples franco-allemands.

Face à cette situation, il est apparu opportun de créer, par le biais d'un accord bilatéral, un régime optionnel supplémentaire, inspiré des régimes de la participation aux acquêts existants dans chacun des deux pays, qui fonctionne selon des règles simples et modernisées, identiques en France et en Allemagne.

Après deux années de négociations, l'accord a été signé à Paris le 4 février 2010, par les ministres de la justice français et allemand.

Cet accord représente une avancée juridique majeure pour les couples, en leur permettant d'adopter un régime matrimonial qui se compose, fonctionne et se liquide selon des règles communes afin de permettre une plus grande sécurité juridique en France et en Allemagne.

L'accord est structuré en sept chapitres réunissant vingt-trois articles.

L'article 1er de cet accord détermine son champ d'application. Il prévoit que le régime matrimonial de la participation aux acquêts est ouvert à tous les époux qui peuvent choisir le régime matrimonial d'un État contractant, même en l'absence d'élément d'extranéité. Ainsi, ce régime optionnel peut être choisi par des époux dont le régime matrimonial relève de la loi française ou de la loi allemande en application des règles de droit international privé, même de celles d'un État tiers. Il peut donc être choisi par deux Allemands vivant en France ou par deux Français vivant en Allemagne, mais aussi par deux Allemands vivant en Allemagne ou par deux Français vivant en France.

L'article 2 définit la participation aux acquêts.

L'article 3 précise les modalités d'adoption du régime matrimonial commun : le choix doit résulter d'un contrat de mariage, établi avant ou après le mariage, qui ne prendra effet au plus tôt à la date de célébration. Cet article prévoit en outre que les parties peuvent déroger conventionnellement aux règles relatives à la détermination de la créance de participation à la dissolution du régime, contenues dans le chapitre V.

L'article 4 pose le principe de la libre disposition, gestion et jouissance de son patrimoine par chacun des époux.

Les articles 5 et 6 fixent les restrictions au pouvoir de disposition de chacun des époux. L'article 5 prévoit que les époux ne peuvent disposer l'un sans l'autre des objets du ménage ou des droits par lesquels est assuré le logement de la famille. Il prévoit en outre que si l'autre époux n'est pas en mesure de faire connaître un tel consentement, notamment parce que son état de santé ne le lui permet pas, ou s'il refuse de donner son consentement sans que la situation de la famille ne justifie son refus, le juge peut autoriser l'époux à passer seul les actes visés au paragraphe 1er. La nature des actes qui, bien que conclus par un seul des époux, entraîne des effets pour l'autre époux est précisée à l'article 6. Ainsi, les dettes issues d'un contrat conclu par un époux et qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants engagent solidairement l'autre époux, sauf si elles présentent un caractère manifestement excessif ou que le tiers contractant avait ou aurait dû avoir connaissance de ce caractère manifestement excessif.

Il convient de préciser qu'en France, les époux seront en outre soumis aux règles du régime primaire français, qui sont d'application territoriale et auxquelles le régime commun n'entend pas se substituer. Ainsi, en France, la nullité des actes de disposition précités devra donc être demandée en justice, conformément au troisième alinéa de l'article 215 du code civil. De même, l'article 219 du code civil sera applicable aux époux mariés sous le régime optionnel commun. En revanche, les époux qui auront choisi le régime matrimonial commun seront exclusivement soumis à la règle de solidarité entre époux prévu par le régime optionnel commun, qui est inspiré cependant de l'article 220 du code civil.

L'article 7 énonce les causes de dissolution du régime, qui sont : le décès ou la déclaration d'absence de l'un des époux, le changement de régime matrimonial, le jugement de divorce ou toute autre décision judiciaire définitive, emportant dissolution du régime matrimonial.

Les articles 8 à 14 énoncent les règles qui concourent à la détermination de la créance de participation à la dissolution du régime.

L'article 8 traite de la composition du patrimoine originaire en précisant les biens qui sont compris et ceux qui en sont exclus. Il pose ensuite une présomption d'exactitude de l'inventaire du patrimoine originaire établi dès la conclusion d'un contrat de mariage et signé par les deux époux, et une présomption de nullité de patrimoine à défaut d'inventaire.

L'article 9 précise les règles d'évaluation du patrimoine originaire qui s'appliquent tant aux biens qu'aux dettes. Les biens existants lors de l'entrée en vigueur du régime matrimonial sont évalués à la valeur qu'ils avaient à cette date. Les biens qui relèvent du patrimoine originaire mais qui auront été acquis plus tard (donations, successions, sommes versées en indemnisation d'un préjudice subi) sont évalués au jour de leur acquisition. Il en résulte que l'époux auquel n'appartient pas le bien participe aux augmentations de valeur de ces éléments de patrimoine même si ces augmentations interviennent sans sa contribution.

Les immeubles et droits réels immobiliers du patrimoine originaire, autres que l'usufruit et le droit d'usage et d'habitation sont évalués à la date de la dissolution du régime. Cela a pour conséquence d'exclure des acquêts les augmentations de valeur des biens immobiliers compris dans le patrimoine originaire, lorsqu'elles sont réalisées sans la contribution de l'un ou l'autre des époux.

Enfin, cet article préserve la valeur monétaire du patrimoine en prévoyant une indexation de ces valeurs à l'indice général des prix à la consommation de tous les États contractants.

L'article 10 traite de la composition du patrimoine final défini comme l'ensemble des biens détenus par un époux à la dissolution du régime sous déduction des dettes, y compris lorsque le solde est négatif. Il organise ensuite les conditions dans lesquelles doivent être ajoutées à la valeur de ce patrimoine, les diminutions d'actifs qui résultent de donations faites sans le consentement du conjoint, de cessions réalisées dans l'intention de léser l'autre époux ou de dissipations.

L'article 11 énonce les règles présidant à l'évaluation du patrimoine final : il retient la date de la dissolution du régime matrimonial pour l'ensemble des biens et des dettes et énonce des règles particulières sur la valorisation des biens fictivement réintégrés au patrimoine final.

L'article 12 détermine le droit à créance de participation et le régime de cette créance. Ainsi, l'époux qui a réalisé le moins d'acquêts pendant le régime peut faire valoir à l'encontre de l'autre une créance de participation, égale à la moitié de la différence entre les acquêts de chacun. Le règlement de la créance de participation s'effectue, par principe, en argent. Toutefois, le tribunal peut, sur demande de l'une ou l'autre des parties, ordonner, à l'effet de ce paiement, le transfert de biens du débiteur au créancier, si cela correspond au principe d'équité. Enfin, il dispose que la créance est, après la dissolution du régime, cessible entre vifs et transmissible à cause de mort.

L'article 13 fixe la date à laquelle sera déterminée la créance de participation dans les cas particuliers que sont le divorce ou toute décision judiciaire ordonnant la dissolution du régime matrimonial. Il prévoit à cet effet que la date pertinente sera celle du dépôt de la demande en justice.

L'article 14 pose une limite au montant de la créance de participation afin que nul ne soit contraint de céder à son conjoint plus de 50 % du patrimoine final effectivement disponible à la date de son évaluation. Cette limitation du montant de la créance de participation correspond à l'idée de base du droit de la participation aux acquêts, selon lequel les deux époux participent équitablement, chacun pour moitié, aux acquêts réalisés pendant le mariage. L'article prévoit en outre un mécanisme de relèvement du plafond dans le cas où l'époux débiteur a diminué son patrimoine de façon déloyale.

En application de l'article 15, la créance de participation se prescrit par trois ans à partir de la connaissance par l'époux de la dissolution du régime matrimonial.

L'article 16 organise l'obligation d'information qui pèse sur chaque époux d'informer l'autre de la composition et de la valeur de ses patrimoines originaire et final.

L'article 17 consacre la possibilité, d'une part, d'accorder des délais pour le paiement de la créance de participation aux acquêts dans certaines circonstances et, d'autre part, de demander que soient fournies des sûretés.

Les époux pourront demander la liquidation anticipée de la créance de participation lorsque celle-ci est mise en péril, ce en application de l'article 18.

Les articles 19 à 23 organisent les modalités d'entrée en vigueur, de ratification et d'adhésion ultérieure d'un ou plusieurs États de l'Union européenne.

Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord entre la République française et la République fédérale d'Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre la République française et la République fédérale d'Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

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Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord entre la République française et la République fédérale d'Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts, signé à Paris le 4 février 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 24 mars 2011

Signé : FRANÇOIS FILLON

Par le Premier ministre :

Le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes,

Signé : ALAIN JUPPÉ