Extrait de la séance du 23 juin 2011 :
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, le Conseil européen qui s’ouvre aujourd’hui devrait adopter un certain nombre de mesures de nature non seulement à aider la Grèce à faire face à la crise de sa dette souveraine – rappelons que le Parlement grec a adopté hier un plan de rigueur drastique –, mais aussi à éloigner le risque d’une crise grave, économique, financière et institutionnelle de l’ensemble des pays de la zone euro.
Il y a trois mois, le Conseil européen a décidé l’instauration, dès 2013, d’un mécanisme de stabilité doté de 500 milliards d’euros afin d’aider des pays européens endettés qui seraient dans l’incapacité de trouver des financements extérieurs à des conditions supportables.
Il a aussi décidé la création d’un pacte « euro plus » pour améliorer la convergence économique entre pays membres de la zone euro et associer à cette démarche d’autres États de l’Union européenne, hors zone euro.
Je voudrais à ce stade, mes chers collègues, comme l’ont fait la plupart des grands journaux européens, ainsi que nos compatriotes à travers le monde, saluer l’engagement courageux et décisif du Président de la République dans la défense de la zone euro.
Les deux décisions que je viens de rappeler ont montré la volonté des États européens d’aller plus loin dans l’intégration et la mise en œuvre d’une véritable politique économique commune, au point que certains, comme Jean-Claude Trichet, plaident aujourd’hui en faveur de la création d’un ministère des finances européen.
Un tel rapprochement des politiques nationales était d’ailleurs la raison d’être du pacte de stabilité et de croissance et des critères de convergence inscrits dans le traité de Maastricht. Face au non-respect de ces critères, il apparaît aujourd’hui indispensable d’adopter des mécanismes plus contraignants.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer la position que la France entend défendre pendant les deux journées décisives du Conseil européen en termes de gouvernance économique européenne ? Comment éviter le défaut de la Grèce ? Comment, aussi, mieux accorder l’indispensable lutte contre les déficits publics et l’endettement avec la relance en cours de notre économie ?
Au-delà des considérables enjeux économiques et financiers, il y va de l’avenir de l’Europe politique.
Renforcer l’adhésion de nos concitoyens à la construction européenne est indispensable, à l’heure où de nouveaux sacrifices sont demandés à tous, que ce soit sur le plan fiscal ou par l’adoption de plans d’austérité. (Manifestations renouvelées d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Or le terrain médiatique est plus que jamais occupé par les critiques de la monnaie unique, qui se complaisent à désigner la construction européenne comme l’unique responsable des maux actuels.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des affaires européennes.
M. Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Comme vous l’avez rappelé, madame Garriaud-Maylam, l’Europe traverse sans doute une des plus graves crises et des plus grandes épreuves de son histoire. Cette crise est un véritable test pour la construction européenne.
Vous avez également souligné, et je vous en remercie, le rôle moteur de la France et du Président de la République afin que l’on apporte à cette crise une réponse de solidarité européenne.
Tout d’abord, sachez que nous ne laisserons pas tomber la Grèce. Lorsque l’euro est attaqué dans ce pays, c’est notre monnaie commune qui est attaquée. Il nous faut donc parer cette attaque par une défense commune.
Dans le même temps, vous l’avez dit, les Grecs doivent poursuivre leurs efforts. La crise grecque n’est pas due à l’euro, elle est imputable à la dette du pays. Faute de choix politiques courageux opérés à temps, la Grèce a laissé dériver progressivement ses déficits et sa dette.
François Baroin y a fait allusion, c’est une leçon pour tous les gouvernements d’Europe. Un gouvernement, une classe politique qui, faute de courage, se montrent incapables de faire des réformes au moment voulu, cela signifie au bout du compte une addition payée par le peuple, qui doit subir des ajustements beaucoup plus douloureux.
C’est donc une leçon pour l’ensemble de la classe politique. La France, par ses réformes, se protège d’un destin à la grecque.
Pour ce qui est de l’amélioration structurelle de l’euro, il ne s’agit pas seulement de mieux gérer les crises. Il s’agit aussi de renforcer notre monnaie commune, d’abord par un mécanisme de défense – ce sont les 500 milliards d’euros que vous avez évoqués –, ensuite par un système de détection des problèmes macroéconomiques, pour éviter d’avoir à gérer dans l’urgence des situations graves comme la dérive du profil macroéconomique de l’Irlande, enfin par l’émergence d’une notion de gouvernement économique qui n’a jusqu’à présent pas été utilisée.
De nombreuses voix avaient plaidé, s’élevant de toutes les travées de cet hémicycle, pour que nous puissions enfin poser la notion de gouvernement économique. Il ne saurait y avoir de monnaie commune sans une convergence des économies. C’est l’idée que la France a, progressivement, réussi à imposer, et c’est cette notion qui fait son chemin à l’occasion de la réunion du Conseil européen.
En tout état de cause, les crises sont des épreuves qui exigent des dirigeants politiques sang-froid et vision de l’intérêt général. La détermination du Président de la République est particulièrement précieuse en cette période. La réponse ne passe pas par moins d’Europe, elle passe par mieux d’Europe. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)