Mar 13 2023
Réforme des Retraites
Enfin celle-ci a été votée hier par le Sénat, après 100 heures et quinze jours dont deux week-ends de débats. Certes, aucun sénateur n’a participé à la totalité des débats (hormis la Présidente de la commission des affaires sociales Catherine Deroche, et ses rapporteurs généraux René-Paul Savary et Elisabeth Doineau auxquels il faut rendre hommage pour leur travail, leur assiduité et leur engagement) mais, même si nous nous sommes relayés afin d’assurer une présence solide, l’examen de ce projet de loi a été très pénible, le plus exaspérant et le plus frustrant pour moi en près de 20 ans de Sénat.
Imaginez une situation où tous les amendements que vous aimeriez proposer seraient irrecevables au titre de l’article 40 (un parlementaire ne peut demander à l’État d’engager des dépenses supplémentaires s’il ne trouve pas en parallèle une source de financement) où l’on vous demande de ne pas vous exprimer car l’on sait qu’« en face » les collègues ont pour mission de retarder au maximum l’examen du texte pour le faire échouer.
Alors oui, quelle frustration d’entendre que pour un même amendement (suppression d’un article) les dizaines de sénateurs présents en face vont s’exprimer tour à tour pour tous dire à peu près la même chose, à savoir évoquer une pénibilité du travail comparable à Germinal et aux mineurs du XIXe pour mieux faire pleurer dans les chaumières. Bien sûr certains sont sincères et croient ou finissent par croire en leur vision caricaturale.
Mais quelle frustration encore de constater les postures de tous ceux qui, par démagogie, l’œil rivé sur les sondages, parce que oui, les Français sont opposés en majorité à cette réforme (a-t-on vu un jour une majorité de nos compatriotes accepter de faire des sacrifices sans protester ?) affirment et crient haut et fort leur opposition à une réforme qu’ils savent pourtant indispensable à la survie du système et donc à l’avenir de leurs enfants.
Pour un Français de l’étranger, il est particulièrement exaspérant de se rendre compte que nos compatriotes ne regardent quasiment jamais au-delà de leurs frontières, ce qui serait pourtant riche d’enseignements pour eux. Ils se seraient ainsi vite rendu compte que nous sommes aux yeux du monde des enfants gâtés, comme avec nos 35 heures (mesure qui n’a évidemment jamais été imitée dans aucun autre État du monde) et avec une retraite voulue à 64 ans alors qu’elle est beaucoup plus élevée partout ailleurs (66 ans par exemple au Royaume-Uni – on parle même de la passer à 70 ans en 2040 – 67 ans au Danemark, en Allemagne, en Italie , aux Etats-Unis, en Australie et en Espagne avec une augmentation de l’âge de départ envisagée prochainement et des pensions souvent très nettement insuffisantes comme me le confiait encore aujourd’hui une amie australienne de Londres.
Des enfants gâtés mais aussi un peu égoïstes qui refusent d’admettre que l’équilibre démographique a changé, que notre système de retraite par répartition ne pourra tenir longtemps avec 1,5 actif pour soutenir un retraité, que la dette est devenue abyssale et qu’il nous faut donc en responsabilité choisir de faire des efforts dans l’intérêt de tous.
Alors bien sûr, je sais et comprends l’angoisse de beaucoup nos compatriotes face à une possibilité de chômage ou d’accident, une inflation et des coûts croissants. Je sais aussi que je fais partie des privilégiés qui n’ont jamais cessé de travailler et devraient a priori avoir une retraite correcte ; c’est donc avec beaucoup d’humilité, de questionnements, mais toujours avec le souci du meilleur pour notre pays et nos compatriotes que j’ai abordé ce dossier des retraites. Je crois profondément aux vertus de la solidarité, notamment envers les plus fragiles d’entre nous, et je crois en la nécessité de l’effort de tous pour permettre cette solidarité. Nous avons aussi de très gros efforts à fournir collectivement en matière de réduction des dépenses et des déficits publics, et de lutte contre les fraudes fiscales ou sociales. Je n’admets pas le laxisme généralisé face aux comportements asociaux de ceux qui profitent en permanence du système car tous pénalisent ainsi les honnêtes gens, ceux qui travaillent honorablement et n’imagineraient pas une seconde feindre une maladie ou un état dépressif pour bénéficier d’allocations confortables pendant des mois voire des années.
Tout – ou presque – est une question de responsabilité et de responsabilisation et je trouve que nous avons trop tendance, nous Français, à céder au laxisme et à la facilité. Il fallait donc voter cette réforme, ce que j’ai fait en mon âme et conscience, même si elle est imparfaite, même si je sais qu’elle sera largement insuffisante si, toutes générations confondues, nous ne nous prenons pas en main en réhabilitant le travail, le goût de l’effort et le sens des responsabilités chez les plus jeunes.
Cette réforme était une étape importante qui devait être franchie. Nous ne pouvons que nous réjouir qu’elle l’ait été.