Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), j’ai déposé une série d’amendements, cosignés par mes collègues Deromedi, Kammermann, Frassa et Cadic, visant à améliorer la future agence pour le recouvrement des pensions alimentaires, qui devrait être mise en place à partir de janvier 2017.
Si je salue cette création – ayant dès 2011 déposé une proposition de loi visant à créer une telle agence et défendu à nouveau cette idée, contre l’avis du gouvernement, lors des débats sur le projet de loi sur l’égalité entre femmes et hommes de 2013 – je déplore le manque d’ambition du dispositif proposé, et en particulier la non compétence de la future agence pour les Français de l’étranger.
Jusqu’ici le gouvernement avait, à défaut d’agir, au moins reconnu l’existence d’une difficulté spécifique pour le recouvrement des pensions alimentaires à l’international, difficulté étayée par Daphna Poznanski dans son rapport à l’AFE d’octobre 2015 – à l’occasion duquel j’avais été auditionnée par la commission des lois de l’AFE – et entérinée par le vote d’une résolution à l’unanimité. Le 21 janvier 2014, Najat Vallaud-Belkacem avait même, en séance publique à l’Assemblée nationale, en réponse à Frédéric Lefebvre, reconnu que « parmi tous les contentieux de pensions alimentaires, celui concernant des débiteurs défaillants à l’étranger est particulièrement complexe » et annoncé vouloir procéder par expérimentation et mettre progressivement en place en France « une CAF spécialisée dans le contentieux des débiteurs défaillants à l’étranger. » Elle indiquait même une échéance : début 2016.
A fin novembre 2016, rien n’a pourtant été mis en place s’agissant du recouvrement à l’international, la « GIPA » (garantie contre les impayés de pensions alimentaires) demeurant concentrée sur le territoire national. En réponse à mon interpellation, Laurence Rossignol, Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, a purement et simplement éludé le problème, affirmant que le droit en vigueur et les engagements internationaux et européens de la France suffisaient… Le cœur du dispositif actuel réside dans le fait que chaque État désigne une « autorité centrale » en charge de communiquer avec son homologue étrangère pour parvenir au recouvrement des créances. Pour la France, il s’agit d’un service du Ministère des Affaires étrangères. Malgré l’immense bonne volonté et le grand professionnalisme de ses agents, ce service n’est pas en mesure d’assurer un recouvrement rapide et efficace des créances : les parents se perdent dans les arcanes et délais d’un système kafkaïen de documents à traduire et de relances à effectuer. Une agence de recouvrement spécialisée permettrait, elle, d’être en lien rapide et permanent avec la multitude d’interlocuteurs impliqués et donc d’accélérer le processus et d’améliorer les chances de succès.
De nombreux pays ont mis en place avec succès une telle agence, permettant d’accroître leur taux de recouvrement, avec un impact positif à la fois pour les parents isolés percevant enfin la pension leur étant due et pour les finances publiques, l’État n’ayant plus à se substituer (partiellement) aux débiteurs défaillants. Quel dommage que la France mette autant de temps à instaurer une telle innovation qui, comme l’a souligné Laurence Rossignol en séance publique, « ne s’inscrit pas exactement dans les canons du droit administratif français ni dans les traditions de politiques publiques de notre pays. » Cette frilosité a hélas un coût humain et budgétaire bien réel !
Une note plus optimiste pour finir : de même que la gouvernement a mis 4 ans à se convertir à l’idée de créer une agence spécialisée dans le recouvrement des pensions alimentaires, peut-être les mentalités évolueront-elles dans le sens d’une meilleure prise en compte des besoins des Français à l’étranger ? Laurence Rossignol a ainsi convenu que certains de mes amendements procédaient d’une réelle volonté d’améliorer le système, qu’à ce stade elle en était encore à « mettre le système en place » mais que mes suggestions pourraient être examinées lors d’une étape ultérieure.