Question écrite n° 00633 adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé (JO du 20/07/2017) :
Mme Joëlle Garriaud-Maylam attire l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la nécessité de tenir compte de la forte méfiance d’une partie de la population française envers l’extension de l’obligation vaccinale de trois à onze vaccins, en privilégiant la transparence et la pédagogie dans la préparation et la mise en œuvre de la nouvelle politique vaccinale.
Elle regrette que la récente annonce de l’extension de l’obligation vaccinale ne s’appuie pas sur un consensus scientifique mais apparaisse comme un contournement de la décision du Conseil d’État quant à la nécessité de contraindre l’industrie pharmaceutique à remettre sur le marché un vaccin correspondant aux seules obligations vaccinales jusqu’à présent légales. Une telle approche, de même que l’apparente réticence à faire exister un débat véritablement transparent, ne peut que renforcer la méfiance de l’opinion publique, qui s’exprime déjà dans des pétitions au succès incontestable.
Elle souhaiterait savoir quels seraient aujourd’hui les obstacles médicaux et techniques à une remise sur le marché du simple vaccin trivalent diphtérie, tétanos et poliomyélite (DTP) qui n’est plus vendu en France depuis plusieurs années.
Si les premiers vaccins ont constitué un indéniable progrès en matière de santé publique, leur multiplication en France, plus importante que dans nombre de pays voisins à la situation sanitaire comparable, pose question. Alors que plusieurs scandales sanitaires ont soulevé la question des conflits d’intérêts dans le secteur médial, il est particulièrement important que toute évolution de la législation s’effectue dans un contexte de grande transparence. Elle demande que, lors de l’étude d’impact, en amont de la rédaction du projet de loi, les médecins et scientifiques hostiles à l’extension de l’obligation vaccinale ainsi que les associations spécialisées sur cette question soient écoutés au même titre que les défenseurs d’une telle extension. Elle appelle à ne pas éluder un véritable débat, dans l’intérêt de notre santé publique et des patients français.
Réponse de Mme la ministre des solidarités et de la santé (JO du 21/09/2017, page 2926) :
La ministre des solidarités et de la santé a pris la décision d’étendre de trois à onze vaccins l’obligation vaccinale pour la petite enfance à compter du 1er janvier 2018. Les huit vaccins qui sont aujourd’hui fortement recommandés concernent la lutte contre la coqueluche, le virus de l’hépatite B, la bactérie Haemophilus influenzae, le pneumocoque, le méningocoque C et les virus de la rougeole, des oreillons et de la rubéole.
Cette décision répond à une nécessité de santé publique. La France a des taux de couverture vaccinale meilleurs que les autres pays pour les vaccins obligatoires, mais ils sont en revanche très insuffisants pour la plupart des vaccins recommandés. Cette couverture vaccinale insuffisante est à l’origine d’épidémies, a conduit à la réémergence de certaines maladies et engendre des hospitalisations et des décès évitables. Avant la généralisation de la vaccination, durant la seconde moitié du XXème siècle, on déplorait annuellement 3 000 décès par diphtérie et 200 décès d’enfants par poliomyélite en France. Le tétanos entraînait environ 1 000 décès par an, on en compte aujourd’hui moins de cinq chaque année.
Depuis l’introduction de la vaccination, les infections invasives à Haemophilus influenzae de type B ont baissé de plus de 95 % alors que l’on observait près de 600 cas par an auparavant. Grâce à la vaccination contre les infections invasives à pneumocoque chez l’enfant depuis 2003, le nombre de ces infections, source d’hospitalisation et de complications, a été réduit de moitié. Grâce à l’immunité de groupe, on observe également une diminution de 40% de ces infections sévères chez l’adulte et les personnes âgées. Les infections invasives à méningocoque C peuvent provoquer de graves séquelles (notamment un retard mental) et sont parfois mortelles. Entre 2011 et 2015, 255 cas ont été déclarés chez des sujets âgés de 1 à 24 ans. Parmi eux, vingt-cinq sont décédés. Ces cas et ces décès auraient pu être évités par la vaccination.
Les couvertures vaccinales contre l’hépatite B sont insuffisantes en France (40 % chez l’adolescent, 60 % chez l’adulte). On estime que plus de 2 000 cas d’hépatite B sont survenus en France entre 2006 et 2013 chez des sujets non vaccinés. Outre les atteintes aigües parfois mortelles (14 hépatites fulminantes en 2016-2013 parmi les 408 survenues chez des sujets non vaccinés), ces infections peuvent exposer à des formes chroniques sévères (cirrhose, cancer du foie).
En ce qui concerne la rougeole, la couverture vaccinale est de 90 % alors que, tant qu’elle n’atteindra pas le niveau de 95 %, le risque de vagues épidémiques périodiques persistera. Entre 2008 et 2016, plus de 24 000 cas de rougeole ont été déclarés en France. Près de 1 500 cas ont présenté une pneumopathie grave, trente-quatre une complication neurologique et dix sont décédés. L’extension de l’obligation vaccinale permettra de répondre à ces enjeux majeurs de santé publique.
En pratique, l’extension à onze vaccins obligatoires représente dix injections pour les enfants, étalées sur deux ans. Au moins 70 % des enfants connaissent déjà ces dix injections sur deux ans et 80 % plus de huit injections. Tous les vaccins obligatoires seront pris en charge à 100 % : 65 % de leur prix est remboursé par l’assurance maladie, 35 % par les assurances complémentaires qui offrent un « contrat responsable ». Les patients n’auront pas de coût à leur charge.
Un rendez-vous annuel sera instauré pour faire l’état des lieux de la vaccination en France (progression de la couverture vaccinale, épidémiologie des maladies concernées, pharmacovigilance, nécessité de faire évoluer la liste des vaccins obligatoires…).
Si des oppositions se font entendre, il ressort des données scientifiques disponibles à ce jour, une sécurité des vaccins concernés, très répandus et utilisés depuis longtemps. Ainsi parmi les spécialités vaccinales indiquées chez les nourrissons de moins de 24 mois, aucune d’entre elles, n’a à l’heure actuelle, fait l’objet d’une préoccupation particulière confirmée en termes de sécurité d’emploi, tant à l’échelon national qu’international.
Enfin, l’obligation vaccinale est, en cas de manquement, prévue par le code la santé publique dont l’article L. 3116-4 du code de la santé publique précise que « le refus de se soumettre ou de soumettre ceux sur lesquels on exerce l’autorité parentale ou dont on assure la tutelle aux obligations de vaccination (…) sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. » Dans les faits, cette loi est très rarement appliquée.