Nov 13 2013

Des parlementaires mobilisés (L’Alsace)

L’affaire Gilberti a mis en lumière le travail de plusieurs députés et sénateurs sur le sujet des gardes d’enfants lors des divorces binationaux.

Lors de la validation du mandat d’arrêt européen, la sénatrice (UMP) des Français de l’étranger, Joëlle Garriaud-Maylam, s’est dite « choquée ». « C’est totalement disproportionné, on traite en criminel un père malheureux auquel l’accès de ses enfants est refusé », a-t-elle confié à L’Express. « Est-il légitime de mobiliser l’arsenal policier et juridique français, d’emprisonner un homme pour un impayé de pension alimentaire ? » , a-t-elle ajouté dans un communiqué intitulé « une justice familiale franco-allemande à deux vitesses ».

Dans une lettre adressée à la garde des Sceaux, la parlementaire a remis sur le tapis la question de l’emploi « abusif » des mandats d’arrêt européens et attiré l’attention de la chancellerie sur « l’urgence d’une négociation avec l’Allemagne au sujet des disparités de nos systèmes de justice familiale ».

Le député (PS) et spécialiste du droit international Pierre-Yves Le Borgn’ partage depuis longtemps son intérêt pour cette question, qu’il a déjà abordée auprès de « sept ministres ». Dans un billet publié peu avant son élection sur son blog, il dénonce sans détour des « enlèvements légaux d’enfants ».

« Sur quelque 50 000 mariages franco-allemands par an, un tiers s’achèvent par un divorce et des décisions de justice sur la garde des enfants du couple. En Allemagne intervient le Jugendamt (service de la protection de la jeunesse), dont l’action revient ni plus ni moins à défendre les intérêts du seul parent allemand », y explique-t-il.

Appel au dialogue

« On peut détenir un droit parental accordé par le juge allemand et le perdre si le Jugendamt passe à l’action, sans raison majeure, sur la seule base d’un soupçon alimenté par le parent allemand , ajoute-t-il. C’est ainsi qu’une mère ou un père se retrouve écarté de la vie de ses enfants, qu’il ou elle ne verra au mieux qu’à l’occasion de visites surveillées ! »

D’après cet article, « ce sont par milliers que de tels drames se comptent ». Contacté par téléphone depuis, le député déplore que les choses n’aient guère avancé depuis, en raison de la complexité du sujet, « qui touche à la séparation des pouvoirs, à la souveraineté des États et qui sont émotionnellement cruels » et peut-être d’une réserve liée au 50e anniversaire du traité de l’Élysée scellant l’amitié franco-allemande. « Je pense justement qu’au nom de cette amitié, on doit mettre sur la table ces choses-là, en s’abstenant de porter un jugement péremptoire sur l’organisation de l’autre, mais en se donnant la chance du dialogue pour arriver à résoudre des deux côtés ces drames et ces difficultés », poursuit-il en insistant sur la nécessaire réciprocité de l’exercice.

Ce dialogue pourrait se manifester par « des assises franco allemandes de la famille » , propose Pierre-Yves Le Borgn’. «Mettons chaque année dans une salle, tantôt en Allemagne, tantôt en France, les juges, les avocats, les notaires, les travailleurs sociaux, ceux que l’on rencontre au Jugendamt… »

Autre piste : celle d’une commission associant des parlementaires venus des deux côtés du Rhin, pour « une médiation sur les cas existants » et une réflexion sur « ce qu’il faut rapprocher de nos arsenaux législatifs respectifs afin de prévenir la survenance de drames identiques ».

D’après lui, les voix des élus qui soulèvent le problème commencent enfin à être entendues. L’an dernier, lors d’une visite à Berlin, le premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, avait « explicitement dit que des drames liés aux conflits d’autorité parentale devaient être résolus par les Français et les Allemands ensemble » , rapporte le député.

Plus récemment, lors de la remise de Lionel Gilberti aux autorités allemandes, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes (qui gère à ce titre la question des pensions alimentaires), a spontanément pris contact avec lui. « Elle m’a demandé de réfléchir avec son cabinet et je vais la voir prochainement ».