Oct 31 2012

Budget 2013 : la fin de la poudre aux yeux pour les Français de l’étranger. Où sont les « dérapages » ?

La commission des affaires étrangères du Sénat a auditionné hier Hélène Conway au sujet des crédits alloués aux services publics français à l’étranger (programme 151) : services d’état civil, éducation, protection sociale, aides sociales, représentation politique et institutionnelle, etc.

J’ai profité de cette occasion pour réitérer mon étonnement quant à la très sensible diminution de l’enveloppe consacrée à l’accès des élèves français aux établissements scolaires du réseau AEFE. A la suite de mon communiqué du 1er octobre dénonçant un renoncement aux promesses électorales de François Hollande, la ministre déléguée m’avait accusée de « dérapage ». Selon elle, le « report intégral » du budget de la PEC sur les bourses serait bien effectif … mais sur 3 ans ! Et elle ajoutait même : « Cette programmation sur trois ans, nous l’avions annoncée ». Je lui ai donc demandé où et quand ce « redéploiement » sur 3 ans avait été annoncé. Il ne l’était en effet  ni dans le programme des présidentielles et des législatives du PS, ni dans le discours de Hollande aux Français de l’étranger à Londres le 11 juillet où il déclamait «nous devons mettre en place à travers les économies que nous pourrons dégager, un mécanisme de bourses, meilleur qu’aujourd’hui pour qu’il n’y ait aucune inégalité. Les sommes qui seront économisées par l’abandon de la règle de la gratuité seront entièrement investies pour le mécanisme des bourses.», ni dans l’intervention de Jean-Marc Ayrault lorsqu’il avait reçu les parlementaires, ni lors des débats sur la suppression de la PEC, ni dans les réponses de Jérôme Cahuzac quand, avec quelques autres parlementaires, nous avions essayé d’obtenir des précisions sur le sujet (au Sénat le 27 juillet voir mon post à ce sujet), ni d’ailleurs dans les 2 discours d’Hélène Conway devant l’AFE. Elle m’a répondu que Laurent Fabius avait parlé de triennum dans son discours à l’AFE. Je le cite donc, puisque, apparemment, personne alors  n’avait compris qu’en disant « il est prévu que la dotation consacrée aux bourses scolaires progresse sur le triennum 2013-2015 en contrepartie de la suppression de la prise en charge. Ce redéploiement sera intégral » Laurent Fabius insinuait que les bourses ne progresseraient que parce que les fonds réservés à la Pec pour 2012 seraient divisés en 3. Quid aussi des fonds réservés à la PEC pour le dernier trimestre 2012 ? Il serait bon d’avoir une information précise à ce sujet..

La prise de position du Ministre des affaires étrangères n’est donc intervenue qu’en septembre. Il semble donc que le PS, après ses promesses électoralistes, ait à dessein entretenu le flou sur le devenir et l’argent de la PEC, y compris jusqu’au vote de la Loi de finances rectificative le 27 juillet (débats au Sénat consultables ici.) Ce n’est guère honnête, guère respectueux des élus et des Français de l’étranger. Moi c’est plutôt cela que j’appellerais « dérapage »..

Dans le PLF 2013, le financement de l’accès des élèves français à l’étranger diminue de 15,2 millions, indiquant qu’à peine plus de la moitié du budget de PEC (s’élevant à 31,9 millions pour l’année 2012) sera effectivement reportée sur les bourses. Comment peut-on faire croire à l’opinion publique que les 15,2 millions manquants seraient en quelque sorte mis de côté, dans une sorte de coffre fort réservé aux élèves français de l’étranger ? Ils ne sont pas une cagnotte dans laquelle l’on pourrait peu à peu piocher pour abonder l’enveloppe des bourses jusqu’en 2015, mais constituent bien une dotation budgétaire annuelle. Si la PEC n’avait pas été supprimée, son budget à horizon 2015 (donc pour les 3 prochaines années) n’aurait pas pesé seulement les 31,9 millions budgétés pour la seule année 2012, mais au minimum trois fois plus (et très certainement davantage encore). Ce concept de redéploiement sur 3 ans d’une dotation budgétaire annuelle est donc un véritable écran de fumée que le gouvernement tente d’établir pour masquer ses renoncements.

Concernant la gestion de ce budget des bourses, j’ai attiré l’attention de la ministre déléguée sur les nombreuses difficultés engendrées par le principe d’exclusion automatique de toute demande de bourse scolaire des détenteurs d’un patrimoine immobilier au-delà d’une certaine valeur. Ce critère me semble particulièrement périlleux car dans de très nombreuses situations des expatriés peuvent posséder un patrimoine immobilier sans pour autant connaître d’aisance financière au quotidien, mais comme moyen de préparer un retour en France, une retraite, ou l’entrée à l’université de leurs enfants. Ma conviction est qu’il faut éviter de construire une nouvelle usine à gaz et accorder aux commissions locales des bourses (CLB) un pouvoir d’appréciation plus significatif… à condition d’accroître les garanties quant à l’impartialité et la représentativité de ces CLB, et de renforcer les possibilités de recours auprès de la commission nationale des bourses.

Outre ce gros dossier de la scolarisation des jeunes Français de l’étranger, le budget 2013 recèle une autre surprise : il annonce des dépenses de fonctionnement de l’AFE en baisse de 9,7%. Pourtant en septembre, Laurent Fabius lui-même soulignait la nécessité d’une réforme de l’AFE « à coût constant »… La ministre a répondu que les indemnités des élus de l’AFE ne seraient pas touchées.. A suivre..

J’ai également souligné que si les crédits du pôle social restent stables (à l’exception de l’adoption internationale), ils sont très insuffisants, alors que de plus en plus de jeunes s’expatrient à la recherche d’un emploi –sans forcément le trouver – et que la croissance de la population française à l’étranger liée à l’augmentation du coût de la vie dans les pays de résidence et la crise internationale renforcent la pression sur les programmes concernés… Pourtant, dans son programme de campagne pour les Français de l’étranger, le PS annonçait vouloir à la fois « réformer la CFE »  « renforcer l’action sociale consulaire » et « augmenter le nombre de centre médico-sociaux » (p.33 du « projet des socialistes français à l’étranger)

Enfin, je remarque que l’ambition de « donner un nouveau souffle au réseau consulaire » développée pendant les campagnes présidentielle et législative se traduit dans le PLF 2013 par une diminution de 6,6% (-86 000 €) des dépenses de fonctionnement allouées aux consuls honoraires, alors que ceux-ci, bénévoles, croulent déjà sous une multitude de charges alourdies par la fermeture de consulats (voir mes post sur les consuls honoraires) et une diminution du budget des tournées consulaires (- 6,5%), tandis que semble se profiler un « resserrement » du réseau (c’est-à-dire de nouvelles fermetures de consulats…). Mais Madame Conway nous a affirmé qu’il n’en était pas question. A suivre là encore..

Vous aussi, amusez-vous à comparer :

–          Le budget 2013 pour la mission action extérieure de l’Etat

et

–          Le « projet des socialistes français à l’étranger »