Nov 27 2013

Budget de l’enseignement français à l’étranger : un plan d’austérité mal assumé

A l’heure où l’Agence pour l’Enseignement du Français à l’étranger (AEFE) prépare son plan d’orientation stratégique 2014-2017, le gouvernement peine à assumer les efforts budgétaires exigés du réseau des écoles françaises à l’étranger et s’ingénie à communiquer sur l’augmentation du nombre de boursiers… alors même que ne cesse de s’alourdir le fardeau financier pesant sur les familles, prises en tenaille entre la hausse des frais d’écolage et le stagnation – voire la baisse – des quotités de bourse.

Ainsi, la hausse de 8,5 M€ de l’enveloppe consacrée aux bourses scolaires sur le programme 151 (censée contribuer à rétablir, à horizon 3 ans, le budget consacré au titre de la « prise en charge » de la scolarité dans les lycées français à l’étranger, supprimé par François Hollande dès son arrivée au pouvoir) est, comme par hasard, corrélée à une baisse de 8,5 M€ du budget de fonctionnement alloué à l’AEFE au titre du programme 185. J’estime donc déplacé de communiquer sur un « redéploiement du budget de la PEC » alors qu’il semble s’agir en fait d’une ponction faite sur les crédits de fonctionnement de l’AEFE au profit des bourses.

Cette obligation accrue d’auto-financement, contraindra évidemment les établissements à augmenter les frais de scolarités et/ou à dégrader les conditions de travail des enseignants – au risque de nuire à la capacité de l’AEFE de recruter les excellents professeurs qui ont toujours fait sa force (avec même le danger, comme dans le cas du lycée franco-mexicain, que des établissements en arrivent à demander leur déconventionnement). Même en tenant compte de la contrainte budgétaire, des efforts devraient être menés pour améliorer le statut des personnels de l’AEFE et de la MLF, notamment en termes de sécurisation de leur carrière.

Plutôt que de s’auto-congratuler sur le fait que 40% des élèves boursiers reçoivent une bourse totale, le gouvernement devrait plutôt s’interroger sur les moyens de garantir l’accessibilité du réseau d’enseignement français à l’étranger, alors que 80% des élèves français n’ont aucune bourse, que 11% ont une bourse partielle (avec un « reste à charge » pour les familles pouvant atteindre des milliers d’euros) et 9% seulement une bourse totale. Lors de son audition, Hélène Conway, ne pouvant m’apporter les réponses que je demandais, a prétendu que je « confondais les données » et promis de me répondre précisément par écrit : j’attends toujours cette clarification. .

De même, l’AEFE me semble manquer d’outils de suivi et d’analyse concernant l’impact sur les familles de l’évolution du montant restant à leur charge : là où le gouvernement insiste sur l’absence de phénomène massif de déscolarisation (1939 élèves tout de même), je note surtout que plus de 60% des départs sont classés (« pour raison inexpliquée »…).

D’après les chiffres communiqués par l’AEFE suite à la CNB (Commission nationale des bourses), le nombre total de boursiers devrait repasser l’année prochaine en dessous de son niveau de 2012 : ils ne seraient que 23 157, contre 26 312 l’an dernier (et 24 732 lors de la dernière année d’existence de la PEC, alors que près de 8 000 lycéens étaient alors scolarisés gratuitement).

L’autonomie accrue des commissions locales des bourses s’avère bien périlleuse lorsqu’il s’agit de gérer la pénurie plutôt que de répondre aux besoins : l’allocation des bourses s’effectue en effet au sein d’une enveloppe prédéfinie que la commission locale ne peut nullement élargir. La sous-estimation des besoins par certains postes consulaires ou les imperfections de l’indice Mercer de parité de pouvoir d’achat ont abouti à de graves tensions dans certains pays.

La suppression de la PEC aura donc avant tout constitué une mesure d’austérité budgétaire… pour l’instant encore mal maîtrisée : le gouvernement devrait l’assumer au lieu de se parer des oripeaux de la justice sociale.

→ Voir mes interventions en commission des affaires étrangères, lors de l’audition d’Hélène Conway et de la présentation du rapport budgétaire