Oct 14 2010
Achat de drones américains
Question écrite n° 15463 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam (Français établis hors de France – UMP) publiée dans le JO Sénat du 14/10/2010
Mme Joëlle Garriaud-Maylam attire l’attention de M. le ministre de la défense sur la menace que pourrait constituer pour les industries françaises et pour la souveraineté technologique nationale l’achat de drones américains.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a placé la fonction « connaissance et anticipation » au premier rang des priorités stratégiques. Elle rappelle également que, dans ce contexte, le Livre blanc préconise de concentrer les efforts dans le domaine aérien sur les drones, aéronefs pilotés à distance, permettant de disposer des informations nécessaires à la prise de décision. Il s’agit là d’un des marchés les plus dynamiques en aéronautique (les achats de drones devraient passer de 4,9 milliards de dollars par an actuellement à 11,5 milliards en 2020).
Alors que l’éventualité de l’achat à l’américain Predator est évoquée, elle rappelle qu’un tel achat serait vu comme un échec pour l’industrie française et comme une forme de renoncement à l’indépendance nationale. Surtout, un tel achat constituerait un renoncement à l’indépendance stratégique de la France, s’agissant de la fonction « connaissance et anticipation » qui pourrait avoir des conséquences sur la capacité de la France à maîtriser les technologies de développement des drones, pourtant vitales pour notre pays.
Elle souhaiterait donc savoir ce que compte tenter le Gouvernement pour favoriser une solution française ou européenne, et pour rééquilibrer le rapport de force avec les Etats-Unis dont la domination est écrasante dans ce domaine (à eux seuls, les États-Unis représentent actuellement 60% des achats de drones mondiaux).
Elle souhaiterait aussi savoir quelle est la stratégie de la France pour maintenir nos capacités d’ingénierie dans les domaines d’excellence technologique, et pour renforcer l’autonomie européenne en matière d’armement.
Réponse du Ministère de la défense publiée dans le JO Sénat du 25/11/2010
Les systèmes de drones aériens s’inscrivent dans un ensemble global et cohérent de moyens mis en oeuvre pour répondre aux besoins des forces armées. Ces systèmes sont complémentaires dans leurs effets et dans leurs modes d’action. S’agissant des drones de surveillance et de reconnaissance, utilisés pour les missions de renseignement, la France a fait le choix d’investir dans trois segments : les drones de théâtre de moyenne altitude et longue endurance (MALE), qui sont employés prioritairement au niveau du commandement des opérations ; les drones tactiques, employés en appui direct des opérations aéroterrestres ou aéromaritimes pour des missions de reconnaissance et d’acquisition ; les minidrones, employés au profit des forces engagées au contact, qui sont capables de déceler et localiser en temps réel une présence ennemie ou une attitude hostile sur un axe ou des points précis. Les ressources destinées à assurer la satisfaction de nos besoins en drones tactiques et de type MALE ont été prévues dans la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense. Les forces armées françaises sont actuellement équipées du système intérimaire de drone MALE (SIDM-Harfang), élaboré par Cassidian (groupe EADS), du système de drone tactique intérimaire (SDTI), fourni par l’entreprise Sagem Défense Sécurité, du drone tactique CL 289, ainsi que du minidrone DRAC (« drone de reconnaissance au contact »), acquis également auprès d’EADS (avec en sous-traitance la PME française Survey Copter). Les systèmes SIDM-Harfang et SDTI ont été acquis, à l’origine, dans une logique transitoire, afin d’offrir une première capacité aux armées et de disposer ainsi d’une première expérience pour permettre de mieux spécifier les systèmes plus pérennes qui leur succéderont. Le ministère de la défense n’a pas arrêté à ce jour les modalités d’acquisition des futures capacités pérennes, tant pour ce qui concerne les drones MALE que les drones tactiques (projets SDT/SDAM). Tout en privilégiant pour la capacité MALE une solution française ou européenne, le ministère de la défense n’écarte pas a priori de recourir de façon intermédiaire à des drones immédiatement disponibles. C’est le sens des démarches en cours auprès du gouvernement américain pour examiner les transferts de technologie que les Américains seraient prêts à effectuer. Le budget de recherche et technologie (R&T) pour 2010 permet de poursuivre les travaux engagés. Pour les drones de surveillance et de reconnaissance, les briques technologiques critiques sont d’ores et déjà développées (insertion des drones dans la circulation aérienne générale, liaisons de données, appontage automatique…). La France a suscité de multiples coopérations sur ces thèmes. Concernant les drones de combat, plusieurs projets sont menés en coopération européenne, le plus important d’entre eux étant le démonstrateur technologique Neuron. D’autres coopérations ambitieuses sont en cours de négociation. Les priorités de R&T définies dans l’enveloppe de la LPM visent à la fois à construire des coopérations européennes fructueuses et à soutenir les compétences nationales en aéronautique de combat et dans les domaines sensibles comme celui des systèmes de mission.