République Démocratique du Congo
Ma toute première visite en RDC commence par une déception et une inquiétude. Le Premier Conseiller Philippe Righini m’informe que Madeleine Katende, l’élue des Français de la zone, en résidence à Kinshasa est terrassée par une crise de palu et ne peut nous rejoindre à l’aéroport, ni au dîner du soir à l’Ambassade où m’accueillent l’ambassadeur Pierre Jacquemot et son épouse. Elle ne pourra donc pas m’accompagner pendant mon programme, à l’élaboration duquel elle avait largement contribué, mais fera toujours l’effort de me rejoindre à différents moments importants de ma visite à Kinshasa, ce dont je lui suis bien sûr particulièrement reconnaissante.
Avec ses 71 millions d’habitants et un territoire quatre fois plus grand que la France, la RDC fait figure de géant en Afrique, dépassé seulement en taille par l’Algérie.
Mais le pays se trouve confronté à des enjeux majeurs. Le premier d’entre eux étant la pauvreté, avec une agriculture de subsistance qui permet à peine aux deux-tiers d’une population essentiellement rurale de survivre (moins de 200 dollars générés en PIB par travailleur, soit environ quatre fois moins qu’en Cote d’Ivoire et au Cameroun). Le second problème est un isolement largement dû au manque d’infrastructures routières et de transport. Pourtant le potentiel et les ressources sont considérables, avec un bassin hydrographique immense, de très grands lacs et le fleuve Congo, des richesses considérables en minerais (cuivre, diamants, en coltan , et une des plus vastes forets équatoriales du monde). Mais, comme dans beaucoup de pays africains, la gouvernance doit être renforcée, la RDC étant, selon plusieurs organisations internationales, un des pays les plus corrompus au monde.
Ancienne colonie belge, devenue Zaïre de 1971 à 1997, la RDC a traversé des crises dramatiques, la guerre ayant laissé près de 4 millions de morts ; République depuis 2001 elle a aujourd’hui à sa tête Joseph Kabila, élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans renouvelable et deux chambres, le Sénat (108 membres) et l’Assemblée nationale (500 membres). La Constitution de 2006, rédigée avec l’aide de la France (et d’amis universitaires) pose les bases d’une organisation appropriée avec notamment une décentralisation avec 25 provinces et la ville de Kinshasa, dotées de la personnalité juridique. Nos relations avec ce pays sont prometteuses, et les enjeux particulièrement importants.
Dès le lendemain de mon arrivée, j’ai eu le privilège de visiter une remarquable radio, émettant 24heures sur 24 tous les jours de la semaine, Radio OKAPI, du nom donné par les pygmées à ce mammifère sauvage, proche cousin de la girafe, qui, une fois adulte, pèse de 200 à 300 kilos, vit dans le Nord Est du Congo et a été « découvert » par un officier français en 1898.
Financée en partie par la France, Radio OKAPI est une radio onusienne, sous le contrôle de la MONUSCO (Mission des Nations Unies au Congo), forte de 17 000 hommes, déployée sur tout le territoire et installée en RDC à la suite des accords de Lusaka de 1999. Sa mission devait se terminer en 2009 mais a été prorogée jusqu’à une date encore indéterminée.
A l’Institut français de Kinshasa, où j’ai pu admirer une belle exposition de photos sur le thème des « frontières », je rencontre ensuite les responsables du projet franco-congolais « SESAM », projet pilote de très grande qualité en matière d’apprentissage du français pour les populations congolaises. Un programme très vivant, laissant une très large place à l’audiovisuel et à l’humour qui devrait selon moi être utilisé dans bien d’autres pays africains.
L’Institut français, Halle de la Gombe, jouxte le Lycée Français René Descartes accueillant 705 élèves cette année, ce qui entraîne un certain nombre de tensions et d’inquiétudes dont m’ont fait part les parents d’élèves, le proviseur et les enseignants. Beaucoup s’inquiètent en effet de la hausse des frais de scolarité et des conséquences du transfert de l’emphytéose du terrain du Lycée René Descartes (Halle de Gombe) à l’AEFE et à l’Ambassade de France, ce qui devrait pourtant entraîner une plus grande sécurité juridique, le terrain acquérant alors le statut d’établissement consulaire et des investissements plus nombreux, tout cela sans que la compétence des parents d’élèves ne soient remis en cause.
Ces préoccupations qui seront encore évoquées lors du déjeuner de travail organisé par l’Ambassadeur avec les responsables de l’ambassade et de la communauté française, avant que je ne reparte rencontrer les ONG qui font un formidable travail au service des enfants abandonnés, pratique hélas répandue dans ce pays où la misère oblige nombre de familles à se séparer de leurs enfants, livrés à eux-mêmes à la recherche d’un peu de travail, de nourriture pour tenter de survivre dans cette mégapole qu’est Kinshasa.
Je me suis également longuement entretenue avec des responsables d’ONG de défense des droits des femmes, telles que l’Association des femmes chefs d’entreprises ou le Cadre permanent de concertation des femmes congolaises (CAFCO), qui fédère les organisations féminines du pays, politiques ou issues de la Société civile, pour tenter de trouver des pistes d’aide à ce peuple.
Ma réunion avec Monsieur Christian Yoka directeur de l’AFD me redonne espoir : les priorités retenues sont l’éducation, la santé et l’environnement/forêts et, hors concentration, l’eau /assainissement et l’appui au secteur productif. Cette stratégie d’intervention est parfaitement en ligne avec les attentes du pays.
Le soir je participerai à l’Assemblée générale de l’UFE de Kinshasa, section particulièrement dynamique et à une très chaleureuse réception offerte par le président de l’UFE, Monsieur Samsi Dhanani dans leurs superbes locaux.
Congo-Brazzaville
Pour aller de Kinshasa à Brazzaville, les deux capitales les plus proches l’une de l’autre au monde, il suffit de traverser le fleuve Congo, deuxième fleuve du monde par sa taille, point d’entrée des premiers explorateurs européens. Mais un monde sépare les deux pays, entre un Congo-Kinshasa démesuré et d’une très grande pauvreté, et ce petit pays de 3.9 millions d’habitants, soit le nombre de morts des suites des guerres civiles chez son grand voisin, et avec un développement économique certain, basé essentiellement sur le pétrole. A Brazzaville, fondée en 1878 par le français Pierre Savorgnan de Brazza, capitale de l’Afrique Equatoriale française en 1885, puis capitale de la France libre, plane encore l’ombre et le souvenir de Charles de Gaulle. Surtout dans les jardins de cette « Case de Gaulle », construite en 1941 comme « case de passage pour hôtes de marque » aujourd’hui résidence de l’Ambassadeur où l’on s’attend presque, les nuits étoilées, à voir surgir, derrière tel ou tel bosquet, son altière silhouette.
Accueillie par la Première Conseillère Isabelle Edet, j’y retrouve Marlène Bach, élue ADFE de la circonscription en résidence à Brazza, pour une visite du Centre médico-social et une réunion avec le Docteur Bernadette Descamps qui le dirige. Puis ce sont des réunions avec les différents services de l’Ambassade et du Consulat, avec le COCAC Monsieur Dominique Richard, avec l’AFD et son directeur, Monsieur Patrick Dal Bello. En visitant, avec son directeur Dominique Richard, le magnifique et très fréquenté centre culturel André Malraux (construit en 1993 dans le Sud de la ville pour 6 millions d’Euros, seule salle de spectacle et bibliothèque dans tout Brazzaville et accueillant entre 700 et 800 personnes par jour) je me réjouis à nouveau de m’être battue contre l’appellation « Institut Victor Hugo » que voulait nous imposer Bernard Kouchner..
Le lendemain, j’ai le plaisir de visiter le lycée français Saint-Exupéry qui fête cette année ses 40 ans (471 élèves encadrés par le proviseur monsieur Gonzague Batteux) dans une atmosphère particulièrement festive, tout le lycée ayant décidé d’organiser une journée de mardi-gras avec concours de déguisements. Je fais partie du jury, mais ne pourrai couronner les gagnants, devant partir visiter l’école nationale à vocation régionale (ENVR) de génie-travaux , projet phare de la coopération militaire, mise en place par l’armée française en septembre 2010. Elle sera spécialisée dans les travaux publics et le bâtiment. À l’issue de leur formation, les officiers et sous-officiers formés pourront conduire des travaux au profit des armées ou des populations et être engagés dans des opérations de maintien de la paix sur le continent africain. Le centre de formation de Brazzaville sera la 16e école du réseau des « ENVR », initié en 1998 par la coopération française de sécurité et de défense en Afrique subsaharienne.