Déc 08 2004

Projet de loi de finances pour 2005

Dans un contexte de rigueur et de restrictions pour l’ensemble des ministères, le budget des affaires étrangères, que nous examinons aujourd’hui, est un budget sérieux et réaliste ; nous ne pouvons que l’approuver.

Toutefois, je ne cacherai pas une pointe de déception pour nous, Français de l’étranger, qui voulons une France forte et rayonnante. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Mais nous n’ignorons pas que cette ambition est aussi conditionnée par les moyens budgétaires que nous pouvons lui consacrer.

Certes, les crédits inscrits à l’action « Offre d’un service public de qualité aux Français de l’étranger » sont en légère hausse par rapport à 2004 : 1 million d’euros en plus. Mais, à l’intérieur de cette mission, le service public de l’enseignement à l’étranger voit ses crédits réduits : 324,7 millions d’euros en 2005 contre 332 millions d’euros l’année précédente.

On nous assure que cette réduction n’aura aucun impact sur le fonctionnement de nos établissements scolaires à l’étranger. Mais est-on bien sûr, monsieur le ministre, que les coûts d’écolage ne vont pas grimper malgré tout ? Cela se ferait au détriment des familles françaises, une grande majorité d’entre elles n’ayant pas accès aux bourses scolaires et éprouvant déjà beaucoup de difficultés à prendre en charge les frais d’écolage tels qu’ils existent actuellement.

Par ailleurs, nous regrettons toujours les insuffisances en matière d’investissement et l’absence d’une politique ambitieuse de recrutement et de rémunération des personnels en poste à l’étranger qui soit à la hauteur du travail à accomplir et de l’accroissement du nombre des expatriés dans beaucoup d’Etats de l’Union européenne.

Nous regrettons en particulier les suppressions de postes et les fermetures de consulats, alors que le statut bénévole des consuls honoraires des régions à forte densité de population française – je pense en particulier à la Grande-Bretagne et à ses 350 000 Français – ne correspond pas à leur charge de travail, qui est déjà considérable et qui ne cesse de s’alourdir du fait même de la politique de fermeture des consulats.

Je ne voudrais pas consacrer trop de mon court temps de parole aux répercussions économiques du conflit en Côte d’Ivoire pour nos expatriés, mes collègues en ont tous déjà beaucoup parlé. Mais, à la lumière de ces événements, il nous faut pourtant trouver des solutions afin de rassurer, en ce qui concerne les possibilités d’indemnisation en cas de retour forcé, ceux de nos compatriotes qui ont le courage de s’expatrier dans des pays difficiles.

Pendant des années, sans succès, nous avons demandé un fonds français de garantie. Heureusement – je vous en remercie, messieurs les ministres -, le Gouvernement a débloqué 8 millions d’euros pour les Français rapatriés de Côte d’Ivoire.

Il me semble que nous devons aujourd’hui nous tourner vers l’Europe pour que soit créé un fonds d’indemnisation destiné à ses ressortissants victimes de troubles politiques dans leur pays d’accueil hors Union européenne. En effet, la citoyenneté européenne ne se limite pas aux frontières de notre continent ; elle englobe nos nationaux, quel que soit leur pays de résidence.

Une assistance diplomatique et consulaire est prévue dans le chapitre consacré à la citoyenneté du traité sur l’Union européenne. La France, dont le pourcentage d’expatriés est l’un des plus faibles parmi les grands pays européens mais dont le réseau diplomatique et consulaire est l’un des plus importants au monde, offre l’essentiel de cette assistance, nous l’avons vu en Côte d’Ivoire. C’est aussi la France qui prend en charge la sécurité des ressortissants européens en cas de conflit, ce dont nous ne pouvons qu’être fiers et reconnaissants.

Toutefois, il semblerait normal que la charge d’un fonds d’assurance commun, d’un système d’assistance économique minimal pour les ressortissants les plus spoliés, puisse être assumée par l’Union européenne dans son ensemble. C’est une piste à ne pas négliger, surtout quand on sait que la Commission européenne souhaite faire vivre le concept de citoyenneté, dont la substance est considérée aujourd’hui comme relativement faible car elle a peu d’applications concrètes.

Monsieur le ministre, dans le prolongement de vos premières propositions de plan de coopération consulaire en matière de sécurité et protection des biens au Comité des représentants permanents des Etats membres auprès de l’Union européenne, le COREPER, ne pensez-vous pas qu’il serait à la fois opportun et urgent de demander aujourd’hui la création d’un fonds d’assistance ?

Puisque j’ai évoqué la citoyenneté européenne, je voudrais insister sur les droits et devoirs civiques des Français à l’étranger, sur une citoyenneté qu’ils n’ont, hélas ! que peu la possibilité d’exercer de manière pleine et entière.

Certes, ils disposent du droit de vote. Mais ce droit est obéré par de très nombreux facteurs, en particulier l’éloignement physique des centres de vote et la pratique du vote par procuration, qui a le défaut fondamental de ne pas respecter le principe du secret du droit de vote et qui présente de nombreux autres inconvénients, notamment la difficulté pour certains Français de l’étranger de trouver des mandataires en France.

Ce lien qu’institue le vote est pourtant fondamental, mais rien n’est fait pour l’encourager. Nous assistons même à une certaine régression. En effet, du fait de la régionalisation, les centres de vote à l’étranger ont été fermés pour le scrutin européen, privant ainsi les expatriés de toute possibilité de vote personnel à l’étranger sur un enjeu aussi important pour leur avenir.

Un progrès a été accompli avec l’utilisation d’Internet lors des élections des membres du Conseil supérieur des Français de l’étranger – devenu l’Assemblée des Français de l’étranger – dans la circonscription des Etats-Unis en 2003, suite à une proposition de plusieurs de mes collègues. Cette élection à l’AFE aura lieu au printemps 2006 pour la zone Europe Asie, et l’utilisation du vote électronique devrait se généraliser à tous les pays de la zone.

Pourtant, pas le moindre crédit n’a été inscrit dans le budget pour 2005 pour cette élection, alors qu’une préparation convenable de ce mode de scrutin a été estimée à 800 000 euros, dès cette année. Dans ces conditions, monsieur le ministre, sera-t-il possible, alors que la loi en fait obligation, d’organiser matériellement un vote électronique en 2006 ? Et pourrions-nous l’envisager – c’est ce que nous souhaitons, bien sûr – pour le prochain référendum sur le traité constitutionnel ?

Je regrette qu’aucun crédit n’ait été programmé non plus dans le budget pour 2005 pour l’information électorale spécifique des Français de l’étranger. Comme les années précédentes, cela ne manquera pas d’obérer sérieusement la participation de ces derniers. L’éparpillement géographique de nos communautés entraîne automatiquement un certain déficit d’information qu’il nous faut pourtant compenser par des campagnes d’incitation civique. Je pense en particulier au prochain référendum sur la Constitution européenne, dont nous ne saurions assez souligner l’importance.

L’absence d’information électorale à l’étranger semble également liée à l’absence, en France, d’un cadre juridique sur lequel pourrait s’appuyer le CSA pour organiser une telle campagne d’information civique. Si cela était bien le cas, il nous faudrait réfléchir à la mise en oeuvre d’une mesure législative adaptée.

Pour conclure, monsieur le ministre, connaissant votre attachement à la cause des Français de l’étranger, nous voterons votre budget pour 2005, parce qu’il permettra de poursuivre la politique définie par le Président de la République pour le renforcement de l’action extérieure de la France et pour son rayonnement dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)