Août 03 2005

Proposition de loi relative à la communication des collectivités territoriales

A l’heure où les collectivités territoriales consacrent des budgets de plus en plus importants pour leur communication, souvent pour promouvoir l’attractivité touristique de leur territoire ainsi que leurs réalisations, il devient nécessaire d’édicter certaines règles pour moraliser l’usage de cette communication institutionnelle.

En effet, le droit de la communication des collectivités territoriales n’existe dans notre corpus législatif que de manière embryonnaire. A ce titre, nous ne pourrions citer que quelques dispositions éparses, comme l’article L. 52-1 du code électoral qui interdit dans les six mois précédant une élection locale les campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité intéressée par le scrutin ou comme l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales qui permet de réserver un espace d’expression aux élus d’opposition au sein des bulletins d’information des communes de plus de 3.500 habitants.

En premier lieu, il convient d’étendre le principe constitutionnel de respect du pluralisme des opinions à toutes les formes de communication des collectivités territoriales et non plus aux seuls bulletins d’informations municipaux précédemment énoncés, d’une part, parce que cette disposition adoptée en 2002 a démontré son opportunité en matière d’information de nos concitoyens et, d’autre part, parce que cette disposition trop restrictive est devenue désuète face au développement des supports de communication.

En second lieu, il convient de prendre la mesure du nouvel usage politique qui peut être fait de ces moyens et de remédier à certains errements. Depuis quelques années, de nombreuses collectivités utilisent les interstices de la législation actuelle pour organiser une communication, parfois tapageuse et à sens unique, en faveur de leur programme ou de leurs réalisations, et ce, sans possibilité pour les oppositions de démontrer l’inexactitude de certains messages.

Plus grave encore, certaines de ces collectivités, mettant en oeuvre la doctrine de « l’opposition territoriale », utilisent leurs subsides qui proviennent pourtant des impôts locaux de nos concitoyens pour mener des campagnes de dénigrement de l’action du gouvernement sous couvert de mise en valeur de leur propre action. Ainsi, dans certains départements, des conseils généraux ont financé des campagnes d’affichage publicitaire sur des bus et des abris bus pour placarder des messages à l’adresse de nos concitoyens indiquant qu’ils se substituaient à l’État défaillant en revalorisant certaines prestations sociales.

Au-delà du caractère fallacieux de ces campagnes publicitaires qui suffirait à justifier notre volonté de moraliser la communication des collectivités territoriales, il est essentiel de prévoir un minimum de règles, d’une part, parce que les collectivités y consacrent des budgets de plus en plus conséquents et, d’autre part, parce que les supports de communication sont de plus en plus divers.

La proposition de loi qui vous est soumise a pour ambition de créer un cadre législatif à la communication des collectivités territoriales. Ainsi, il est proposé, pour chaque échelon de collectivités, de créer une division additionnelle relative à leur communication. De la sorte, en plus des différentes propositions qui seront énoncées ultérieurement, il existera dans le code général des collectivités territoriales une division pour chaque échelon de collectivités spécifiquement consacrée à la communication. Celle-ci, nécessairement embryonnaire aujourd’hui, pourra être étoffée au gré des réflexions du législateur et à l’aune des pratiques constatées localement.

Le texte est, en conséquence, composé de cinq articles, trois pour chaque échelon de collectivités (communes, départements et régions), un pour les groupements de communes, ainsi qu’un dernier article de coordination.

Chacun des quatre premiers articles développe les six dispositions suivantes.

Tout d’abord, deux articles sont consacrés au droit des minorités en matière de communication. Le premier article propose de déplacer dans cette disposition la disposition de l’article L. 2121-27-1 relative au droit d’expression des élus dans les bulletins d’information en la déclinant pour chaque échelon de collectivités. L’utilité de cette mesure n’est plus à démontrer et ce droit d’expression a été mis en oeuvre avec beaucoup de sagacité dans la plupart des communes. On peut d’ailleurs noter que le contentieux en la matière est pratiquement résiduel.

Le second article étend ce principe aux autres formes de communication, et plus particulièrement les espaces publicitaires (presse écrite, audiovisuelle ou affichage) afin d’étendre le principe constitutionnel du respect du pluralisme. L’ambition de cette mesure n’est nullement d’affaiblir la capacité de communication des collectivités ; l’application de cette mesure ne devra donc en aucun cas restreindre leurs marges d’action. C’est la raison pour laquelle, il est proposé de renvoyer au règlement intérieur de ces collectivités les modalités d’application du présent article. Celui-ci pourrait, par exemple, prévoir que, lorsque les groupes d’une assemblée délibérante sont d’accord, dans une campagne publicitaire tendant à la promotion d’un secteur très spécifique l’espace réservé à l’expression de la minorité pourrait ne pas être exploité afin de délivrer un message global et cohérent. Il faut, en la matière, faire confiance aux élus locaux pour définir des règles préservant l’efficacité de la communication dans le respect du pluralisme et de l’équité entre les parties.

Le troisième article a pour objet de limiter la publicité des collectivités territoriales aux seuls sujets relevant de leurs compétences, en interdisant toute autre forme de communication sur des sujets ne les impliquant pas directement comme, à l’instar de l’exemple précédemment exposé, un affichage partisan contre l’action du Gouvernement.

Le quatrième article reprend les dispositions de l’article L. 52-1 du code électoral interdisant les campagnes de promotion publicitaire des réalisations d’une collectivité dans les six mois précédant son renouvellement.

Enfin, les cinquième et sixième articles reprennent les dispositions adoptées par le Sénat en juin 2004 en matière de protection des noms des collectivités territoriales sur Internet et toujours en attente d’examen par l’Assemblée nationale.

Le dernier article de la présente proposition de loi procède à l’abrogation des dispositions devenues redondantes en raison de la création d’une division propre à la communication des collectivités territoriales.

La proposition de loi qui vous est proposée d’adopter soumet donc la création d’un cadre juridique à la communication des collectivités territoriales, première pierre d’un édifice qui ne manquera pas de s’enrichir à l’avenir en raison du développement exponentiel des nouvelles formes de communication.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

«CHAPITRE V

« COMMUNICATION

« Art. L. 2145-1. – Dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d’information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale. Les modalités d’application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur.

« Art. L. 2145-2. – Dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune recourt à l’achat d’espace publicitaire, sous quelque forme que ce soit, pour promouvoir les réalisations et la gestion du conseil municipal, une partie de cet espace est réservée à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale. Les modalités d’application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur.

« Art. L. 2145-3. – Une campagne de promotion des réalisations et de la gestion d’un conseil municipal par l’achat d’espace publicitaire, sous quelque forme que ce soit, ne peut contenir d’informations relevant de compétences qu’il n’exerce pas.

« Art. L. 2145-4. – A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé au renouvellement général des conseils municipaux, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une commune ne peut être organisée.

« Art. L. 2145-5. – Sauf autorisation du conseil municipal, le nom d’une commune, seul ou associé à des mots ou abréviations faisant référence aux institutions locales, peut uniquement être enregistré par cette commune comme nom de domaine sur les domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet, correspondant au territoire national.

« Les organismes chargés d’attribuer et de gérer ces noms de domaine veillent au respect par le demandeur du principe posé à l’alinéa précédent.

« La disposition prévue au premier alinéa ne fait pas obstacle au renouvellement des noms de domaine enregistrés avant l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à la communication des collectivités territoriales sous le domaine « .fr » par une société ayant une dénomination sociale identique au nom d’une commune et ayant déposé ce nom en tant que marque avant le 1er janvier 1985.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

« Art. L. 2145-6. – Le choix d’un nom de domaine, soit au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet, correspondant au territoire national, soit par une personne, physique ou morale, de nationalité française ou ayant son domicile, son siège social ou un établissement en France, ne peut porter atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une commune ou avoir pour objet ou pour effet d’induire une confusion avec son site Internet officiel. »

Article 2

Le livre Ier de la troisième partie du même code est complété par un titre V ainsi rédigé :

«TITRE V

« COMMUNICATION

« Art. L. 3151-1. – Lorsque le département diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d’information générale sur les réalisations et la gestion du conseil général, un espace est réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité du conseil. Les modalités d’application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur.

« Art. L. 3151-2. – Lorsque le département recourt à l’achat d’espace publicitaire, sous quelque forme que ce soit, pour promouvoir les réalisations et la gestion du conseil général, une partie de cet espace est réservée à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité du conseil. Les modalités d’application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur.

« Art. L. 3151-3. – Une campagne de promotion des réalisations et de la gestion d’un conseil général par l’achat d’espace publicitaire, sous quelque forme que ce soit, ne peut contenir d’informations relevant de compétences qu’il n’exerce pas.

« Art. L. 3151-4. – A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé au renouvellement général partiel des conseils généraux, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’un département ne peut être organisée.

« Art. L. 3151-5. – Sauf autorisation du conseil général, le nom d’un département, seul ou associé à des mots ou abréviations faisant référence aux institutions locales, peut uniquement être enregistré par ce département comme nom de domaine sur les domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet, correspondant au territoire national.

« Les organismes chargés d’attribuer et de gérer ces noms de domaine veillent au respect par le demandeur du principe posé à l’alinéa précédent.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

« Art. L. 3151-6. – Le choix d’un nom de domaine, soit au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet, correspondant au territoire national, soit par une personne, physique ou morale, de nationalité française ou ayant son domicile, son siège social ou un établissement en France, ne peut porter atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’un département ou avoir pour objet ou pour effet d’induire une confusion avec son site Internet officiel. »

Article 3

Le livre Ier de la quatrième partie du même code est complété par un titre VI ainsi rédigé :

«TITRE VI

« COMMUNICATION

« Art. L. 4161-1. – Lorsque la région diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d’information générale sur les réalisations et la gestion du conseil régional, un espace est réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité du conseil. Les modalités d’application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur.

« Art. L. 4161-2. – Lorsque la région recourt à l’achat d’espace publicitaire, sous quelque forme que ce soit, pour promouvoir les réalisations et la gestion du conseil régional, une partie de cet espace est réservée à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité du conseil. Les modalités d’application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur.

« Art. L. 4161-3. – Une campagne de promotion des réalisations et de la gestion d’un conseil régional par l’achat d’espace publicitaire, sous quelque forme que ce soit, ne peut contenir d’informations relevant de compétences qu’il n’exerce pas.

« Art. L. 4161-4. – A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé au renouvellement général des conseils régionaux, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une région ne peut être organisée.

« Art. L. 4161-5. – Sauf autorisation du conseil régional, le nom d’une région, seul ou associé à des mots ou abréviations faisant référence aux institutions locales, peut uniquement être enregistré par cette région comme nom de domaine sur les domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet, correspondant au territoire national.

« Les organismes chargés d’attribuer et de gérer ces noms de domaine veillent au respect par le demandeur du principe posé à l’alinéa précédent.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

« Art. L. 4161-6. – Le choix d’un nom de domaine, soit au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet, correspondant au territoire national, soit par une personne, physique ou morale, de nationalité française ou ayant son domicile, son siège social ou un établissement en France, ne peut porter atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une région ou avoir pour objet ou pour effet d’induire une confusion avec son site Internet officiel. »

Article 4

Il est inséré, après la section 9 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du même code une section 9 bis ainsi rédigée :

« SECTION 9 bis

« COMMUNICATION

« Art. L. 5211-55. – Lorsque le groupement de communes diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d’information générale sur les réalisations et la gestion de l’établissement public de coopération intercommunale, un espace est réservé à l’expression des délégués n’appartenant pas à la majorité de l’organe délibérant de l’établissement public. Les modalités d’application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur.

« Art. L. 5211-55-1. – Lorsque le groupement de communes recourt à l’achat d’espace publicitaire, sous quelque forme que ce soit, pour promouvoir les réalisations et la gestion de l’établissement public de coopération intercommunale, une partie de cet espace est réservée à l’expression des délégués n’appartenant pas à la majorité de l’organe délibérant de l’établissement public. Les modalités d’application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur.

« Art. L. 5211-55-2. – Une campagne de promotion des réalisations et de la gestion d’un établissement public de coopération intercommunale par l’achat d’espace publicitaire, sous quelque forme que ce soit, ne peut contenir d’informations relevant de compétences qu’il n’exerce pas.

« Art. L. 5211-55-3. – A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé au renouvellement général des conseils municipaux, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’un groupement de communes ne peut être organisée.

« Art. L. 5211-55-4. – Sauf autorisation de l’établissement public de coopération intercommunale, le nom d’un groupement de communes, seul ou associé à des mots ou abréviations faisant référence aux institutions locales, peut uniquement être enregistré par ce groupement comme nom de domaine sur les domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet, correspondant au territoire national.

« Les organismes chargés d’attribuer et de gérer ces noms de domaine veillent au respect par le demandeur du principe posé à l’alinéa précédent.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

« Art. L. 5211-55-5. – Le choix d’un nom de domaine, soit au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet, correspondant au territoire national, soit par une personne, physique ou morale, de nationalité française ou ayant son domicile, son siège social ou un établissement en France, ne peut porter atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’un groupement de communes ou avoir pour objet ou pour effet d’induire une confusion avec son site Internet officiel. »

Article 5

L’article L. 2121-27-1 du même code est abrogé.