Jan 24 2006

Proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple

Monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis cette tribune, je veux vous dire toute ma satisfaction de voir revenir en discussion, aujourd’hui, ce texte qui fera date, ne serait-ce que par la modernisation du code civil qu’il entraîne.

Il est – faut-il le rappeler ? – d’origine parlementaire, ce qui explique sans doute également le remarquable consensus qui s’est exprimé, tant au Sénat en première lecture qu’à l’Assemblée nationale, marquant la volonté unanime des représentants du peuple que nous sommes de mettre un frein à ces formes de violences quotidiennes trop longtemps tues et acceptées au sein des couples ou commises sur les mineurs.

La vertu du bicamérisme et des navettes s’est encore une fois vérifiée puisque des dispositions introduites par le Sénat il y a bientôt un an ont été amplifiées et étendues par l’Assemblée nationale, à la faveur de plusieurs mois de réflexion, et que des sujets aussi sensibles que la lutte contre l’excision et autres mutilations sexuelles, l’exploitation des enfants et la pédopornographie, la polygamie et même le tourisme sexuel, ont pu être longuement débattus.

C’est bien de la protection de la dignité humaine dont il est question, et nous ne pouvons plus tolérer cette barbarie infâme qui entraîne le décès d’une femme tous les quatre jours !

Je suis aussi reconnaissante aux députés d’avoir renforcé le dispositif de lutte contre les mariages forcés, sujet qui me préoccupe particulièrement en tant qu’élue des Français de l’étranger.

Le relèvement de quinze à dix-huit ans de l’âge légal du mariage pour la femme n’est qu’une première étape, indispensable, mais insuffisante, comme je l’ai souligné dans l’exposé des motifs de la proposition de loi que j’ai déposée le 7 mars dernier, puis dans l’objet de mon amendement adopté à l’unanimité le 29 mars dans cet hémicycle.

Il était urgent, à mes yeux comme à ceux de la Défenseure des enfants et des membres d’associations de défense des droits des femmes, de faire un pas décisif en modifiant l’article 144 du code civil, supprimant d’un coup cette violence inouïe faite aux jeunes mineures au nom de coutumes héritées d’un autre âge et mettant, dès lors, la France en conformité avec les recommandations du comité de suivi de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant.

C’était tellement urgent que j’avais décidé ne pas alourdir le texte ni de risquer une opposition en tentant d’y introduire d’autres dispositions tendant à lutter contre les mariages forcés.

Cependant, j’avais énoncé dès le 28 mars plusieurs pistes en ce sens dans deux grands quotidiens nationaux, notamment la nécessité d’un accord explicite du procureur avant transcription des actes de mariage, l’augmentation du nombre de structures d’accueil et d’hébergement et le renforcement de la prévention par une meilleure information.

Je ne peux donc que souscrire aux dispositions introduites par nos collègues députés, qui vont dans le sens de mes propositions, quand elles ne vont pas au-delà.

La mission d’information sur la famille et les droits de l’enfant, notamment son rapporteur, Valérie Pecresse, a fait un travail en profondeur qui a nettement amélioré, grâce à cinq articles additionnels, le dispositif voté par le Sénat. Qu’elle en soit ici remerciée.

Je commenterai rapidement les mesures visant les mariages célébrés à l’étranger, lesquels sont en constante augmentation. Ainsi, le nombre d’unions entre Français et étrangers transcrites par les services consulaires français a augmenté de 89 % entre 1994 et 2003, et il est aujourd’hui supérieur à celui des mariages mixtes célébrés en France.

Ces mariages ont engendré la transmission par les consulats au parquet de 340 dossiers en 2002, 713 dossiers en 2003 et 1 114 dossiers en 2004. Cette augmentation est parlante !

Face à cette évolution, la systématisation des auditions des futurs mariés, conjointement ou séparément, par un agent diplomatique, consulaire ou son délégué, assortie de l’assurance qu’une audition pourra être effectuée, quel que soit le pays où résident les futurs époux, participe en amont à la présomption du défaut de consentement. Cela réduira d’autant les transmissions de dossiers au procureur de la République de Nantes, déjà surchargé.

Encore faudrait-il que nos agents à l’étranger aient le temps de se consacrer à cette tâche, alors que les effectifs en personnel sont, hélas, en constante diminution dans nos postes !

Afin d’assurer le bon déroulement de ces auditions, des directives devraient être données pour le respect strict de la confidentialité, la prise en compte de la dignité de la personne et la possibilité d’un choix d’interprète par les intéressés en cas de nécessité.

S’il s’agit d’une transcription de mariage, le fait que les époux ne vivent pas ensemble au moment de la demande ne devrait pas faire préjuger la nullité du mariage, car leur réunion peut dépendre de l’obtention du visa pour le conjoint étranger, qui est, elle-même, liée à la transcription du mariage !

Le fait d’avoir un enfant ou d’en attendre un devrait également être pris en compte pour établir la sincérité de l’union.

Enfin, des agents consulaires compétents en matière d’état civil devraient pouvoir distinguer dans certains pays sensibles – je pense notamment à l’Inde – ce qui ressortit à la coutume honnêtement pratiquée et ce qui relève de l’arrangement et du consentement extorqué.

La formation et l’information des agents consulaires sont, à cet égard, à considérer.

Ces précisions sont essentielles, car il ne s’agit pas de porter le soupçon sur l’ensemble des mariages mixtes réalisés à l’étranger, la grande majorité de nos compatriotes expatriés se mariant dans des conditions tout à fait normales et conformes à notre droit.

La possibilité nouvelle de saisine systématique du ministère public par l’agent diplomatique ou consulaire en cas d’indices sérieux d’absence de consentement est un progrès dans la lutte contre les mariages forcés et dans la protection du conjoint qui n’oserait se déclarer contraint.

Pour autant, l’information systématique des futurs mariés ne doit pas être négligée, et la distribution d’un guide des droits et devoirs reste indispensable, car les mariages forcés ne disparaîtront véritablement que s’ils sont refusés par les intéressés eux-mêmes.

Il faut que ce guide soit largement diffusé et qu’il soit rédigé dans d’autres langues que le français. Nous ne devons pas oublier, en effet, que beaucoup de conjoints de Français ne parlent pas notre langue et qu’il est d’autant plus nécessaire de les informer de leurs droits et de leurs devoirs.

Je tiens à féliciter chaleureusement la commission des lois et son rapporteur pour la sagesse dont ils ont fait preuve en proposant la suppression de l’article 5 bis B, qui était loin de faire l’unanimité, comme l’attestent les nombreux courriers reçus sur ce sujet de la médiation pénale.

J’approuve également l’excellent amendement de la commission des lois qui tend à enrichir l’article 212 du code civil en prévoyant que les époux se doivent mutuellement non seulement fidélité, secours et assistance, mais aussi respect.

Cet apport est particulièrement opportun quand on sait que l’irrespect, qui s’est malheureusement généralisé dans notre société, est à l’origine de toute violence, qu’elle soit verbale, physique, psychologique ou morale.

Le respect est essentiel à la vie en communauté, au développement de relations harmonieuses, à la dignité de chacun.

Pour terminer, je remercie le Gouvernement, et en particulier vous-même, monsieur le garde des sceaux, ainsi que votre prédécesseur, d’avoir accepté notre proposition de réforme de l’article 144 du code civil et d’avoir compris l’attente des femmes, que nous avons relayée.

Ce soutien nous a été indispensable pour aboutir à ce qui sera, après le vote définitif de ce texte, un outil très efficace pour renforcer la prévention et la répression des violences au sein du couple ou celles qui sont commises contre les mineurs.

Je voterai donc le texte tel qu’il est proposé par la commission des lois, en espérant une entrée en vigueur rapide de ses dispositions issues d’un consensus exemplaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)