Il n’y a pas d’élection démocratique sans propagande électorale, c’est-à-dire sans une connaissance suffisante par les électeurs des programmes et, le cas échéant, des bilans de mandat des candidats, sans la possibilité d’échanges et de dialogues ou confrontations légitimes des choix politiques et associatifs. Une élection dépourvue de possibilités d’échanges et dialogues est privée de la substance même du débat démocratique. La Cour européenne des Droits de l’Homme a consacré cette vision du droit électoral comme devant être commune à tous les États signataires de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.
La quasi-absence de propagande électorale à l’étranger explique très largement le taux considérable, anormal, d’abstention lors des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger. La propagande électorale était, en effet, jusqu’en 2005, limitée par la loi au minimum possible : à la simple diffusion des circulaires et bulletins de vote des candidats. Le Conseil d’État s’est montré très rigoureux dans l’application du principe d’interdiction de toute propagande à l’étranger. Paradoxalement, les nombreuses violations constatées du principe d’interdiction n’ont entraîné l’annulation d’élections que dans les seuls cas où l’écart entre les suffrages obtenus par les listes ou candidats était minime. Cette situation n’est pas satisfaisante. Une réforme, souhaitée à de nombreuses reprises par les élus à l’Assemblée des Français de l’étranger s’impose donc dans ce domaine, le premier pas effectué par la loi du 20 juillet 2005 s’avérant insuffisant.
Lors des derniers renouvellements à l’Assemblée des Français de l’étranger, d’autres difficultés sont apparues en matière de contenu et de présentation des circulaires et bulletins de vote, de respect des délais réglementaires et de conséquences de leur dépassement. Un contrôle démocratique des opérations de dépôt, d’envoi et de diffusion des documents électoraux a été souhaité par plusieurs élus.
Compte tenu des difficultés d’organisation des élections à l’étranger, notamment de celles liées à l’environnement international et au coût de ces opérations, le législateur se doit de prendre des mesures particulières tendant à prévenir des contentieux post-électoraux et à faire trancher les difficultés en amont. Ces difficultés justifient l’institution de procédures spécifiques de référé préélectoral et une plus grande précision des normes juridiques, encore plus nécessaire à l’étranger que sur le territoire français.
Enfin, la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 a pour effet de transférer dans le domaine de la loi les règles relatives aux instances représentatives des Français établis hors de France dont l’Assemblée des Français de l’étranger fait partie (cf. art. 39, dernier alinéa modifié de la Constitution). En conséquence, il est nécessaire de transférer l’essentiel des règles relatives à la propagande électorale dans la loi du 7 juin 1982, plusieurs fois modifiée, relative à l’Assemblée des Français de l’étranger.
I – DISPOSITIF GÉNÉRAL
1) Droit en vigueur
Une simple analyse du contentieux des élections au Conseil supérieur des Français de l’étranger (1982-2004) démontre que le Conseil d’État a donné une très large extension au principe d’interdiction de la propagande électorale formulé par l’article 5 de la loi du 7 juin 1982. Ce principe avait été formulé de façon aussi absolue pour respecter la souveraineté des États sur le territoire desquels les élections du Conseil supérieur devaient se dérouler, à une époque où le droit international classique ne connaissait pas encore le déroulement d’élections étrangères sur le territoire d’un État.
Depuis cette époque, plusieurs États, principalement en Europe, admettent ce type d’élections. Dans ce contexte et à l’heure de la mondialisation et de l’internet, il paraît nécessaire de reformuler la portée du principe d’interdiction qui est l’une des explications majeures de l’abstention considérable des électeurs lors des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger.
Le nouvel article 5 de la loi du 7 juin 1982, issu de l’article 4 de la loi n° 2005-822 du 20 juillet 2005 a déjà procédé à un aménagement notable du principe d’interdiction. Il y déroge, en effet, en Europe, dans les États membres de l’Union européenne et les États parties à la Convention européenne des Droits de l’homme, sous réserve de l’application des articles L. 49, L. 50 et L. 52-1 du code électoral.
Dans les autres États, le principe d’interdiction de la propagande prévaut, assorti des deux exceptions antérieures :
– l’envoi ou la remise aux électeurs des circulaires et bulletins de vote des candidats effectué par les ambassades et les postes consulaires ;
– l’affichage offert aux candidats à l’intérieur des locaux des ambassades et des postes consulaires et des bureaux de vote ouverts dans d’autres locaux.
L’article 5 de la loi du 7 juin 1982, modifié en 2005, précise enfin que la propagande qui est interdite est la seule propagande « électorale » afin de bien distinguer le domaine électoral de celui de l’information civique, toujours possible et légitime.
Dans son arrêt du 10 août 2007 concernant les dernières élections à l’Assemblée des Français de l’étranger qui se sont déroulées en Suisse (CE 3ème et 8ème sous-sections réunies, n° 296013, mentionné aux Tables du Recueil Lebon), le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser la portée du nouvel article 5 de la loi du 7 juin 1982 :
« Considérant que ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi du 9 août 2004, doivent être entendues comme ne maintenant l’interdiction de toute propagande électorale à l’étranger que pour les élections qui se déroulent dans des pays qui ne sont ni membres de l’Union européenne, ni parties à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que pour les élections qui se déroulent dans les autres pays, la propagande électorale est désormais autorisée, sous réserve du respect des dispositions des articles L. 49, L. 50 et L. 52-1 du code électoral ;
« Considérant qu’il ne peut être utilement soutenu qu’ainsi interprétées, ces dispositions auraient pour effet d’appliquer, pour une même élection, des règles différentes selon les circonscriptions et le cas échéant à l’intérieur d’une même circonscription, en méconnaissance de l’égalité entre les électeurs et entre les candidats, car cette critique, qui tend à mettre en cause la conformité de la loi à la Constitution, échappe à la compétence du Conseil d’État statuant au contentieux ; qu’il en va de même de l’argumentation selon laquelle la modification de rédaction apportée à l’article 5 de la loi du 7 juin 1982 par la loi du 9 août 2004 est obscure et imprécise en sorte que se trouvent méconnues les exigences constitutionnelles de clarté et d’intelligibilité de la loi ;
« Considérant que la Suisse et le Liechtenstein ont signé la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, respectivement le 21 décembre 1972 et le 23 novembre 1978, et l’ont ratifiée, respectivement le 28 novembre 1974 et le 8 septembre 1982 ; que, par suite, la propagande était autorisée, dans les limites indiquées ci-dessus, dans la circonscription couvrant le territoire de ces deux États lors du scrutin du 18 juin 2006 pour l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger ; »
2) Définition d’une « période électorale »
On parle couramment de « campagne électorale » pour les élections à l’Assemblée des Français de l’étranger, alors que dans les pays où s’applique le principe d’interdiction de la propagande, ce principe est d’application générale et absolue, en tous temps et en tous lieux. Le Conseil d’État tient seulement compte de la proximité de la consultation pour apprécier le degré de gravité d’une violation du principe et son impact sur la sincérité des élections.
Il nous paraît nécessaire de préciser clairement la date à partir de laquelle s’appliquent les restrictions ou l’encadrement légal de la propagande. Avant cette date et après l’élection, la défense ou le soutien des programmes électoraux et des bilans de mandat sera possible. La période électorale commencerait soixante jours avant la date du scrutin, date limite de dépôt des candidatures.
Mais en toute période, et particulièrement durant la période électorale, candidats ou élus continueront à respecter la législation locale comme ils le font actuellement. Sous ce rapport, on ne connaît pas à ce jour de dérapages des candidats ou élus ni d’infractions aux lois locales de leur part ayant exposé notre pays à quelque critique que ce soit. Cela est largement dû aux efforts conjugués de nos postes diplomatiques et consulaires et à la sagesse naturelle des candidats et des élus. La jurisprudence du Conseil d’État ne révèle aucune mise en cause des intéressés par les États de résidence ni aucun propos ou aucun acte de leur part de nature à nuire aux bonnes relations entre la France et ces États. Les modifications que nous proposons s’inscrivent dans ce contexte de respect naturel des lois des pays de résidence. Le droit international, qui n’a pas changé sur ce point, exige ce respect de la souveraineté des États de résidence. Notre proposition n’y porte aucune atteinte.
Il nous paraît nécessaire de fixer dans la loi la date de publication de l’arrêté du ministre des Affaires étrangères convoquant les collèges électoraux. Nous proposons qu’elle ait lieu dix semaines avant la date du scrutin.
3) Formulation clarifiée de la distinction des régimes de propagande applicables en Europe et hors Europe
Le contentieux des élections du 18 juin 2006 a fait apparaître la nécessité de clarifier le dispositif mis en place en 2005 par la loi du 20 juillet 2005.
Compte tenu des observations du commissaire du Gouvernement lors de l’examen des recours, il nous a paru nécessaire d’affirmer plus clairement la distinction opérée par le législateur en 2005 entre deux régimes de propagande :
– un régime « européen » qui repose sur le principe de liberté reconnu par les traités ;
– un régime hors Europe, qui repose, au contraire, sur le principe d’interdiction de la propagande dont il est proposé de clarifier la portée pour préciser ce qui est interdit et ce qui est permis. En effet, le caractère absolutiste de l’interdiction, l’extrême rigueur de la jurisprudence de 1982 à 2001, ont eu pour conséquence évidente l’ignorance des électeurs sur le sens voire l’existence de cette consultation et leur désaffection consécutive à l’égard de ce scrutin. Le taux d’abstention record atteint lors de ces élections en est le témoignage éloquent. À l’heure de l’Internet et de la mondialisation qui se jouent des frontières, il est nécessaire d’apporter des précisions permettant aux citoyens d’obtenir une meilleure information démocratique.
a) Dispositif applicable en Europe
Le dispositif retenu en 2005, sans aucun incident que puissent déplorer les États en cause restera inchangé.
Ce dispositif est favorable à la liberté et à la démocratie qui font partie des « valeurs » de l’Union européenne, comme le précisent déjà les traités en vigueur, et comme le précisera davantage le futur traité simplifié. Les traités instituant l’Union et la Communauté européenne et les actes dérivés pris pour leur application créent un véritable espace de liberté et une véritable citoyenneté européenne. Ils se réfèrent aux droits et libertés communs aux États membres. Le traité simplifié en cours de négociation développera ce cadre favorable à la liberté. Le mandat de négociation donné à la future conférence intergouvernementale prévoit déjà que l’Union adhérera à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950.
La Convention consacre la liberté d’expression, de communication, de réunion, de manifestation, toutes nécessaires à l’exercice de la démocratie et au débat électoral. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme que dans la préparation des élections, il n’est pas permis de porter atteinte à la « substance » de ces libertés. Interprétant l’article 10 de la Convention, la Cour a jugé que « Des élections libres et la liberté d’expression, notamment la liberté du débat politique, constituent l’assise de tout régime démocratique. » (CEDH 19 février 1998, Bowman c/ Royaume-Uni, aff. n° 141/1996/760/961, § 42, renvoyant également aux arrêts Mathieu-Mohin et Clerfayt c/ Belgique du 2 mars 1987 et Lingens c/ Autriche du 8 juillet 1986). « Les deux droits » affirme la Cour « sont interdépendants et se renforcent l’un l’autre… C’est pourquoi, il est particulièrement important en période préélectorale, de permettre aux opinions et aux informations de tous ordres de circuler librement » (Ib.). Dans l’affaire Bowmann précitée, le Royaume-Uni a été condamné pour violation de l’article 10. La Cour insiste sur le fait qu’il n’y a pas de liberté d’expression s’il n’y a pas de libre débat politique : « Le libre jeu du débat politique se trouve au coeur même de la notion de société démocratique qui domine la Convention tout entière. » (CEDH Lingens précité, § 42). Qui dit « débat » dit possibilité pour les candidats de faire connaître leurs opinions, leurs programmes, de critiquer celles et ceux de leurs concurrents. « Un adversaire des idées et positions officielles doit pouvoir trouver sa place dans l’arène politique. » (CEDH 20 mars 1995, Piermont, req. n° 5/1994/452/531-532, § 76). Le « débat » au sens de la jurisprudence de la Cour n’est pas une simple information des citoyens, mais il appelle un échange, une confrontation des points de vue, et, le cas échéant, une critique des arguments des autres candidats. Là où ces moyens sont interdits, il n’y a pas de « débat » possible, et la jurisprudence de la Cour n’est pas respectée.
Il est donc apparu au législateur en 2005, et singulièrement à votre Haute Assemblée, que le principe d’interdiction quasi-absolu de la propagande figurant à l’article 5 de la loi du 7 juin 1982 portait précisément atteinte à la substance des libertés démocratiques consacrées par les traités européens.
Nous proposons de clarifier les termes de la loi pour y « ancrer » le principe de liberté en Europe, liberté partagée par nos partenaires européens, et pour confirmer l’interprétation correcte des textes européens. Ces textes prohibent, sur le territoire des États parties, l’interdiction quasi-totale de la propagande ; ils sont favorables à la liberté.
Nous proposons donc d’insérer dans la loi du 7 juin 1982 un article 5-1, rédigé comme suit : « Dans les États membres de l’Union européenne ou parties à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, conformément aux engagements internationaux en vigueur, les candidats et listes disposent de la liberté d’expression, de communication et de réunion nécessaires à la diffusion de leur programme ou bilan de mandat. »
Cette liberté s’exercera sous réserve de la souveraineté des États parties aux traités. Le contentieux des élections du 18 juin 2006 en a offert un exemple singulier. Un tribunal allemand ayant interdit sous astreinte à l’un des candidats l’usage de logos ou emblèmes d’un parti allemand, le SPD, l’administration consulaire a refusé de diffuser sa circulaire tant qu’elle maintiendrait l’image prohibée.
La liberté sera donc « encadrée » à la fois par les incidences nécessaires de la législation locale, à l’encontre de laquelle les candidats et listes ne pourront aller sans encourir des sanctions dans le pays de résidence. Elle sera également « encadrée » par les articles L. 49, L. 50 et L. 52-1 (premier alinéa) qui s’appliqueront dans toutes les circonscriptions.
b) Dispositif applicable hors Europe
Hors Europe, le législateur, en 2005, a entendu reprendre le principe général d’interdiction de toute propagande hormis l’affichage dans les postes diplomatiques et consulaires et bureaux de vote extérieurs et la diffusion des circulaires et bulletins de vote aux électeurs par les postes.
Il n’a toutefois pas exclu de nouvelles précisions sur la portée de l’interdiction, et sur les dérogations qu’il serait possible d’y apporter compte tenu de l’évolution de la politique des États et des progrès de l’informatique et de la mondialisation.
Nous proposons d’insérer dans la loi du 7 juin 1982 un article 5-2 rappelant le principe d’interdiction, mais permettant une plus grande souplesse :
– les deux dérogations traditionnelles seraient maintenues : envoi ou remise aux électeurs des circulaires et bulletins de vote effectués par les ambassades et les postes consulaires, affichage offert aux candidats à l’intérieur des locaux des ambassades et consulaires et des bureaux de vote extérieurs ;
– toute la propagande utilisant des formes privées (sites internets, courriels, envois sous plis fermés, y compris l’envoi aux abonnés des périodiques habituels des associations de Français établis hors de France) serait possible. Ces correspondances strictement privées doivent être expressément autorisées en raison du principe de la liberté de communication, de la garantie de confidentialité du service postal et du droit au respect de la vie privée également reconnus par le droit international. Il nous paraît indispensable de préciser que la propagande par Internet est toujours possible, sous réserve de l’application de l’article L. 49 du code électoral interdisant la création de sites la veille et le jour du scrutin. Conformément à une jurisprudence bien établie, le maintien sur un site Internet, le jour du scrutin, d’éléments de propagande électorale ne constitue pas, lorsqu’aucune modification qui s’analyserait en nouveaux messages n’a été opérée, une opération de diffusion prohibée par l’article L. 49 précité. (CE 8 juillet 2002, Élections municipales de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne), Leb. P. 747).
Enfin, une propagande plus large serait possible dans les États qui l’autorisent. Nous avons donc précisé que le principe d’interdiction s’applique sous réserve des droits accordés par la législation locale sans discrimination entre les candidats. En cas de contentieux, il appartiendra aux demandeurs d’apporter la preuve de la consistance de la législation locale. La mention relative à l’absence de discrimination concerne les pays où les autorités locales entendraient s’ingérer dans ces élections en privilégiant une ou plusieurs candidatures et en restreignant les droits des autres candidats ou listes.
c) Application des articles L. 49, L. 50 et L. 52-1 (premier alinéa) du code électoral
Comme en 2005, nous proposons d’appliquer dans toutes les circonscriptions les articles L. 49, L. 50 et L. 52-1 qui interdisent certaines formes de propagande, en apportant cependant une correction. Il convient toutefois de préciser que seul le premier alinéa de l’article L. 52-1 est applicable à l’étranger. En effet, les alinéas deux et trois de cet article concernent les opérations de promotion des collectivités territoriales et les comptes de campagne. Or, les Français établis hors de France ne constituent pas une collectivité territoriale et il n’existe pas de comptes de campagne pour les élections à l’Assemblée des Français de l’étranger.
4) Référé en matière d’atteinte aux règles générales de propagande électorale à l’étranger (art. 5-4 nouveau de la loi du 7 juin 1982)
La plupart des recours contentieux contre les élections au Conseil supérieur des Français de l’étranger puis à l’Assemblée des Français de l’étranger ont, jusqu’ici, été motivés par des infractions au principe d’interdiction de la propagande électorale à l’étranger. L’administration est très fréquemment saisie de cas, réels ou supposés, de violations du principe. Elle ne peut généralement que renvoyer les candidats ou listes à en saisir le Conseil d’État dans le cadre d’un recours contre l’élection (en fait contre l’arrêté du ministre des Affaires étrangères publiant la liste des candidats élus, cf. art. 44 du décret du 6 avril 1984).
Le Conseil d’État lui-même a été amené à intervenir en raison d’une mise à disposition du public dans les locaux diplomatiques et consulaires de la revue d’une association représentative de Français de l’étranger soutenant plusieurs candidats. Le Conseil d’État, saisi en référé, a demandé à l’administration de prendre une décision remettant en cause cette diffusion. L’administration a procédé au retrait de la revue de la mise à disposition du public. (cf. CE, ord. Réf. 2 juin 2006, ADFE c/ ministre des Affaires étrangères, n° 293397).
Il paraît donc souhaitable, dans l’esprit qui a présidé à la décision du Conseil d’État, d’instaurer une procédure de référé spécifique permettant de mettre un terme aux errements constatés pendant la période électorale.
Nous proposons de conférer cette compétence juridictionnelle au tribunal administratif de Paris qui devra statuer d’urgence et à juge unique, comme en matière d’enregistrement des déclarations de candidature. Le tribunal aura pour mission de constater l’existence d’une violation du principe d’interdiction et d’ordonner à l’administration ou aux candidats ou listes en présence, selon les cas, d’y mettre fin. Comme dans le contentieux des déclarations de candidature, la décision du tribunal administratif ne pourra être contestée que devant le Conseil d’État saisi d’un recours contre l’élection.
Il n’y a pas à craindre un afflux exorbitant des recours dès lors que les règles de propagande ayant été clarifiées à partir de critères objectifs, une simple consultation des dispositions légales par les candidats ou listes découragera les contentieux.
II – RÈGLES RELATIVES À LA RÉDACTION ET À LA COMPOSITION DES CIRCULAIRES ET BULLETINS DE VOTE
1) Débats et questions
Les règles relatives à la rédaction et à la composition des circulaires et bulletins de vote ont donné lieu à de très nombreuses demandes de précision de la part des candidats. Ces règles suscitent de nombreux débats sur l’utilisation des couleurs et les mentions susceptibles de figurer tant sur les bulletins que sur les circulaires des candidats. Peut-on faire figurer un ou plusieurs emblèmes, les fonctions ou mandats publics exercés, les appartenances associatives ou politiques, les décorations? Peut-on apposer des photographies en couleur ou en noir et blanc sur les circulaires ? Les circulaires et bulletins de vote peuvent-ils comporter les couleurs nationales ? Les candidats jugent souvent que les textes en vigueur ne sont pas suffisamment clairs ou qu’étant lacunaires, plusieurs réponses sont possibles. Il apparaît nécessaire, pour éviter des contentieux inutiles, faciliter le travail de l’administration et surtout en vue d’une meilleure compréhension de la loi par les candidats et listes en présence, d’apporter plusieurs précisions juridiques.
2) Textes en vigueur
Les règles relatives à la rédaction et à la composition technique (dimensions, couleur, texture, mentions obligatoires) des documents électoraux sont actuellement prévues par les articles 29 et 30 du décret n° 84-252 du 6 avril 1984 portant statut de l’Assemblée des Français de l’étranger et fixant les modalités d’élection de ses membres.
Ces dispositions comportent un régime spécifique en matière de rédaction des circulaires des candidats. Le texte des circulaires doit être identique sur toute l’étendue de la circonscription électorale et strictement conforme à celui qui a été préalablement déposé au poste compétent au plus tard le 55e jour précédent la date de l’élection. L’usage veut qu’après ce dépôt, le chef de poste informe le candidat ou son mandataire des irrégularités qu’il aurait constatées dans la rédaction ou la composition technique de la circulaire. Il peut notamment attirer son attention sur les atteintes aux relations entre la France et le pays de résidence susceptibles de résulter des termes de la profession de foi. Le candidat peut ainsi apporter, dans le délai légal, les rectifications qu’il juge utiles.
3) Propositions de réforme
a) Contenu et présentation des bulletins de vote et circulaires
Les débats et questions sur le contenu et la présentation des bulletins de vote et des circulaires ont été innombrables lors des derniers scrutins. Il est indispensable de clarifier cette question pour faciliter la tâche des postes diplomatiques et consulaires et les préparatifs des candidats ou listes.
Les articles 29 et 30 du décret n° 84-252 du 6 avril 1984 précisent :
– les règles relatives aux mentions obligatoires devant figurer sur les bulletins de vote ;
– la dimension, la couleur du papier et celle d’impression des circulaires et bulletins de vote.
En outre, l’article 29 (2e alinéa) dudit décret comporte une particularité qu’on ne retrouve pas dans le droit électoral applicable en métropole. Cet article prévoit que le texte de la circulaire d’un candidat ou d’une liste « doit être identique sur toute l’étendue de la circonscription électorale et strictement conforme à celui qui a été déposé. »
Nous proposons de maintenir ces règles leur apportant toutefois plusieurs correctifs pour tenir compte de l’expérience et des difficultés constatées lors des précédents scrutins. Nous proposons :
– que les bulletins de vote ne puissent comporter d’autres mentions que celles qui sont obligatoires et de celles qui sont autorisées qui seront énumérées limitativement (notamment les mentions des mandats antérieurs et de la profession exercée);
– que les candidats ou listes puissent apposer sur les bulletins plusieurs emblèmes ;
– que les bulletins ne puissent comporter d’autres couleurs d’impression que le noir et le blanc ;
– que les circulaires puissent comporter des couleurs et des images (emblèmes, logos, photos) sauf, la combinaison des trois couleurs nationales qui ne serait possible que pour les emblèmes officiels des partis et associations;
– que les circulaires et bulletins ne puissent comporter d’emblèmes, logos ou mentions d’appartenances associatives ou politiques fausses ou mensongères (cf. sur ce point, le § b) ci-après).
Serait maintenue la règle actuelle du dépôt au poste territorialement compétent d’un exemplaire originel de la circulaire et du bulletin de vote de chaque liste ou candidat. Après ce dépôt, le chef de poste devrait indiquer aux candidats ou à leurs mandataires si les exemplaires ne sont pas conformes aux dispositions précitées. Dans ce cas, les intéressés disposeront d’un délai de soixante douze heures pour procéder aux modifications requises. À défaut, les circulaires ou bulletins non conformes ne seront pas diffusés ni distribués. Les bulletins qui l’auraient été contrairement à ces exigences légales seront nuls.
b) Interdiction de l’apposition sur les circulaires et bulletins de vote d’emblèmes, logos ou mentions d’appartenance associative ou politique fausses ou mensongères
Nous proposons que les circulaires et bulletins de vote ne puissent comporter d’emblèmes, logos, ou mentions d’appartenances associatives ou partisanes fausses ou mensongères (art. 5-6, dernier alinéa nouveau de la loi du 7 juin 1982). Ces mentions sont actuellement possibles et l’annulation de l’élection n’est généralement prononcée que lorsque l’écart des voix entre les candidats ou listes est jugé suffisamment faible par la juridiction saisie. Cette situation n’est pas convenable. Il n’est pas conforme aux règles démocratiques qu’un candidat ou une liste excipent d’une appartenance fausse, trompant ainsi les électeurs sur leurs choix associatifs et politiques. Cette manoeuvre est d’autant plus grave à l’étranger que nos compatriotes expatriés ne disposent pas des mêmes moyens d’information qu’en France et que les candidats victimes de ces agissements frauduleux n’ont pas les mêmes moyens de répondre que dans notre pays. Ce dol caractérisé serait désormais sanctionné par le refus de diffusion des circulaires comportant de tels emblèmes, logos ou mentions, et en cas d’utilisation du bulletin en violation de cette interdiction, par la nullité de ce bulletin.
d) Emblèmes sur les bulletins de vote
Nous proposons d’inscrire dans la loi du 7 juin 1982 la possibilité expresse pour les candidats et listes d’apposer plusieurs emblèmes (et non un seul) sur les bulletins de vote. L’article 5-7 (2°) nouveau de la loi du 7 juin 1982 reprendrait, en partie, le dernier alinéa de l’article 30 modifié du décret du 6 avril 1984. Interprétant l’article L. 52-3 du code électoral, dont la rédaction est similaire, le Conseil d’État a jugé que les termes « un emblème » visés à l’article L. 52-3 désignaient les emblèmes d’une façon générique et non pas numérique1(*). Notre proposition consacre cette jurisprudence. En effet, compte tenu du contexte spécifique des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger, les candidats souhaitent souvent mentionner, outre leur couleur politique, leurs diverses appartenances au réseau associatif français à l’étranger, mentions qui permettent aux électeurs de mieux les connaître. On notera que, dans son arrêt du 10 août 2007, le Conseil d’État a fait une interprétation libérale de l’article 30 précité du décret du 6 avril 1984 : « Considérant … que n’a pas non plus constitué une (…) manoeuvre le fait que la liste « Français de Suisse solidaires avec la gauche unie » et la liste « Français de Suisse » ont apposé sur leurs bulletins de vote deux emblèmes et non pas un seul, dès lors que ces emblèmes étaient ceux de formations politiques ou organisations dont ces listes avaient obtenu le soutien ; »
e) Couleurs et images
La question des couleurs et des photos sur les circulaires ou bulletins de vote a également été l’objet de débats innombrables lors des derniers scrutins. Il paraît nécessaire d’autoriser expressément l’usage de couleurs et photos sur les circulaires, les bulletins devant cependant être imprimés en noir et blanc. La combinaison des trois couleurs nationales serait expressément interdite comme le prévoit en métropole l’article R 27 du code électoral (art. 5-6, 2ème alinéa nouveau de la loi du 7 juin 1982).
f) Cas de nullité des bulletins de vote
L’article L. 66 du code électoral relatif à la nullité de certains bulletins de vote serait rendu applicable, afin de se rapprocher du droit commun électoral (art. 5-7, dernier alinéa nouveau de la loi du 7 juin 1982).
III – CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE DES OPÉRATIONS DE RÉCEPTION ET DE DIFFUSION DES DOCUMENTS ÉLECTORAUX
1) Difficulté de création de commissions de propagande à l’étranger
En métropole, le code électoral prévoit la création de commissions de propagande qui permettent un contrôle démocratique des envois de documents électoraux.
On aurait pu créer de telles commissions à l’étranger ; toutefois, une simple transposition de cette institution paraît ici difficile. En effet, l’expérience des commissions administratives chargées de la préparation des listes consulaires (anciennes listes de centre de vote et listes AFE) démontre qu’il est souvent difficile de réunir des commissions locales en matière électorale, les commissaires autres que les fonctionnaires n’étant pas toujours disponibles. Il est arrivé, à plusieurs reprises qu’aux réunions des commissions administratives chargées de la préparation des listes une seule ou deux personnes qui les composent soient présentes.
Nous pensons préférable de laisser à l’administration consulaire le soin de procéder au traitement de ces documents comme actuellement avec deux correctifs cependant :
1° L’interdiction aux fonctionnaires et agents des postes qui sont candidats de procéder à ce traitement ;
2° La possibilité donnée aux candidats ou listes d’assister à ce traitement.
2) Interdiction aux fonctionnaires et agents des postes diplomatiques ou consulaires candidats de procéder au traitement des documents (art. 5-10 nouveau de la loi du 7 juin 1982)
Nous proposons d’instituer une interdiction de traitement des documents par les fonctionnaires ou agents des postes qui sont candidats. Il est, en effet, arrivé dans le passé, que des fonctionnaires ou agents candidats participent à la réception et à la mise sous pli des documents électoraux. Ces cas isolés ne doivent pas se renouveler. En effet, la situation à l’étranger est différente de la situation en France où les fonctionnaires participent nécessairement à ces opérations alors même qu’ils sont membres de partis politiques où ils militent. À l’étranger, l’obligation de neutralité et de réserve des fonctionnaires et agents publics s’impose davantage. Si les opinions associatives et politiques sont libres et leur expression publique autorisée en dehors du service, il importe que les fonctionnaires et agents chargés du traitement des documents électoraux ne puissent cumuler ces activités avec des candidatures à ce type de scrutin.
3) Possibilité offerte aux candidats ou listes de contrôler les opérations de traitement des documents électoraux (art. 5-11 nouveau de la loi du 7 juin 1982)
Un contrôle démocratique des opérations de traitement des documents électoraux est indispensable à l’étranger comme en métropole. Ce contrôle existe en France. L’article R 32 (avant-dernier alinéa) du code électoral dispose, en effet, que les candidats ou leurs mandataires ou les mandataires des listes peuvent participer aux travaux de la commission de propagande avec voix consultative. L’article L. 166 le précise pour les élections législatives, l’article L. 356 pour les élections régionales.
Il a paru souhaitable d’autoriser les candidats titulaires (ou leurs délégués) et les candidats têtes de liste (ou leurs mandataires) d’assister aux opérations de traitement des documents électoraux (réception, mise sous pli, envoi et diffusion) dans tous les locaux où il y est procédé. Ils pourraient faire des observations, ou formuler des contestations qui seraient inscrites sur un procès-verbal spécifique. Un décret en Conseil d’État devrait préciser les modalités pratiques de ce contrôle.
IV – DISPOSITIONS DIVERSES
1) Respect des délais en matière de propagande
Les articles du décret du 6 avril 1984 modifiés relatifs à la propagande comportent plusieurs délais pour le dépôt des circulaires, bulletins et affiches notamment. La question s’est posée de savoir ce qu’il convenait de faire en cas de dépassement des délais par un candidat ou une liste, quelles sanctions éventuelles devait s’ensuivre. En l’absence de texte, l’administration a dû résoudre elle-même les cas concrets. Il convient de réparer cette lacune compte tenu des difficultés d’organisation des scrutins à l’étranger et de l’impérieuse nécessité d’éviter la multiplication des contentieux post-électoraux.
Nous vous proposons une règle simple : lorsqu’un candidat tête de liste, un candidat titulaire ou leur mandataire auront dépassé les délais de dépôt soit de l’exemplaire original de la circulaire et du bulletin de vote soit des affiches, circulaires et bulletins de vote en quantité suffisante, les dépôts seront refusés hors les cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles.
2) Mesures d’application
Nous vous proposons de préciser dans un article 10 (nouveau) de la loi du 7 juin 1982 que les mesures d’application de cette loi seront prises, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État.
3) Désignation des bureaux de vote
La modification de l’article 5 de la loi du 7 juin 1982 nécessite une correction seulement rédactionnelle de l’article 6 de cette loi qui fait actuellement référence aux bureaux de vote « ouverts en application de l’article 5 ».
4) Numérotation des articles de la loi du 7 juin 1982
La loi du 7 juin 1982 a été complétée par de nombreux articles à numérotation peu pratique, tels les articles 1er A, 1er quater, 1er quinquiès, 4 bis A, etc. Il est proposé de procéder à une renumérotation continue des articles et d’insérer des intitulés pour bien distinguer dans cette loi, les compétences et la composition de l’Assemblée des Français de l’étranger, le statut de ses membres, son régime électoral et les mesures d’application.