Oct 16 2008

Lutte contre les nouvelles formes d’esclavage

Mardi 26 juillet 2005, saisie par une jeune togolaise Sawa-Akofa SILIADIN, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour violation de l’article 4 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, selon lequel « nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude. »

Certes, notre pays s’est doté d’un certain nombre de moyens pour lutter contre les formes modernes d’esclavage. Il est possible de citer notamment :

– la création, dès 1994, du Comité contre l’esclavage moderne (CCEM) qui a déjà pris en charge plus de 200 victimes ;

– le renforcement en 2003 des effectifs de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains ;

– la formation des magistrats, depuis les matières dispensées à l’École Nationale de la Magistrature jusque dans le cadre de leur formation continue au cours de la carrière, qui semble permettre aux juges de se spécialiser ou d’approfondir leur connaissance sur ce sujet, ainsi qu’en témoigne la réponse du ministère de la Justice à une question écrite de M. le Sénateur Jean-Claude ÉTIENNE ;

– notre législation actuelle, surtout depuis l’adoption de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure :

· les articles 225-13 et 225-14 du code pénal, qui sanctionnent le « fait d’obtenir d’une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, la fourniture de services non rétribués ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli » ainsi que le « fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine », prévoient des peines qui ont été aggravées par la loi du 28 mars 2003 ;

· une infraction de traite des êtres humains est définie par cette loi (articles 225-4-1 et suivants du code pénal).

Ces moyens demandent toutefois à être complétés.

En effet, alors que selon la CEDH « il découle nécessairement [des dispositions de l’article 4 de la Convention] des obligations positives pour les Gouvernements (…) d’adopter des dispositions en matière pénale qui sanctionnent les pratiques visées (…), et de les appliquer en pratique. (…) Ces obligations positives commandent la criminalisation et la répression effective de tout acte tendant à maintenir une personne dans ce genre de situation », l’« esclavage et la servitude ne sont pas en tant que tels réprimés par le droit pénal français ».

Nos articles 225-13 et 225-14 du nouveau code pénal « ne visent pas spécifiquement les droits garantis par l’article 4, mais concernent de manière beaucoup plus restrictive, l’exploitation par le travail et la soumission à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine. ».

Les dispositions introduites dans le code pénal par la loi du 18 mars 2003 ont pour objet de condamner les passeurs et les intermédiaires des réseaux de traite d’êtres humains. Elles ne condamnent cependant pas l’esclavage en tant que tel qui est beaucoup plus complexe et plus lourd de conséquences pour les personnes qui en sont victimes.

La présente proposition de loi a donc pour objet de criminaliser les actes d’esclavage et de servitude.

L’article 1er introduit dans le code pénal les crimes d’esclavage et de servitude. Il permet de répondre aux lacunes de notre droit et de nous mettre en conformité avec les obligations qui découlent de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les définitions qui sont ici proposées pour ces infractions s’inspirent à la fois du droit international et de la législation italienne, qui semble aujourd’hui la seule en Europe à avoir répondu clairement au problème de l’esclavage moderne.

Les articles 2 et 3 complètent la lutte contre les crimes d’esclavage et de servitude. En effet, au delà de la condamnation des auteurs de tels actes, il paraît souhaitable :

– de permettre aux associations de lutte contre l’esclavage ou la servitude d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions d’esclavage et de servitude (article 2) ;

– de prévoir la délivrance d’un titre de séjour aux étrangers victimes d’esclavage ou de servitude (article 3).

Vous pouvez consulter la proposition de loi ici.