Oct 14 2008

Projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève car, à ce stade de la discussion et à cette heure tardive, je ne souhaite revenir ni sur l’architecture générale du projet de loi ni sur le détail de ses grandes orientations déjà largement exposées par les collègues qui m’ont précédée dans ce débat. Je me limiterai donc à attirer votre attention sur un point concret et précis qui concerne un nombre croissant de nos compatriotes rapatriés de l’étranger.

Mais je souhaiterais tout d’abord vous remercier, madame le ministre, de vous être attelée avec détermination à ce dossier capital de l’accès au logement, en en faisant une priorité nationale. Vous avez su prendre la mesure des obstacles qu’il nous reste à surmonter pour résoudre ce problème crucial et récurrent, pour instaurer une véritable mixité et par là même une cohésion sociale par la redynamisation de nos banlieues et de nos quartiers difficiles, en sortant ces derniers de ce processus infernal de ghettoïsation qui les menaçait.

Trop nombreux sont encore les Français qui vivent mal sur notre territoire, trop nombreux sont encore à souffrir de l’absence de logement, ou d’un logement indigne d’eux, indigne de nous. Ces situations de détresse sont inacceptables, car l’accès au logement est la clef de toute intégration ou réintégration réussie et la condition essentielle de l’épanouissement de nos concitoyens. Nous ne pouvons tolérer qu’autant d’entre eux soient encore des mal-logés, voire des sans-logis.

Bien sûr, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à regretter, malgré le contexte de crise immobilière et d’inquiétudes économiques, que le texte n’aille pas assez loin. Nous voudrions bien sûr encore plus, encore mieux, mais nous ne pouvons pas ne pas saluer les efforts réalisés en ce domaine et les 435 000 logements construits en 2007 – le meilleur chiffre en vingt-cinq ans, je tiens à le rappeler.

Mais je voudrais surtout attirer votre attention, madame le ministre, sur une catégorie de Français qui, si elle n’est pas à proprement parler exclue en droit du dispositif, l’est quasi-systématiquement dans la pratique. Il s’agit d’un nombre croissant de nos compatriotes, précédemment établis à l’étranger et qui se voient contraints de rentrer en métropole, soit à la suite d’événements géopolitiques graves – comme en Côte d’Ivoire, au Tchad ou au Liban pour ne mentionner que ceux-là –, soit, et ces cas deviennent de plus en plus fréquents, en raison de la semi-indigence de leur situation induite, par exemple, par les accidents de la vie ou par le non-paiement des retraites par certains États voyous.

Eh oui, mes chers collègues, les Français de l’étranger ne sont pas ces privilégiés, ces exilés fiscaux partis se reposer à l’ombre des cocotiers, comme voudraient nous le faire croire certains esprits plus ou moins bien intentionnés ! Lorsqu’il y a détérioration de l’économie dans leur pays de résidence, ils en sont souvent les premières victimes, et les plus gravement atteintes.

Certes, une ligne budgétaire a été ouverte dès 1977 par le gouvernement de Raymond Barre pour l’assistance aux Français nécessiteux, mais ces crédits restent largement insuffisants et n’ont pas été réévalués depuis maintenant plusieurs années alors que les demandes ne cessent de croître.

La seule solution pour ces Français de l’étranger, qu’ils soient victimes des guerres ou des crises économiques, est le retour en France, et donc la recherche d’un logement à loyer modéré, après un passage par le CEFR, le Comité d’entraide aux Français rapatriés. Cet organisme accomplit un travail remarquable d’accueil et de soutien à ces réfugiés, mais la pauvreté de ses ressources ne peut guère permettre de miracles. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une proposition de loi visant à ce qu’un fonds de solidarité soit institué en faveur des victimes d’événements politiques les contraignant au retour en France. Mais il s’agit là d’un autre débat …

Il est inacceptable, madame le ministre, que ces Français, à leur retour en France, soient une deuxième fois des victimes – souvent silencieuses –, mais cette fois-ci des victimes du droit français, des effets pervers des lois de décentralisation. N’ayant pas de rattachement territorial spécifique, ils sont exclus du bénéfice des mesures prises dans le cadre des collectivités locales et donc des mécanismes régionaux ou locaux d’attribution des logements.

Les Français de l’étranger sont victimes d’absurdités bureaucratiques et réglementaires. À cet égard, je ne citerai qu’un seul exemple de cette absurdité, qui a sévi pendant onze ans avant que vous n’y mettiez un terme, madame le ministre, après que plusieurs de mes collègues et moi-même vous ont alertée à ce sujet. En effet, un décret de 1987 disposait que tout candidat à un logement d’HLM devait fournir ses avis d’imposition pour les deux années précédant sa demande. Il s’agissait d’une mesure tout à fait légitime en tant que justificatif de ressources, me direz-vous ; mais comment fait-on quand on fuit en catastrophe les événements meurtriers de pays lointains ? Dans de telles conditions, comment peut-on penser à se munir de ces documents ?

À cause de ce décret, nos compatriotes ne pouvaient non seulement pas obtenir un logement social, mais ils n’étaient même pas autorisés à y postuler, puisqu’ils ne possédaient pas les documents requis. Les autorités locales leur opposaient le fait qu’elles avaient pour mission « de faire appliquer rigoureusement les textes » !

Afin que des situations aussi ubuesques ne se reproduisent pas, j’aurais aimé déposer un amendement sur votre texte ; néanmoins, je n’ai pas voulu alourdir ce dernier ni courir le risque d’un rejet sur un sujet aussi sensible. Je vous demande donc, madame le ministre, non pas de faire une entorse aux systèmes régis par le droit commun, mais de prendre véritablement en compte la situation de ces Français de l’étranger. Ce serait pour eux le moyen de ne pas être à nouveau des victimes de nos propres lois de décentralisation.

Je souhaiterais que vous signiez un arrêté qui donnerait tout simplement comme consigne que les Français de l’étranger de retour au pays et en situation de dénuement ou de grande fragilité soient traités comme prioritaires pour l’attribution d’un logement. Rappelons-le, il s’agit souvent de personnes âgées, de personnes handicapées, de victimes de guerre ou encore de femmes abandonnées sans ressources, souvent sans aucune famille ou relations en France. Pour eux, encore plus sans doute que pour nos autres compatriotes dans le besoin, l’obtention d’un logement est le préalable indispensable à une réinsertion professionnelle ou sociale.

Un tel arrêté contribuerait à rétablir une forme d’équilibre en faveur de ces Français trop souvent méconnus, trop souvent oubliés, mais qui, tout autant sinon plus que nos autres concitoyens, méritent de prendre leur place dans les dispositifs de solidarité nationale. Ce ne serait là que justice. Je vous remercie, madame la ministre, de ce que vous pourrez faire en ce sens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)