Nov 13 2008

Responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement

Le surendettement est un véritable drame humain pour trop de nos concitoyens. Les élus locaux, en particulier, constatent chaque jour combien une mauvaise appréhension du crédit peut être à l’origine de situations tragiques. Le crédit peut libérer mais, trop souvent, mal maîtrisé, il opprime. Les rapports s’accumulent qui tous dressent le même constat : des efforts sont faits en matière de surendettement mais ils restent insuffisants.

En particulier, il faut dénoncer avec la plus grande vigueur les pratiques de certains établissements de crédit qui contribuent à créer du surendettement. À cet égard, les crédits renouvelables dits « revolving » sont une source particulièrement dangereuse d’endettement.

Le surendettement est d’autant plus préoccupant qu’il touche, rappelons-le, les plus modestes : 53 % des dossiers touchent des employés et ouvriers, 36 % des chômeurs et inactifs. Plus des deux tiers sont des personnes seules, célibataires, divorcés ou veufs. 92 % n’ont aucun patrimoine immobilier.

Certes, pour un grand nombre, le surendettement provient d’un accident de la vie : chômage, séparation ou divorce, maladie… Mais pour 25 % des personnes le surendettement trouve exclusivement son origine dans un excès de crédit, une mauvaise gestion ou un excès de charges. Compte tenu du nombre de dossiers de surendettement déposés annuellement, soit plus de 180 000, ce sont près de 50 000 ménages qui pourraient chaque année éviter une telle situation. Ajoutons que, dans bien des cas, l’origine du surendettement est multiple et, comme le soulignait le Médiateur de la République, « malgré sa pertinence, la distinction entre surendettement « actif » et « passif » doit être relativisée du fait de la fragilité de la frontière qui les sépare »1(*). D’autre part, au-delà du surendettement stricto sensu, il faut aussi considérer le « mal endettement ». Sans ouvrir droit aux procédures de traitement du surendettement, il grève les budgets des emprunteurs et peut rapidement se muer en un véritable surendettement.

La crise financière née aux États-Unis nous a montré de manière évidente les ravages du surendettement pour des familles entières mais aussi pour la société dans son ensemble. Elle ne fait que rendre visible des situations que les élus locaux et les associations connaissent bien dans notre pays : une tragédie silencieuse par laquelle, chaque année, des dizaines de milliers de nos concitoyens s’enfoncent dans la misère et obèrent leur avenir. Mais, au surplus, elle va, selon toute vraisemblance, aggraver la situation des ménages les plus fragiles. D’ores et déjà, la presse s’est fait l’écho de la profusion de publicités agressives à destination des emprunteurs asphyxiés par leurs charges de remboursement.

Si l’on veut y faire face, il nous faut aujourd’hui examiner l’ensemble de la chaîne d’une opération de crédit pour analyser les améliorations de la législation qui pourraient être nécessaires. Car, en ce domaine comme dans d’autres, comme l’affirmait Lacordaire, « c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».

Certes les tribunaux, et en particulier la Cour de cassation, ont adopté des solutions jurisprudentielles visant, notamment, à tenir compte des mauvaises pratiques de certains établissements. La Cour rappelle ainsi fréquemment le devoir de mise en garde des établissements de crédit à l’égard des emprunteurs non avertis (cf. par exemple, Cour de cassation, 1ère chambre civile, 13 février 2007, ou 19 juin 2008). Mais, par nature, la jurisprudence est évolutive et n’a pas la généralité de la loi.

La présente proposition de loi se concentre sur le crédit à la consommation, dans la mesure où le crédit immobilier répond à des problématiques différentes. Compatible avec la directive communautaire 2008/48/CE du 23 avril 2008 sur le crédit aux consommateurs, elle a pour axe principal la responsabilisation des acteurs du crédit : prêteurs et emprunteurs.

Elle vise, en premier lieu, à davantage encadrer les conditions de publicité du crédit à la consommation. L’objectif est clairement de limiter des pratiques contestables qui encouragent ou favorisent le « mal endettement » et de responsabiliser les emprunteurs.

Elle tend, en second lieu, à pousser l’emprunteur à la réflexion avant de conclure son opération de crédit. Ainsi a-t-elle l’ambition de contribuer à éviter la confusion entre l’acte d’achat d’un produit et son financement.

Elle tend, en troisième lieu, à responsabiliser fortement les établissements de crédit qui doivent veiller à ne plus offrir inconsidérément des facilités de financement qui se retournent ensuite contre leurs bénéficiaires. À cet égard, elle permet la prise en compte de ces pratiques excessives lors du traitement des dossiers de surendettement.

Elle prend enfin en compte des pratiques nouvelles qui exigent une législation spécifique : le crédit renouvelable, le rachat de crédits et le crédit en grande surface.

Bien évidemment, elle ne prétend pas, au travers de ses cinq chapitres et de ses seize articles, régler toutes les situations, mais elle ambitionne de constituer une nouvelle étape dans la prévention du surendettement, sans restreindre indûment l’accès au crédit à ceux qui en ont besoin.

Le chapitre premier de la proposition porte sur la publicité relative au crédit à la consommation.

L’article 1er impose, pour tous les crédits à la consommation et dans toute publicité, une mention sur les risques de crédits mal maîtrisés.

L’article 2 interdit, là encore pour tous les types de crédits à la consommation, de lier dans les publicités l’offre préalable de crédit et l’offre de lots promotionnels.

Le chapitre II est relatif au crédit renouvelable.

L’article 3 interdit dans les publicités et informations relatives au crédit renouvelable les mentions laissant entendre que ce type de crédit est de nature à faciliter la gestion du budget de l’emprunteur. Il impose, à l’inverse, une mention dans les mêmes publicités soulignant que le crédit renouvelable ne doit pas être considéré comme une aide à la gestion d’un budget. De même, il rend obligatoire, d’une part, la mention du taux effectif global complété du taux annuel des assurances susceptibles d’être souscrites et, d’autre part, à proximité immédiate, la mention du taux de l’usure afin de permettre d’utiles comparaisons. Il interdit par ailleurs les devis, simulations ou offres préalables de crédits immédiats et impose un délai de huit jours entre la prise de contact avec le prêteur et la réalisation d’une telle opération. En tout état de cause, il proscrit la proposition d’une offre préalable de crédit avant présentation par l’emprunteur de ses justificatifs de revenus et charges. Enfin, il fait obstacle à ce que l’emprunteur se voie refuser un crédit affecté et proposer à la place un crédit renouvelable au motif que le montant du prêt sollicité est trop faible.

L’article 4 supprime l’exclusion des règles du démarchage bancaire et financier, retenue par la loi de sécurité financière, pour les crédits renouvelables et les rachats de crédits proposés sur le lieu de vente. Ceci afin de permettre l’interdiction du démarchage pour ces deux catégories de crédits.

L’article 5 interdit le démarchage en matière de crédit renouvelable.

L’article 6 interdit la mise à disposition de fonds liés à un crédit renouvelable par retrait d’espèces. Cette mise à disposition pourra se faire exclusivement par paiement direct du vendeur d’un bien ou, le cas échéant, virement sur le compte bancaire de l’emprunteur.

Le chapitre III concerne les opérations dites de « rachat de crédits ».

L’article 7 interdit, dans les publicités relatives aux rachats de crédits, les mentions laissant entendre que ces derniers sont de nature à faciliter la gestion du budget de l’emprunteur. Il impose dans toute publicité ou information relative à un rachat de crédit la mention du surcoût de ce rachat par rapport aux opérations auxquelles il se substitue.

L’article 8 interdit le démarchage en matière de rachat de crédits.

L’article 9 interdit, pour les rachats de crédit, les devis, simulations et offres préalables immédiats et impose un délai de huit jours entre la prise de contact entre l’emprunteur et le prêteur et la réalisation de l’une de ces opérations.

Le chapitre IV est relatif aux opérations de crédit dans les magasins de grande surface.

L’article 10 impose un délai de huit jours entre un démarchage bancaire et financier en grandes surfaces (plus de 1 000 mètres carrés) et la proposition d’une offre préalable de crédit.

L’article 11 rectifie la rédaction du troisième alinéa de l’article L. 341-2 du code monétaire et financier pour tenir compte de la suppression par des textes antérieurs des références visées par cet alinéa. Il retient pour la définition des magasins de grande surface dans lesquels ont cours les règles relatives au démarchage bancaire et financier le critère de la surface de vente, à savoir 1 000 mètres carrés, seuil fixé par le code de commerce, dans sa rédaction issue de l’article 102 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, pour l’exigence d’une autorisation d’implantation de commerce.

L’article 12 interdit la proposition et la conclusion de contrats relatifs à du crédit renouvelable dans les locaux des grandes surfaces.

Le chapitre V vise à responsabiliser les établissements de crédit.

L’article 13 impose à la commission de surendettement de vérifier si les établissements de crédit n’ont pas consenti des crédits manifestement disproportionnés. Dans l’affirmative, la commission recommande la suppression des intérêts liés et peut, en outre, mettre à la charge des prêteurs une indemnité au plus égale au capital restant dû. La rédaction actuelle de l’article L. 331-7 du code de la consommation est ainsi singulièrement renforcée. Alors que la prise en compte du « sérieux imposé par les usages professionnels » des créanciers était une simple faculté, elle est remplacée par une obligation de prise en compte de la situation financière du débiteur. Il est rappelé que, conformément à l’article L. 332-1 du code de la consommation, les mesures recommandées par la commission ne prennent force exécutoire que sur décision du juge.

L’article 14 impose à tous les établissements de crédit de faire figurer, au sein de leur rapport annuel de gestion, d’une part, le taux des prêts à la consommation qu’ils ont octroyés ayant fait l’objet, durant l’année et les trois années précédentes, d’un incident de paiement et, d’autre part, le nombre d’opérations de crédit concernées par une procédure de traitement d’un surendettement.

L’article 15 complète le régime des sanctions pour les infractions nouvelles qui ne seraient pas déjà visées par le code de la consommation à son article L. 311-34. Il en résulterait, par combinaison avec l’article L. 311-33 du code de la consommation, deux types de sanctions : amende de 1 500 € en cas d’infraction aux dispositions des articles premier, 2, 6 et 7, amende de 1 500 € et déchéance du droit aux intérêts en cas d’infraction aux dispositions des articles 3, 9 et 10. Le respect des articles 5 et 8 interdisant le démarchage en matière de crédits renouvelables et de rachats de crédits serait sanctionné, conformément à l’article L. 353-2 du code monétaire et financier, des peines prévues en cas de démarchage interdit, à savoir cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

L’article 16 tient compte de la nouvelle rédaction de l’article L. 331-7-1 du code de la consommation dont le deuxième alinéa a été supprimé par l’article 35 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

L’intégralité de cette proposition de loi peut être consultée ici.